Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 24 mars 2000, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 28 janvier 2000 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 16 décembre 1998 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Z... Chen ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. Y... devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- les conclusions de Mme Boissard, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3o Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire français au-delà du délai d'un mois à compter de la notification du refus ou du retrait ( ...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Y..., de nationalité chinoise, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 5 août 1998, de la décision du 29 juillet 1998 par laquelle le PREFET DE POLICE lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Y... vit depuis plusieurs années avec une compatriote, Mlle Ying X..., titulaire d'une carte de résident, et leurs deux garçons, nés en France, les témoignages du médecin accoucheur et du pédiatre produits par M. Y... attestant en particulier sa présence aux côtés de sa compagne dès la naissance de leurs enfants en 1990 et 1994 ; que, dès lors, contrairement à ce qu'affirme le PREFET DE POLICE, la réalité et la stabilité de la vie familiale de M. Y... en France doivent être regardées comme établies ; qu'il en résulte que le premier juge a pu estimer à bon droit que, dans les circonstances de l'espèce, l'arrêté du PREFET DE POLICE du 16 décembre 1998 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Y... méconnaissait les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE POLICE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 16 décembre 1998 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 reprises à l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à verser à M. Y... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête du PREFET DE POLICE est rejetée.
Article 2 : L'Etat est condamné à payer à M. Y... la somme de 6030 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. Z... Chen et au ministre de l'intérieur.