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21/06/2002 | FRANCE | N°224661

France | France, Conseil d'État, 10 / 9 ssr, 21 juin 2002, 224661


Vu, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 31 août 2000, le jugement en date du 29 juin 2000 par lequel le tribunal administratif de Paris a, sur le fondement du 5° de l'article 2 du décret n° 53-934 du 30 septembre 1953, transmis au Conseil d'Etat la requête de M. Laurent X... ;
Vu la requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Paris le 3 novembre 1994, présentée par M. X..., ; M. X... demande :
1) l'annulation de la décision implicite par laquelle l'ambassadeur de France en Norvège a rejeté sa demande tendant à la réparation des

préjudices matériels et moraux subis entre le 1er juin 1992 et le 31 ...

Vu, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 31 août 2000, le jugement en date du 29 juin 2000 par lequel le tribunal administratif de Paris a, sur le fondement du 5° de l'article 2 du décret n° 53-934 du 30 septembre 1953, transmis au Conseil d'Etat la requête de M. Laurent X... ;
Vu la requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Paris le 3 novembre 1994, présentée par M. X..., ; M. X... demande :
1) l'annulation de la décision implicite par laquelle l'ambassadeur de France en Norvège a rejeté sa demande tendant à la réparation des préjudices matériels et moraux subis entre le 1er juin 1992 et le 31 août 1993, du fait des conditions dans lesquelles il a été employé par le centre culturel français d'Oslo dans les fonctions de directeur de la station Radio-Paris-Oslo et des conséquences qui en sont résultées sur sa situation après son retour en France en septembre 1993 ;
2) la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 204 180 F, dont 25 680 F au titre du préjudice résultant de l'absence d'assurance maladie, 35 400 F au titre de l'absence de points de retraite, 96 000 F au titre de l'absence d'assurance chômage qui lui interdit de percevoir les indemnités auxquelles il aurait eu droit de la part des ASSEDIC, 48 000 F au titre du préjudice professionnel résultant de la perte de sa carte de journaliste et de l'impossibilité de retrouver du travail qui en est résultée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code du travail ;
Vu le code civil ;
Vu le décret n° 69-697 du 18 juin 1969 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Debat, Maître des Requêtes-;
- les observations de Me Brouchot, avocat M. X...,
- les conclusions de Mme Mitjavile, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X... a été recruté, à compter du 1er juin 1992 en qualité d'animateur-délégué dans les fonctions de directeur de la station Radio-Paris-Oslo, par le conseiller culturel de l'ambassade de France qui en assurait à cette époque et à ce titre la direction ; que, contrairement à ce que soutient le ministre des affaires étrangères, il ne résulte pas de l'instruction que cette station de radio, dont le financement était assuré entièrement par une subvention de l'ambassade de France à Oslo, qui en assurait le contrôle direct, ait disposé de la personnalité morale ; que dans ces fonctions M. X... avait la qualité d'agent de droit public et se trouvait soumis aux dispositions du décret du 18 juin 1969 portant fixation du statut des agents contractuels de l'Etat et des établissements publics de l'Etat, de nationalité française, en service à l'étranger et de l'arrêté interministériel du même jour portant application de ce décret aux agents du ministère des affaires étrangères ; que, par suite, contrairement à ce que soutient le ministre des affaires étrangères, la juridiction administrative et, en son sein, le Conseil d'Etat, en application des dispositions du 6° de l'article R. 311-1 du code de justice administrative, sont compétents pour statuer sur les conclusions de la requête de M. X..., dirigée contre le rejet par l'ambassadeur de France en Norvège de sa demande d'indemnité ;
Considérant qu'il est constant que, du 1er juin 1992 au 14 juillet 1993, M. X... a été employé par l'ambassade de France en Norvège sans qu'aucune cotisation sociale, ni au titre de l'assurance maladie-maternité-invalidité ni au titre de l'assurance vieillesse, soit acquittée par son employeur ni, en application de l'article L. 761-3 du code de la sécurité sociale, auprès d'un régime de protection sociale français, ni, contrairement aux termes du contrat signé en juillet 1993 avec valeur rétroactive au 1er juin 1992, auprès d'un régime de protection sociale norvégien ; que ces circonstances sont constitutives d'une faute de nature à entraîner la responsabilité de l'Etat, sans que puisse y faire obstacle la circonstance que M. X... aurait refusé de signer, en octobre 1992, un contrat de travail avec un autre employeur, qui lui était proposé par l'ambassade ;
Considérant qu'il est constant que, lors de son retour en France en septembre 1993, M. X... a été contraint de souscrire, pour un montant de 14 630 F (2 230,33 euros), une assurance volontaire auprès de la sécurité sociale pour bénéficier d'une couverture sociale, en raison de l'interruption de ses droits du fait de l'absence de versement des cotisations sociales par l'Etat au cours de son séjour en Norvège ; qu'il a dû, de même, pour un montant qui ne pouvait être inférieur à 30 000 F (4 573,47 euros), acquitter des cotisations d'assurance vieillesse ;

Considérant qu'à défaut de toute cotisation versée par l'Etat en méconnaissance des dispositions de l'article L. 351-12 du code du travail, M. X... n'a pu, de septembre 1993 à août 1994, bénéficier d'aucune allocation pour perte d'emploi ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice qu'il a subi à ce dernier titre en l'évaluant à 90 000 F (13 720,41 euros) ;
Considérant enfin, que M. X... qui, faute d'avoir pu disposer, malgré sa demande, de bulletins de salaires ou de toute pièce attestant de son activité en Norvège entre le 1er juin 1992 et le 14 juillet 1993, a été privé de chances de retrouver un emploi avant septembre 1995, a subi à ce titre un préjudice qu'il y a lieu d'évaluer à 20 000 F (3 048,98 euros) ;
Considérant, en revanche, que si M. X... soutient qu'il aurait subi, au cours de son séjour en Norvège, un préjudice lié à l'absence d'assurance maladie, il n'apporte aucun élément permettant de l'évaluer ; que s'il soutient que la perte de sa carte de journaliste à son retour en France, causée par le fait qu'il avait été employé par l'administration, lui aurait causé un préjudice, il est constant que M. X... ne pouvait ignorer ce risque lorsqu'il a accepté l'offre d'emploi qui lui était proposée par l'ambassade de France en Norvège ; qu'il n'est, par suite, pas fondé à demander réparation du préjudice professionnel qu'il aurait subi de ce fait ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de condamner l'Etat à verser à M. X... une somme de 154 630 F (23 573,19 euros) ;
Sur les intérêts :
Considérant que M. X... a droit aux intérêts de la somme de 154 630 F (23 573,19 euros) à compter du jour de la réception de sa demande du 7 septembre 1993 ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que M. X... a demandé la capitalisation des intérêts le 15 février 2001 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur les conclusions de M. X... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à ces conclusions et de condamner l'Etat à payer à M. X... la somme de 1 524 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'Etat est condamné à verser à M. X... la somme de 23 573,19 euros (154 630 F) avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la demande qu'il a formulée le 7 septembre 1993. Les intérêts échus le 15 février 2001 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. X... la somme de 1 524 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Laurent X... et au ministre des affaires étrangères.


Synthèse
Formation : 10 / 9 ssr
Numéro d'arrêt : 224661
Date de la décision : 21/06/2002
Type d'affaire : Administrative

Analyses

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - STATUTS - DROITS - OBLIGATIONS ET GARANTIES - STATUT GENERAL DES FONCTIONNAIRES DE L'ETAT ET DES COLLECTIVITES LOCALES - DISPOSITIONS STATUTAIRES RELATIVES A LA FONCTION PUBLIQUE DE L'ETAT (LOI DU 11 JANVIER 1984).

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - RESPONSABILITE ET ILLEGALITE - ILLEGALITE ENGAGEANT LA RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE.


Références :

Code civil 1154
Code de justice administrative R311-1, L761-1
Code de la sécurité sociale L761-3
Code du travail L351-12
Décret 69-697 du 18 juin 1969


Publications
Proposition de citation : CE, 21 jui. 2002, n° 224661
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Debat
Rapporteur public ?: Mme Mitjavile

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2002:224661.20020621
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