Vu, la requête enregistrée le 27 juillet 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme Goundo Y... épouse X..., demeurant ... ; Mme Y... épouse X... demande au président de la section du contentieux du Conseil d' Etat :
1°) d'annuler le jugement du 9 avril 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 avril 2001 par lequel le préfet du Val-d'Oise a décidé sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- les observations de la SCP Coutard, Mayer, avocat de Mme Goundo Y...,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête:
Considérant qu'aux termes de l'article 30 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Lorsqu'un étranger polygame réside sur le territoire français avec un premier conjoint, le bénéfice du regroupement familial ne peut être accordé à un autre conjoint (à)" ; qu'il suit de là que rien ne s'oppose à ce que ce bénéfice soit accordé à une épouse et aux enfants de celle-ci, dès lors que l'étranger, même polygame dans son pays d'origine, ne vit pas en état de polygamie sur le territoire national ; que, dans ces conditions, le droit à une vie familiale normale d'un étranger polygame peut être pris en compte au regard d'une famille composée d'une seule épouse et des enfants nés de celle-ci, lorsque les autres épouses ne résident pas sur le territoire national ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est pas contesté que Mme Y... épouse X... est entrée en France en 1992 pour rejoindre son mari, titulaire d'une carte de résident, dont elle a eu trois enfants nés en France, qu'elle est la seule épouse de son mari résidant sur le territoire français ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la durée et des conditions de séjour en France de Mme Y... épouse X... et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du préfet du Val-d'Oise en date du 2 avril 2001 a porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il a ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme Y... épouse X... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ;
Article 1er : Le jugement du 9 avril 2001 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise ensemble l'arrêté du préfet du Val-d'Oise en date du 2 avril 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Y... épouse X... sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Goundo Y... épouse X..., au préfet du Val-d'Oise et au ministre de l'intérieur.