Vu la requête enregistrée le 3 septembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Mustafa Y..., demeurant chez M. Erol X..., ... ; M. Y... demande au président de la section du contentieux du Conseil d' Etat :
1°) d'annuler le jugement du 28 mai 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 décembre 2000 par lequel le préfet de police a décidé sa reconduite à la frontière et fixé le pays de destination de la reconduite ;
2°) d'annuler cet arrêté et cette décision pour excès de pouvoir ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
les conclusions de Mlle Fombeur, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Y..., de nationalité turque, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 4 juillet 2000, de la décision du préfet de police du 28 juin 2000, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;
Considérant qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;
Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" prévue au premier alinéa du même article est délivrée de plein droit : "( ...) 3° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant" ;
Considérant toutefois, que les pièces produites par M. Y... sont insuffisantes pour établir qu'il résidait habituellement en France depuis plus de dix ans et notamment qu'il y a résidé pendant les années 1993 à 1996 ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet de police ne pouvait prendre à son encontre l'arrêté attaqué sans méconnaître les dispositions précitées ne peut qu'être écarté ;
Considérant que si M. Y... fait valoir qu'il réside en France depuis 1989, qu'il y travaille et y a placé le centre de ses intérêts économiques et personnels, il ressort des pièces du dossier que son épouse et ses enfants résident en Turquie et que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment des conditions du séjour de M. Y... en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du préfet de police en date du 29 décembre 2000 n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il n'est pas davantage entaché d'erreur manifeste l'appréciation en ce qui concerne les conséquences de la mesure de reconduite sur la situation personnelle de M. Y... ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination de la reconduite :
Considérant que si M. Y... soutient que son retour en Turquie n'est pas dépourvu de risques, il n'invoque aucune considération qui permette au juge de l'excès de pouvoir d'apprécier le bien-fondé de ses allégations ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Article 1er : La requête de M. Y... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Mustafa Y..., au préfet de police et au ministre de l'intérieur.