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04/05/2001 | FRANCE | N°223913

France | France, Conseil d'État, 9 ss, 04 mai 2001, 223913


Vu la requête, enregistrée le 7 août 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 24 mai 2000 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 2 février 1999 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Ouissam X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauveg

arde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord entre le ...

Vu la requête, enregistrée le 7 août 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 24 mai 2000 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 2 février 1999 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Ouissam X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail, publié en application du décret n° 89-87 du 8 février 1989 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Mahé, auditeur,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., de nationalité tunisienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 31 juillet 1998, de la décision du même jour par laquelle le PREFET DE POLICE lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant que si M. X... fait valoir qu'il est entré en France en 1990, à l'âge de 14 ans, pour rejoindre son père, qui y réside régulièrement, il ressort des pièces du dossier qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Tunisie, où vit notamment sa mère, et que, célibataire, il n'a pas charge de famille en France ; que, dans ces circonstances et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que la circonstance que M. X... dispose d'une promesse d'embauche, au cas où sa situation viendrait à être régularisée, n'est pas de nature à faire regarder cet arrêté comme entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ; que, par suite, c'est à tort que le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ces motifs pour en prononcer l'annulation ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X... devant le tribunal administratif de Paris et devant le Conseil d'Etat ;
Considérant que l'arrêté attaqué énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; qu'il est, par suite, suffisamment motivé, nonobstant la circonstance qu'il a été notifié à M. X... sans être accompagné d'une copie de la décision du 31 juillet 1998 ;
Considérant qu'à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, M. X... excipe de l'illégalité de la décision du 31 juillet 1998 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il s'est pourvu dans le délai du recours contentieux contre cette dernière décision qui n'était ainsi pas devenue définitive à la date à laquelle il a saisi le tribunal administratif ; que, dès lors, l'exception d'illégalité est recevable ;

Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dans sa rédaction issue de la loi du 11 mai 1998 : "Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : ( ...) 3° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tous moyens résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant ; ( ...) 7° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus" ;
Considérant que M. X... soutient être entré en France le 2 août 1990 ; qu'à supposer qu'il soit en mesure de justifier d'un séjour habituel en France depuis cette date, il ne pouvait pas, en tout état de cause, se prévaloir des dispositions du 3° de l'article 12 bis précité de l'ordonnance du 2 novembre 1945 à la date de la décision du 31 juillet 1998 par laquelle le PREFET DE POLICE lui a refusé un titre de séjour ni, d'ailleurs, à la date de l'arrêté attaqué ; que M. X..., qui, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, est célibataire et sans charge de famille en France, ne pouvait pas non plus se prévaloir des dispositions du 7° de l'article 12 bis précité de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée ; que si, aux termes de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : "Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum ... reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention salarié", M. X..., qui n'a soumis aucun contrat de travail au visa des autorités compétentes, ne peut utilement invoquer le bénéfice de ces stipulations ; qu'il n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que la décision lui refusant un titre de séjour est entachée d'illégalité ;
Considérant que l'arrêté du 2 février 1999 n'ayant pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris, M. X... n'est pas fondé à soutenir qu'il méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant que la circulaire du 24 juin 1997 est dépourvue de caractère réglementaire ; que le requérant ne peut donc utilement s'en prévaloir ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à demander l'annulation du jugement du 24 mai 2000 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 2 février 1999 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du 24 mai 2000 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Paris par M. X... est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. Ouissam X... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 9 ss
Numéro d'arrêt : 223913
Date de la décision : 04/05/2001
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Accord du 17 mars 1988 France Tunisie art. 3
Arrêté du 31 juillet 1998
Arrêté du 02 février 1999
Circulaire du 24 juin 1997
Code de justice administrative L761-1
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 8
Loi 98-349 du 11 mai 1998
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22, art. 12 bis


Publications
Proposition de citation : CE, 04 mai. 2001, n° 223913
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Mahé
Rapporteur public ?: M. Goulard

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2001:223913.20010504
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