Vu la requête, enregistrée le 2 novembre 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU DOUBS ; le PREFET DU DOUBS demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 30 septembre 1999 par lequel le tribunal administratif de Besançon a annulé son arrêté du 22 février 1999 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Miloud Y... et la décision du même jour fixant le pays à destination duquel il doit être reconduit ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. Y... devant le tribunal administratif de Besançon ;
Vu la régularisation de la requête par le ministre de l'intérieur enregistrée le 15 novembre 2000 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu la convention d'application des Accords de Schengen signée le 19 juin 1990 ;
Vu la convention franco-algérienne du 27 décembre 1968 modifiée ; Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- les observations de la SCP Guiguet, Bachellier, de La Varde, avocat de M. Y...,
- les conclusions de Mme Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que si, à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, M. Y..., a fait valoir qu'il vivait en concubinage avec une ressortissante française et qu'il n'avait plus d'attaches en Algérie, il ressort cependant des pièces du dossier, que M. Y..., dont l'ancienneté du concubinage n'est pas établie, a conservé l'essentiel de ses attaches familiales dans son pays d'origine ; que, dans ces circonstances et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, cet arrêté n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que c'est, dès lors, à tort que, pour annuler l'arrêté attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Besançon s'est fondé sur ce qu'il méconnaissait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X... ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes du second alinéa ajouté à l'article 26 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, par l'article 6 de la loi du 26 février 1992 : "Lorsqu'un étranger non ressortissant d'un Etat membres de la communauté économique européenne a fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission en vertu d'une décision exécutoire prise par l'un des autres Etats parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 et qu'il se trouve irrégulièrement sur le territoire métropolitain, le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent décider qu'il sera d'office reconduit à la frontière" ;
Considérant que, par son arrêté du 22 février 1999, pris sur le fondement du second alinéa de l'article 26 bis précité de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le PREFET DU DOUBS a prononcé d'office la reconduite à la frontière de M. X..., ressortissant algérien, aux motifs qu'il se trouvait en situation irrégulière et qu'il avait fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission au Système d'information Schengen ; qu'il ressort des pièces du dossier que, faute pour le PREFET DU DOUBS d'avoir indiqué, dans l'arrêté attaqué, l'autorité nationale qui a procédé au signalement de l'intéressé, ledit arrêté, qui ne satisfait pas aux exigences de motivation imposées par les dispositions de l'article 5 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, doit être annulé ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement du 30 septembre 1999, le tribunal administratif de Besançon a annulé l'arrêté du préfet du Doubs en date du 22 février 1999 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Y... ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, compte tenu des circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer à M. Y... la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du 30 septembre 1999 du tribunal administratif de Besançon est annulé.
Article 2 : La décision du PREFET DU DOUBS en date du 22 février 1999 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Y... est annulée.
Article 3 : Les conclusions de M. Y... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au PREFET DU DOUBS, à M. Miloud Y... et au ministre de l'intérieur.