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28/05/2001 | FRANCE | N°219629

France | France, Conseil d'État, 8 / 3 ssr, 28 mai 2001, 219629


Vu la requête, enregistrée le 3 avril 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Laurent X..., demeurant ... (76610) ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 11 décembre 1998 par laquelle le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire a prononcé à son encontre un blâme ;
2°) de déclarer qu'il sera sursis à l'exécution de cette décision ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 10 000 F au titre des frais qu'il aurait exposés s'il n'avait pas b

néficié de l'aide juridictionnelle, somme qui sera recouvrée par la SCP Le Gr...

Vu la requête, enregistrée le 3 avril 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Laurent X..., demeurant ... (76610) ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 11 décembre 1998 par laquelle le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire a prononcé à son encontre un blâme ;
2°) de déclarer qu'il sera sursis à l'exécution de cette décision ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 10 000 F au titre des frais qu'il aurait exposés s'il n'avait pas bénéficié de l'aide juridictionnelle, somme qui sera recouvrée par la SCP Le Griel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le décret n° 90-1011 du 14 novembre 1990 modifié relatif au Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire ;
Vu le décret n° 92-657 du 13 juillet 1992 modifié relatif à la procédure disciplinaire dans les établissements publics d'enseignement supérieur placés sous la tutelle du ministre chargé de l'enseignement supérieur ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Sauron, Maître des requêtes,
- les observations de la SCP Le Griel, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice" ;
Considérant qu'en vertu des articles 40 et 41 du décret susvisé du 13 juillet 1992, les sanctions disciplinaires applicables aux usagers des établissements publics d'enseignement supérieur comportent notamment l'interdiction définitive de passer tout examen conduisant à un titre ou diplôme délivré par un tel établissement ; que cette sanction est de nature à priver ceux auxquels elle s'applique de la liberté d'accéder aux professions soumises à une condition de diplôme, laquelle revêt le caractère d'un droit civil au sens des stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'ainsi, la personne poursuivie doit, eu égard aux stipulations précitées du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention, avoir la possibilité de s'exprimer au cours d'une séance publique devant au moins l'une des formations de jugement statuant en matière disciplinaire qui ont pleine compétence pour apprécier les faits qui lui sont reprochés ; que la décision attaquée du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire a été prise après une audience non publique, alors qu'en première instance, l'audience devant la section disciplinaire compétente du conseil d'administration de l'Université de Rouen n'avait pas davantage été publique ; que M. X... est, dès lors, fondé à demander l'annulation de la décision attaquée, qui été prise au terme d'une procédure irrégulière ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer M. X... devant le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens..;" ; que l'article 43 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 autorise le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle à demander au juge de condamner, dans les conditions prévues à l'article 75 de cette loi, la partie perdante "au paiement d'une somme au titre des frais qu'il a exposés" ; que l'article 37 de la même loi dispose que "(à) l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner, dans les conditions prévues à l'article 75, la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à une somme au titre des frais que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Il peut, en cas de condamnation, renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et poursuivre le recouvrement à son profit de la somme allouée par le juge ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle ne peut demander au juge de condamner à son profit la partie perdante qu'au paiement des seuls frais qu'il a personnellement exposés, à l'exclusion de la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle confiée à son avocat ; que, toutefois l'avocat de ce bénéficiaire peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement à son profit de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;
Considérant, d'une part, que M. X... n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée par une décision du 11 janvier 2000 ; que, d'autre part, l'avocat de M. X... demande la condamnation de l'Etat à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ; qu'il indique qu'il poursuivra, en cas de condamnation le recouvrement à son profit de la somme qui lui sera allouée et qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ; que, dans ces conditions, rien ne fait obstacle à ce que sa demande puisse être accueillie ; qu'il y a lieu, en l'espèce, d'y faire droit ;
Article 1er : La décision du 11 décembre 1998 du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire.
Article 3 : L'Etat versera à la SCP Le Griel une somme de 10 000 F sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que ladite société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Laurent X..., au recteur de l'Académie de Rouen, au président du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche et au ministre de l'éducation nationale.


Synthèse
Formation : 8 / 3 ssr
Numéro d'arrêt : 219629
Date de la décision : 28/05/2001
Type d'affaire : Administrative

Analyses

30-02-05-01-01 ENSEIGNEMENT - QUESTIONS PROPRES AUX DIFFERENTES CATEGORIES D'ENSEIGNEMENT - ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET GRANDES ECOLES - UNIVERSITES - ORGANISATION DES ETUDES UNIVERSITAIRES


Références :

Code de justice administrative L761-1
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 6
Décret 92-657 du 13 juillet 1992 art. 40, art. 41
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 43, art. 75, art. 37


Publications
Proposition de citation : CE, 28 mai. 2001, n° 219629
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Sauron
Rapporteur public ?: M. Bachelier

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2001:219629.20010528
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