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21/12/2001 | FRANCE | N°226561

France | France, Conseil d'État, 5 ss, 21 décembre 2001, 226561


Vu la requête, enregistrée le 25 octobre 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Mehmet X..., demeurant chez M. Y... Deniz, ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 25 septembre 2000 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 septembre 2000 du préfet de l'Hérault ordonnant sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une s

omme de 8 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépen...

Vu la requête, enregistrée le 25 octobre 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Mehmet X..., demeurant chez M. Y... Deniz, ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 25 septembre 2000 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 septembre 2000 du préfet de l'Hérault ordonnant sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 8 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Albanel, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que, contrairement à ce que soutient M. X..., le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier a répondu au moyen tiré de ce que l'arrêté décidant sa reconduite à la frontière ne serait pas suffisamment motivé ;
Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3°) Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé, ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., de nationalité turque, s'est maintenu en France plus d'un mois après la notification, le 10 mars 2000, de la décision du 29 février 2000 par laquelle le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a invité à quitter le territoire ; qu'il était ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;
En ce qui concerne l'exception d'illégalité de la décision de refus d'asile territorial :
Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la loi du 25 juillet 1952 : "Dans les conditions compatibles avec les intérêts du pays, l'asile territorial peut être accordé par le ministre de l'intérieur après consultation du ministre des affaires étrangères à un étranger si celui-ci établit que sa vie ou sa liberté est menacée dans son pays ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales./ Les décisions du ministre n'ont pas à être motivées./ ( ...)" ;
Considérant, d'une part, que si M. X... soutient qu'il court des risques pour sa vie, en raison de son origine kurde et de ses activités politiques, en cas de retour en Turquie, il ne produit pas de justifications suffisantes des risques auxquels il serait personnellement soumis dans cette hypothèse ; que dans ces conditions, la décision du 23 février 2000 du ministre de l'intérieur rejetant la demande d'asile territorial de M. X..., qui n'avait pas à être motivée, n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, aux termes desquelles "Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants" ;

Considérant, d'autre part, que M. X... ne saurait utilement invoquer, à l'encontre de la décision du ministre rejetant sa demande d'asile territorial, la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lesquelles sont relatives au droit des personnes au respect de leur vie privée et familiale ;
En ce qui concerne l'exception d'illégalité de la décision de refus de séjour :
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ; qu'en deuxième lieu, selon l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : "Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : ( ...) 7° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus" ; que l'article 12 quater de la même ordonnance dispose que : "Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour ( ...) La commission est saisie par le préfet lorsque celui-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article 12 bis ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné à l'article 15" ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles 12 bis et 15 auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ;

Considérant que M. X... réside en France depuis 1997 avec son épouse, son fils et sa fille née en 1998 à Montpellier, et allègue qu'y résident également un frère et une tante ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment des conditions de séjour de M. X... en France et de la possibilité de poursuivre une vie familiale avec son épouse et ses enfants dans un autre pays, la décision lui refusant un titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard de ses motifs en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il en résulte que, contrairement à ce qu'il soutient, M. X... n'était pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour en application du 7° de l'article 12 bis précité de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; que, par suite, le préfet n'était pas tenu, en application de l'article 12 quater, de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à exciper, à l'encontre de l'arrêté attaqué, de l'illégalité des décisions respectivement de refus d'asile territorial et de refus de titre de séjour ;
En ce qui concerne les autres moyens dirigés contre l'arrêté attaqué :
Considérant qu'en relevant notamment que M. X... avait fait l'objet d'un refus de titre de séjour et qu'il s'était maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois prévu à l'article 22 de l'ordonnance précitée, le préfet, qui a, au surplus, relevé que sa décision ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé à une vie familiale normale, a suffisamment motivé cette décision ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'arrêté décidant la reconduite à la frontière de M. X... ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé à une vie familiale normale et n'est pas entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure d'éloignement sur la situation personnelle de l'intéressé ;
Considérant que si M. X... soutient à l'encontre de la décision distincte fixant le lieu de la destination de la reconduite qu'en cas de retour en Turquie, il s'exposerait à des traitements proscrits par les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il n'apporte pas d'éléments probants au soutien de ses allégations ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 25 septembre 2000, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 septembre 2000 du préfet de l'Hérault décidant sa reconduite à la frontière et de la décision distincte, contenue dans cet arrêté, fixant le pays de destination de la reconduite ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Mehmet X..., au préfet de l'Hérault et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 5 ss
Numéro d'arrêt : 226561
Date de la décision : 21/12/2001
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Arrêté du 08 septembre 2000
Code de justice administrative L761-1
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 3, art. 8
Loi 52-893 du 25 juillet 1952 art. 13
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22, art. 12 bis, art. 15, art. 12 quater


Publications
Proposition de citation : CE, 21 déc. 2001, n° 226561
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Albanel
Rapporteur public ?: M. Chauvaux

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2001:226561.20011221
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