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30/03/2001 | FRANCE | N°218078

France | France, Conseil d'État, 30 mars 2001, 218078


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 1er mars et 30 juin 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la FEDERATION NATIONALE DES OPTICIENS INDEPENDANTS DE FRANCE, dont le siège est ... à Dax (40100) ; la FEDERATION NATIONALE DES OPTICIENS INDEPENDANTS DE FRANCE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté interministériel du 31 décembre 1999 pris pour l'application des articles L. 161-5 et L. 861-3 du code de la sécurité sociale et relatif aux dispositifs médicaux optiques pris en charge

au titre de la protection complémentaire des bénéficiaires de la cou...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 1er mars et 30 juin 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la FEDERATION NATIONALE DES OPTICIENS INDEPENDANTS DE FRANCE, dont le siège est ... à Dax (40100) ; la FEDERATION NATIONALE DES OPTICIENS INDEPENDANTS DE FRANCE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté interministériel du 31 décembre 1999 pris pour l'application des articles L. 161-5 et L. 861-3 du code de la sécurité sociale et relatif aux dispositifs médicaux optiques pris en charge au titre de la protection complémentaire des bénéficiaires de la couverture maladie universelle ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 30 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité du 27 mars 1957 instituant la Communauté économique européenne ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Boulouis, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Copper-Royer, avocat de la FEDERATION NATIONALE DES OPTICIENS INDEPENDANTS DE FRANCE,
- les conclusions de Mme Boissard, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'emploi et de la solidarité ;
Considérant que la requête de la FEDERATION NATIONALE DES OPTICIENS INDEPENDANTS DE FRANCE est dirigée contre l'arrêté du 31 décembre 1999 pris pour l'application des articles L. 165-1 et L. 861-3 du code de la sécurité sociale et relatif aux équipements optiques pris en charge au titre de la protection complémentaire des bénéficiaires de la couverture maladie universelle ;
Sur la légalité externe de l'arrêté attaqué :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 861-3 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi du 27 juillet 1999 instituant la couverture maladie universelle, les personnes bénéficiant, en vertu de l'article L. 861-1, de la protection complémentaire en matière de santé au titre de la couverture maladie universelle "ont droit, sans contrepartie contributive, à la prise en charge : ( ...)/ 3° Des frais exposés, en sus des tarifs de responsabilité, pour les soins dentaires prothétiques ou d'orthopédie dento-faciale et pour les dispositifs médicaux à usage individuel admis au remboursement, dans des limites fixées par arrêté interministériel./ L'arrêté mentionné au 3° ci-dessus précise notamment la liste des dispositifs et la limite du montant des frais pris en charge" ; que l'article L. 165-6 du même code, issu de la même loi, dispose que : "Les organismes d'assurance maladie, ainsi que les mutuelles, les institutions de prévoyance et les sociétés d'assurance, peuvent conclure des accords, à l'échelon local ou national, avec les distributeurs de dispositifs médicaux à usage individuel, notamment en ce qui concerne ( ...) les prix maximum pratiqués ( ...)./ Ces accords doivent comporter des dispositions adaptées à la situation des bénéficiaires du droit à la protection complémentaire en matière de santé. A ce titre, pour les dispositifs médicaux à usage individuel figurant sur la liste mentionnée au cinquième alinéa de l'article L. 861-3, ces accords prévoient soit l'obligation pour les distributeurs de proposer un dispositif à un prix n'excédant pas le montant des frais pris en charge défini par l'arrêté mentionné à l'article L. 861-3, soit le montant maximal pouvant être facturé aux bénéficiaires du droit à la protection complémentaire en matière de santé./ En l'absence d'accord ou lorsque les dispositions de l'accord ne répondent pas aux conditions définies à l'alinéa précédent, un arrêté fixe les obligations mentionnées à l'alinéa précédent s'imposant aux distributeurs./ Les dispositions du titre VI de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence sont applicables aux infractions prévues par cet arrêté" ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes des dispositions de l'article 1er de l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, reprises à l'article L. 410-2 du code de commerce : "Les prix des biens, produits et services relevant antérieurement de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 sont librement déterminés par le jeu de la concurrence./ Toutefois, dans les secteurs ou les zones où la concurrence par les prix est limitée en raison soit de situations de monopole ou de difficultés durables d'approvisionnement, soit de dispositions législatives ou réglementaires, un décret en Conseil d'Etat peut réglementer les prix après consultation du Conseil de la concurrence ( ...)" ;
Considérant que les dispositions combinées des articles L. 861-3 et L. 165-1 du code de la sécurité sociale habilitaient les ministres auteurs de l'arrêté attaqué à fixer, en l'absence de l'accord prévu à l'article L. 161-5, le prix limite de vente des équipements optiques comportant divers types de verres que les distributeurs doivent proposer aux bénéficiaires de la protection complémentaire en matière de santé au titre de la couverture maladie universelle ; que, par suite, la fédération requérante n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions de l'article 1er de l'ordonnance du 1er décembre 1986 pour soutenir que ces prix auraient dû être fixés par décret en Conseil d'Etat ;
Considérant que, par arrêté du 6 juin 1997 publié au Journal officiel du 12 juin 1997, le ministre de l'emploi et de la solidarité a donné délégation de signature à M. Dominique Y... à l'effet de signer tous actes, arrêtés et décisions, à l'exclusion des décrets, en ce qui concerne les affaires pour lesquelles délégation n'a pas été donnée aux personnes mentionnées au 2° de l'article 1er du décret du 23 janvier 1947 ; que, par arrêté du 10 juin 1997 publié au Journal officiel du 12 juin 1997, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a donné délégation de signature à M. François A... à l'effet de signer tous actes, arrêtés et décisions, à l'exclusion des décrets, en ce qui concerne les affaires pour lesquelles délégation n'a pas été donnée aux personnes mentionnées au 2° de l'article 1er du décret du 23 janvier 1947 ; que, par arrêté du 9 juillet 1999 publié au Journal officiel du 10 juillet 1999, le ministre de l'agriculture et de la pêche a donné délégation de signature à l'effet de signer dans la limite de ses attributions tous actes, arrêtés, décisions à l'exclusion des décrets à M. Eric Z..., sous-directeur, en cas d'absence et d'empêchement de M. Christian X..., directeur des exploitations, de la politique sociale et de l'emploi ; qu'ainsi, la fédération requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté aurait été signé par des autorités incompétentes ;

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, reprises à l'article L. 462-2 du code de commerce, le Conseil de la concurrence "est obligatoirement consulté par le gouvernement sur tout projet de texte réglementaire instituant un régime nouveau ayant directement pour effet : ( ...) 3° D'imposer des pratiques uniformes en matière de prix ou de conditions de vente" ; que le régime nouveau de fixation des prix de certains soins ou de certains équipements à l'égard des bénéficiaires de la couverture maladie complémentaire a été instauré par les articles L. 861-3 et L. 161-5 du code de la sécurité sociale issus, comme il a été dit ci-dessus, de la loi du 27 juillet 1999 ; que, par suite, la fédération requérante n'est pas fondée à soutenir que le Conseil de la concurrence aurait dû être consulté sur l'arrêté attaqué ;
Considérant que l'arrêté attaqué, qui mentionne à titre d'information, les tarifs de responsabilité des équipements pris en charge au titre des prestations sanitaires et qui donneront lieu à prise en charge complémentaire pour les bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire n'a ni pour objet ni pour effet de modifier le tarif interministériel des prestations sanitaires ; qu'il n'avait donc pas à être précédé de la consultation de la commission mentionnée à l'article R. 165-10 du code de la sécurité sociale ;
Sur la légalité interne de l'arrêté :
Considérant que les ministres auteurs de l'arrêté attaqué, en fixant respectivement dans la première colonne intitulée "Nomenclature" et la troisième colonne du tableau annexé, d'une part, la liste des équipements optiques, comprenant verres et montures, pris en charge au titre du 3° de l'article L. 861-3 du code de la sécurité sociale, d'autre part, la limite du montant pris en charge, pour chacun de ces équipements, par la couverture maladie universelle complémentaire en sus dutarif, n'ont fait qu'user de la compétence qui leur a été attribuée par les dispositions législatives précitées ; qu'en fixant, dans la deuxième colonne du tableau, le prix maximal pouvant être facturé par les distributeurs, pour chacun de ces équipements optiques, aux bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire, ils ont fait usage du pouvoir qui leur a été reconnu par l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale ; que, contrairement à ce que soutient la fédération requérante, ils étaient légalement fondés à le faire dès lors qu'ils avaient constaté, faute de réponse à la lettre adressée en ce sens le 16 novembre 1999 à la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, qu'aucun accord ayant cet objet n'avait été conclu entre cette caisse et les distributeurs ;
Considérant que l'arrêté attaqué n'a ni pour objet ni pour effet d'obliger les distributeurs à proposer au prix figurant dans l'arrêté tous les équipements, quelle que soit la monture, dès lors qu'ils comprennent les verres énumérés dans la liste ; qu'il impose seulement aux distributeurs, au vu de la prescription médicale d'un type de verres, de proposer au bénéficiaire, à un prix n'excédant pas le prix limite fixé par l'arrêté, au moins un équipement comportant ce type de verres ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté serait entaché d'erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale doit être écarté ;

Considérant que l'appréciation à laquelle se sont livrés les ministres auteurs de l'arrêté attaqué pour, d'une part, énumérer les équipements optiques concernés, d'autre part, fixer le montant maximal pris en charge ainsi que le prix maximum auquel est tenu le distributeur, n'est pas entachée d'erreur manifeste au regard des objectifs de santé publique, et notamment d'accès de tous à la santé, ou des caractéristiques économiques du marché des équipements d'optique pris en compte par l'arrêté ; que, dans ces conditions, les dispositions contestées n'ont pas porté une atteinte illégale à la liberté du commerce et de l'industrie ;
Considérant que les prix limites de vente fixés par l'arrêté s'imposent à tous les distributeurs d'équipements optiques ; que les requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que l'arrêté méconnaîtrait le principe d'égalité devant les charges publiques ;
Considérant qu'aux termes de l'article 30 du traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté économique européenne devenu l'article 28 (CE) : "Les restrictions quantitatives à l'importation ainsi que toutes mesures d'effet équivalent sont interdites entre les Etats membres ( ...)" ; que les dispositions de l'arrêté ne comportent, par elles-mêmes, aucune restriction quantitative à l'importation des équipements qu'elles concernent ; que le fait d'imposer aux distributeurs d'équipements optiques de proposer à une partie de la population certains équipements optiques à un prix plafonné, pour tenir compte des faibles ressources des intéressés, ne saurait constituer une mesure d'effet équivalent à de telles restrictions ; que, par suite, le moyen tiré de la violation de l'article 28 précité doit être écarté ; qu'il n'est pas établi qu'en prévoyant la prise en charge, au titre de la couverture maladie universelle complémentaire, de différents types de soins ou équipements, l'article L. 861-3 aurait permis aux régimes obligatoires d'assurance maladie d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur le marché de l'assurance maladie complémentaire ou les auraient placés en situation d'abuser d'une position dominante sur ce marché ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté pris pour l'application de l'article L. 861-3 devrait être annulé en raison de l'incompatibilité de cet article avec les dispositions des articles 85, 86 et 90 devenus 81, 82 et 90 du traité précité, doit être écarté ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient la fédération requérante, la circonstance que l'arrêté attaqué n'a ni rappelé que le tarif de droit commun serait appliqué dans le cas où l'attribution maximale par an serait dépassée par le bénéficiaire, ni précisé comment l'opticien peut s'assurer que son client n'a pas déjà épuisé ses droits pour l'année en cours n'est pas de nature à faire obstacle à l'application des dispositions de l'article L. 861-3 du code de la sécurité sociale ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la fédération requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 31 décembre 1999 pris en application des articles L. 161-5 et L. 861-3 du code de la sécurité sociale ;
Sur les conclusions relatives aux frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à la FEDERATION NATIONALE DES OPTICIENS INDEPENDANTS DE FRANCE la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de la FEDERATION NATIONALE DES OPTICIENS INDEPENDANTS DE FRANCE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la FEDERATION NATIONALE DES OPTICIENS INDEPENDANTS DE FRANCE, au ministre de l'emploi et de la solidarité, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre de l'agriculture et de la pêche.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 218078
Date de la décision : 30/03/2001
Type d'affaire : Administrative

Analyses

61-01-01 SANTE PUBLIQUE - PROTECTION GENERALE DE LA SANTE PUBLIQUE - POLICE ET REGLEMENTATION SANITAIRE.


Références :

Arrêté du 06 juin 1997
Arrêté du 10 juin 1997
Arrêté du 09 juillet 1999
Arrêté interministériel du 31 décembre 1999 décision attaquée confirmation
Code de commerce L410-2, L462-2
Code de justice administrative L761-1
Code de la sécurité sociale L165-1, L861-3, L165-6, L161-5, R165-10
Décret du 23 janvier 1947 art. 1
Loi 99-641 du 27 juillet 1999
Ordonnance du 01 décembre 1986 art. 1, art. 6


Publications
Proposition de citation : CE, 30 mar. 2001, n° 218078
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Boulouis
Rapporteur public ?: Mme Boissard

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2001:218078.20010330
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