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12/06/2002 | FRANCE | N°216631

France | France, Conseil d'État, 4 ss, 12 juin 2002, 216631


Vu la requête, enregistrée le 24 janvier 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Jean-Luc X..., ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision en date du 24 novembre 1999 par laquelle le Conseil national de l'Ordre des médecins, section des assurances sociales, a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision du conseil régional de l'Ordre des médecins de Provence-Côte-d'Azur-Corse, section des assurances sociales, en date du 18 mai 1995 ;
2°) de renvoyer l'affaire devant la section des assurances sociales du Con

seil national de l'Ordre des médecins, ou à défaut d'y mettre fin en ...

Vu la requête, enregistrée le 24 janvier 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Jean-Luc X..., ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision en date du 24 novembre 1999 par laquelle le Conseil national de l'Ordre des médecins, section des assurances sociales, a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision du conseil régional de l'Ordre des médecins de Provence-Côte-d'Azur-Corse, section des assurances sociales, en date du 18 mai 1995 ;
2°) de renvoyer l'affaire devant la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des médecins, ou à défaut d'y mettre fin en rejetant la plainte de la caisse primaire d'assurance-maladie des Alpes-Maritimes ;
3°) de condamner la caisse primaire d'assurance-maladie des Alpes-Maritimes à lui verser la somme de 15 000 F sur le fondement de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la loi n° 95-884 du 3 août 1995 portant amnistie ;
Vu le décret n° 93-345 du 15 mars 1993 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession d'infirmier ;
Vu l'arrêté du 27 mars 1972 modifié relatif à la nomenclature générale des actes professionnels des médecins, des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes et des auxiliaires médicaux ; Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Dumortier, Auditeur ;
- les observations de Me Ricard, avocat de M. X... et de Me Foussard, avocat du médecin conseil près la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes,
- les conclusions de Mme Roul, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que par une décision du 24 novembre 1999, la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des médecins a infligé à M. X..., infirmier, la sanction de l'interdiction de donner des soins aux assurés sociaux pendant huit mois, assortie du bénéfice du sursis pendant deux mois, en retenant notamment à son encontre, d'une part, le fait de n'avoir effectivement consacré aux assurés qu'un temps très inférieur à celui qui est prévu dans la nomenclature générale des actes professionnels et qui ne lui permettait pas de dispenser des soins dans des conditions satisfaisantes et, d'autre part, le fait d'avoir attesté l'exécution d'actes qu'il n'avait pas effectués personnellement, sans faire apparaître le nom de l'infirmier qui avait en réalité dispensé ces soins ;
Sur la recevabilité de la plainte de la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 145-18 du code de la sécurité sociale : "(.) Les sections des assurances sociales des conseils régionaux des Ordres des médecins (.) peuvent être saisies soit par les organismes d'assurance maladie (.) ; elles peuvent également être saisies : 1° En ce qui concerne le régime général, par le médecin-conseil national, les médecins-conseils régionaux et les médecins-conseils chefs des services du contrôle médical du ressort de chaque circonscription de caisse primaire d'assurance maladie (.)" ;
Considérant que s'il appartenait même d'office à la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des médecins de relever l'irrecevabilité de la plainte de la caisse primaire d'assurance maladie de Nice après avoir invité celle-ci à régulariser sa demande, l'irrégularité ainsi commise est, en l'espèce, sans influence sur la régularité de la plainte du médecin-conseil chef de service de l'échelon local du service médical de Nice, à laquelle la caisse primaire s'est bornée à s'associer et dont la recevabilité n'a pas été contestée ;
Sur la régularité de la procédure suivie devant la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des médecins :
Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle" ;
Considérant, d'une part, que la seule circonstance que la durée de la procédure aurait été anormalement longue, à la supposer établie, n'est pas de nature à entacher d'illégalité la décision attaquée ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 145-7 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 96-345 du 24 avril 1996 : "La section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des médecins est présidée par un conseiller d'Etat (.). Elle comprend un nombre égal d'assesseurs membres de l'Ordre et d'assesseurs représentant des organismes de sécurité sociale, nommés par l'autorité compétente de l'Etat sur proposition de la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés" ; qu'aux termes de l'article R. 145-8 du même code : " A la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des médecins, l'un des assesseurs médecins est remplacé par un auxiliaire médical de la même catégorie proposé par les groupements syndicaux d'auxiliaires médicaux les plus représentatifs de cette catégorie sur le plan national et nommé par le ministre chargé de la sécurité sociale" ;
Considérant qu'eu égard à la nature des contestations portées devant la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des médecins, aux conditions de désignation des assesseurs ainsi qu'aux modalités d'exercice de leurs fonctions qui les soustraient à toute subordination hiérarchique, les membres de cette juridiction bénéficient de garanties leur permettant de porter, en toute indépendance, une appréciation personnelle sur le comportement professionnel des médecins poursuivis devant la section des assurances sociales ; qu'en outre les règles générales de procédure s'opposent à ce qu'un membre d'une juridiction administrative puisse participer au jugement d'un recours relatif à une décision dont il est l'auteur et à ce que l'auteur d'une plainte puisse participer au jugement rendu à la suite du dépôt de celle-ci ; qu'il suit de là qu'alors même que les caisses de sécurité sociale et les médecins-conseils ont la faculté de saisir, par la voie de l'appel, la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des médecins, M. X... n'est pas fondé à soutenir que la section des assurances sociales ne satisfait pas à l'exigence d'impartialité et d'indépendance des juridictions rappelée au premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qui concerne les juridictions appelées à décider soit de contestations sur des droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation pénale dirigée contre une personne ;
Sur les autres moyens :
Considérant que la circonstance que la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des médecins se soit bornée à viser la convention nationale des infirmiers est sans influence sur la légalité de la décision attaquée, qui, au demeurant, est fondée sur les dispositions de l'article L. 145-2 du code de la sécurité sociale, applicable aux auxiliaires médicaux à l'occasion des soins dispensés aux assurés sociaux en vertu de l'article L. 145-8 du même code ;

Considérant qu'en estimant que M. X... a accompli au cours de la période contrôlée un nombre d'actes cotés AMI si élevé qu'il ne pouvait dispenser ses soins dans des conditions satisfaisantes, la section des assurances sociales, qui n'a pas dénaturé les pièces du dossier, s'est livrée à une appréciation souveraine des faits, qui n'est pas susceptible d'être contestée devant le juge de cassation ; que la section des assurances sociales qui n'avait pas à répondre à tous les arguments avancés par le requérant à l'appui de ses moyens, a suffisamment motivé sa décision ;
Considérant que la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des médecins, qui a d'ailleurs assorti d'un sursis de deux mois la sanction de huit mois d'interdiction de donner des soins aux assurés sociaux, s'est livrée à un contrôle de l'adéquation de la sanction à la faute ; que l'appréciation à laquelle se livre le juge du fond pour appliquer une sanction déterminée, compte tenu de la gravité des faits reprochés n'est pas susceptible d'être discutée en cassation ;
Considérant que la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des médecins a pu régulièrement, en vertu des pouvoirs propres qui appartiennent au juge disciplinaire, fixer de sa propre initiative au 1er mars 2000 la date à laquelle sa décision deviendrait exécutoire ; que le choix de ladite date n'avait pas à être motivé ; que, contrairement à ce qu'allègue le requérant, cette circonstance n'a pas eu pour effet de le priver de la faculté de se pourvoir en cassation contre la décision de la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des médecins, ni de faire obstacle à l'effet suspensif qui s'attache à ce pourvoi en vertu des dispositions de l'article 16 de la loi du 3 août 1995 relative à l'amnistie ;
Considérant qu'en jugeant que les faits reprochés à M. X... étaient contraires à la probité et à l'honneur professionnel, la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des médecins a fait une exacte application de la loi du 3 août 1995 et a suffisamment motivé sa décision sur ce point ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision attaquée ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance verse à M. X... la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application de ces mêmes dispositions et de condamner M. X... à payer au médecin-conseil chef de service de l'échelon local du service médical de Nice une somme de 900 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu de faire application de ces mêmes dispositions et de condamner M. X... à payer à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : M. X... versera au médecin-conseil chef de service de l'échelon local de Nice (Caisse nationale d'assurance maladie) une somme de 900 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes tendant à ce qu'il soit fait application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Luc X..., à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes, au médecin-conseil chef de service de l'échelon local du service médical de Nice, au Conseil national de l'Ordre des médecins et au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.


Synthèse
Formation : 4 ss
Numéro d'arrêt : 216631
Date de la décision : 12/06/2002
Type d'affaire : Administrative

Analyses

55-04-02-01-01 PROFESSIONS - CHARGES ET OFFICES - DISCIPLINE PROFESSIONNELLE - SANCTIONS - FAITS DE NATURE A JUSTIFIER UNE SANCTION - MEDECINS


Références :

Code de justice administrative L761-1
Code de la sécurité sociale R145-18, L145-7, R145-8, L145-2, L145-8
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 6
Loi 95-884 du 03 août 1995 art. 16
Ordonnance 96-345 du 24 avril 1996


Publications
Proposition de citation : CE, 12 jui. 2002, n° 216631
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Dumortier
Rapporteur public ?: Mme Roul

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2002:216631.20020612
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