Vu la requête, enregistrée le 4 décembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE qui demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 20 septembre 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 11 juin 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle Rougui X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mlle X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 réglementant les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Laigneau, Maître des Requêtes-;
- les conclusions de M. Séners, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ... 3°) Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...)" ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle Rougui X..., ressortissante sénégalaise, s'est maintenue sur le territoire national plus d'un mois à compter de la notification de la décision du 30 août 2000 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : "Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : ( ...) 3° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant" ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle X... ne justifie pas une présence habituelle en France avant l'année 1998 ; qu'ainsi elle n'entre pas dans la catégorie des étrangers pouvant se prévaloir des dispositions du 3° de l'article 12 bis ; que, dès lors, le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté contesté au motif que Mlle X... résidait depuis plus de dix ans en France ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par Mlle X... ;
Considérant que si Mlle X..., qui est célibataire et sans enfant, fait valoir qu'elle a noué en France des liens amicaux et affectifs, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle soit dépourvue de toute attache familiale au Sénégal ; qu'ainsi compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment de la durée et des conditions de séjour de Mlle X... en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du PREFET DE POLICE du 11 juin 2001 n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cet arrêté a été pris et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à demander l'annulation du jugement du 20 septembre 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 11 juin 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle X... ;
Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris du 20 septembre 2001 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mlle X... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à Mlle Rougui X... et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.