Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 octobre et 4 décembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Claude X..., demeurant au centre hospitalier spécialisé à Cadillac (33410) ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance du 19 octobre 2001 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, en application de l'article L. 522-3 du code de justice administrative, a rejeté sa demande de suspension de l'exécution de la décision verbale par laquelle le Dr Y... médecin du centre hospitalier spécialisé de Cadillac, lui a interdit d'envoyer du courrier et de communiquer avec les autorités administratives et judiciaires ;
2°) d'ordonner la suspension de ladite décision verbale du Dr Y... ;
3°) de condamner le centre hospitalier spécialisé de Cadillac à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Maus, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Schwartz, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que l'ordonnance du 19 octobre 2001 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la requête de M. X... ne répond pas au moyen tiré par M. X... des dispositions de l'article L. 3211-3 du code de la santé publique, lesquelles fixent le régime des restrictions aux libertés individuelles des personnes atteintes de troubles mentaux hospitalisées sans leur consentement, notamment la liberté de communiquer ; que, dès lors, M. X... est fondé à soutenir que ladite ordonnance est insuffisamment motivée ; qu'il y a lieu de l'annuler ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : "S'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, le Conseil d'Etat peut (.) régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de statuer sur la demande de référé présentée par M. X... ;
Considérant que la demande présentée par M. X... devant le juge des référés doit être regardée comme fondée sur les dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative aux termes duquel : "Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit publicà aurait porté dans l'exercice de ses pouvoirs une atteinte grave et manifestement illégale" ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 3211-3 du code de la santé publique : "Lorsqu'une personne atteinte de troubles mentaux est hospitalisée sans son consentement les restrictions à l'exercice de ses libertés individuelles doivent être limitées à celles nécessitées par son état de santé et la mise en oeuvre de son traitement. En tout état de cause, elle dispose du droit de communiquer avec les autorités mentionnées à l'article L. 3222-4 d'émettre et de recevoir du courrier. Ces droits peuvent être exercés à leur demande par les parents ou les personnes susceptibles d'agir dans l'intérêt du malade" ;
Considérant que M. X... soutient que le médecin responsable du service du centre hospitalier spécialisé de Cadillac où il est hospitalisé lui a fait interdiction d'envoyer du courrier et de communiquer avec les autorités administratives et judiciaires ; que le centre hospitalier, qui n'a pas produit d'observations, ne conteste pas l'existence de cette décision ; que la mesure ainsi prise à son égard porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de communication que lui reconnaît l'article L. 3211-3 précité du code de la santé publique ; qu'eu égard à l'urgence, il y a lieu d'enjoindre au directeur du centre hospitalier spécialisé de Cadillac d'examiner la situation de M. X... en vue de lui permettre d'exercer les droits de communication prévus par ces dispositions ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, d'appliquer ces dispositions et de condamner le centre hospitalier spécialisé de Cadillac à verser à M. X... une somme de 1 000 euros ;
Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux du 19 octobre 2001 est annulée.
Article 2 : Il est enjoint au directeur du centre hospitalier spécialisé de Cadillac, dans un délai de 8 jours à compter de la notification de la présente décision, de réexaminer la situation de M. X... aux fins de lui permettre d'exercer ses droits de communiquer avec les autorités mentionnées à l'article L. 3222-4 du code de la santé publique et d'émettre et de recevoir du courrier.
Article 3 : Le centre hospitalier spécialisé de Cadillac versera à M. X... la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Claude X..., au centre hospitalier spécialisé de Cadillac et au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.