Vu la requête sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 18 décembre 1998, 1er février et 3 mars 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour MM. Alain Y... et Jacques X..., élisant domicile au cabinet de Maître Charles-Eric Talamoni, leur mandataire, ... ; MM. Y... et X... demandent au Conseil d'Etat d'annuler la décision en date du 6 octobre 1998 par laquelle la section disciplinaire du Conseil national de l'Ordre des médecins a rejeté leur demande tendant à ce que soit inscrite au tableau du département de la Haute-Corse la société d'exercice libéral à responsabilité limitée constituée entre eux ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé ;
Vu le décret n°°94-680 du 3 août 1994 relatif à l'exercice en commun de la profession de médecin sous forme de société d'exercice libéral, notamment son article 3 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Dumortier, Auditeur,
- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, avocat du Conseil national de l'Ordre des médecins,
- les conclusions de Mme Roul, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 21 de la loi du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé : "des décrets en Conseil d'Etat ( ...) peuvent ( ...) prévoir qu'un associé n'exerce sa profession qu'au sein d'une seule société d'exercice libéral et ne peut exercer la même profession à titre individuel ou au sein d'une société civile professionnelle ( ...)" ; qu'aux termes de l'article 3 du décret du 3 août 1994 relatif à l'exercice en commun de la profession de médecin sous forme de société d'exercice libéral : "Un associé ne peut exercer la profession de médecin qu'au sein d'une seule société d'exercice libéral et ne peut cumuler cette forme d'exercice avec l'exercice à titre individuel ou au sein d'une société civile professionnelle, excepté dans le cas où l'exercice de sa profession est lié à des techniques médicales nécessitant un regroupement ou un travail en équipe ou à l'acquisition d'équipements ou de matériels soumis à autorisation en vertu de l'article L. 712-8 du code de la santé publique ou qui justifient des utilisations multiples." ; qu'il résulte de ces dispositions que le principe qu'elles posent est celui du non-cumul de l'exercice de la profession de médecin au sein d'une société d'exercice libéral avec l'exercice à titre individuel ou au sein d'une société civile professionnelle ; que si ce principe est assorti d'exceptions, celles-ci doivent être interprétées strictement ;
Considérant que MM. Y... et X..., médecins spécialistes en ophtalmologie exerçant chacun à titre individuel, le premier à Bastia au sein d'une société civile professionnelle, et le second à Marseille dans le cadre d'un contrat conclu avec la clinique "La Croix Rouge" ont, le 6 décembre 1997, constitué une société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) en vue d'exercer au sein de la polyclinique Maymard de Bastia, sous la condition suspensive de l'inscription au tableau de l'Ordre de ladite société, imposée par l'article 4 du décret précité du 3 août 1994 ; que cette inscription leur a été refusée par décision en date du 6 mars 1998 du conseil départemental de l'Ordre des médecins de la Haute-Corse, confirmée le 17 mai 1998 par le conseil régional de l'Ordre de Provence-Côte d'Azur-Corse, ainsi que par la décision attaquée du Conseil national de l'Ordre des médecins du 6 octobre 1998 ;
Considérant que, si MM. Y... et X... soutiennent que la société d'exercice libéral qu'ils entendent constituer, en sus de leur activité exercée à titre individuel, entre dans le cadre des exceptions prévues par l'article 3 précité du décret du 3 août 1994 à la règle du non-cumul de l'exercice à titre individuel avec l'exercice au sein d'une société d'exercice libéral, ils n'établissent ni mettre en oeuvre des techniques médicales nécessitant un regroupement ou un travail en équipe, ni devoir procéder à l'acquisition d'équipements et de matériels soumis à autorisation ou justifiant des utilisations multiples ; qu'ainsi, le Conseil national de l'Ordre des médecins a fait une exacte application des dispositions de l'article 3 précité du décret du 3 août 1994 en estimant que les requérants ne remplissaient pas les conditions requises par cet article pour être autorisés à cumuler l'exercice au sein d'une société d'exercice libéral avec leur exercice à titre individuel ou au sein d'une société civile professionnelle ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que MM. Y... et X... ne sont pas fondés à demander l'annulation de la décision du Conseil national de l'Ordre des médecins en date du 6 octobre 1998 ayant rejeté leur demande tendant à ce que soit inscrite au tableau du département de la Haute-Corse la société d'exercice libéral à responsabilité limitée constituée entre eux ;
Article 1er : La requête de MM. Y... et X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Alain Y..., à M. Jacques X..., au Conseil national de l'Ordre des médecins et au ministre de l'emploi et de la solidarité.