Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 22 novembre 2001, présentée par Mme Thouraya X... épouse Y... , ; Mme X... épouse Y... demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 22 octobre 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 11 octobre 2001 du préfet des Alpes-Maritimes ordonnant sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le décret n° 89-87 du 8 février 1989 portant publication de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- les conclusions de Mme Mitjavile, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de la notification du refus ou du retrait ( ...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X... , épouse Y... , de nationalité tunisienne, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 26 août 2000, de la décision du 29 mai 2000 du préfet des Alpes-Maritimes lui refusant un titre de séjour ; qu'elle était ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X... épouse Y... , qui s'est mariée en novembre 1994 avec un compatriote, M. Y... , est entrée en France trois ans avant la mesure de reconduite attaquée, avec leur fille née en décembre 1996, pour y rejoindre son époux qui est installé en France depuis 1961, est titulaire d'une carte de résident et a un emploi stable, et que le couple a eu un second enfant, né en janvier 2000 ; que, dans ces circonstances, et alors même que l'intéressée peut bénéficier du regroupement familial, l'arrêté attaqué a porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il a ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il en résulte que Mme X... épouse Y... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ;
Article 1 : Le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nice du 22 octobre 2001 et l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 11 octobre 2001 sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Thouraya X... , épouse Y... , au préfet des Alpes-Maritimes et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.