Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 octobre 2000 et 1er décembre 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Samir X..., élisant domicile au cabinet de la SCP Lyon-Caen-Fabiani-Thiriez ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 1er septembre 2000 par lequel le président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 23 août 2000 du préfet d'Eure-et-Loir ordonnant sa reconduite à la frontière et contre la décision du même jour fixant le pays à destination duquel il doit être reconduit ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté et cette décision ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 F au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pignerol, Auditeur,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. X...,
- les conclusions de Mme Roul, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ..." ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X... ne justifie pas être entré régulièrement en France, et n'est pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; qu'il était ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant que par un arrêté du 23 mars 2000, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet d'Eure-et-Loir a donné à M. Y..., sous-préfet, délégation pour signer notamment les arrêtés de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été signé par une autorité incompétente manque en fait ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne faisait obligation au préfet d'entendre le requérant avant de prendre la décision attaquée ;
Considérant qu'en vertu de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ne peut faire l'objet d'une décision de reconduite à la frontière "l'étranger qui justifie par tous moyens résider en France habituellement depuis qu'il a atteint au plus l'âge de 10 ans" ;
Considérant que si M. X... prétend résider en France depuis l'âge de 8 ans et y avoir séjourné depuis de façon continue, il n'apporte aucun élément de nature à justifier la véracité de ses dires, alors qu'il ressort des pièces du dossier que ses parents sont entrés en France en 1989 lorsqu'il était âgé de 12 ans ; qu'il n'a produit qu'un certificat d'inscription d'élève dans un établissement scolaire pour l'année 1993-1994 et que sa présence sur le territoire n'est établie de façon certaine que pour la période 1996-2000 au cours de laquelle il a purgé des peines d'emprisonnement ; qu'ainsi il ne peut se prévaloir des dispositions du 2° de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;
Considérant que la circonstance que les condamnations pénales dont a fait l'objet M. X... n'étaient assorties d'aucune mesure d'interdiction du territoire est sans influence sur la légalité de l'arrêté attaqué ;
Considérant que si les parents de M. X... et un de ses frères résident régulièrement en France, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en décidant sa reconduite à la frontière alors qu'il était âgé de 22 ans, célibataire et sans charge de famille, le préfet d'Eure-et-Loir aurait en prenant ledit arrêté, compte-tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, l'arrêté attaqué ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 23 août 2000 par lequel le préfet d'Eure-et-Loir a ordonné sa reconduite à la frontière ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions dudit article font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Samir X..., au préfet d'Eure-et-Loir et au ministre de l'intérieur.