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10/07/2002 | FRANCE | N°234494

France | France, Conseil d'État, 9 ss, 10 juillet 2002, 234494


Vu 1°), sous le n° 234494, la requête, enregistrée le 6 avril 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Aouda X..., épouse Y..., ; Mme Y... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 2 mai 2001 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 31 août 2000 par lesquelles le préfet du Rhône a décidé sa reconduite à la frontière et a fixé l'Algérie comme pays de destination ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions

du 31 août 2000 susvisées ;
3°) de condamner l'Etat à verser au conseil de Mme ...

Vu 1°), sous le n° 234494, la requête, enregistrée le 6 avril 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Aouda X..., épouse Y..., ; Mme Y... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 2 mai 2001 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 31 août 2000 par lesquelles le préfet du Rhône a décidé sa reconduite à la frontière et a fixé l'Algérie comme pays de destination ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 31 août 2000 susvisées ;
3°) de condamner l'Etat à verser au conseil de Mme Y... la somme de 5 980 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu 2°), sous le n° 235133, la requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 6 juin 2001, présentée par M. Affif Y..., ; M. Y... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 2 mai 2001 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 31 août 2000 par lesquelles le préfet du Rhône a décidé sa reconduite à la frontière et a fixé l'Algérie comme pays de destination ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 31 août 2000 susvisées ;
3°) de condamner l'Etat à verser au conseil de M. Y... la somme de 5 980 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leur famille modifié ;
Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Hourdin, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées de M. et Mme Y... sont dirigées contre le même jugement, présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par une seule décision ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ... 3°) Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme Y... de nationalité algérienne, se sont maintenus sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 4 mai 2000, des décisions du 26 avril 2000 du préfet du Rhône leur refusant un titre de séjour et les invitant à quitter le territoire ; qu'ils étaient ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
En ce qui concerne les arrêtés du préfet du Rhône ordonnant la reconduite à la frontière de M. et Mme Y... :
Sur l'exception d'illégalité des décisions de refus d'asile territorial en date du 3 avril 2000 :
Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la loi du 25 juillet 1952 : "Dans les conditions compatibles avec les intérêts du pays, l'asile territorial peut être accordé par le ministre de l'intérieur après consultation du ministre des affaires étrangères à un étranger si celui-ci établit que sa vie ou sa liberté est menacée dans son pays ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales"./ Les décisions du ministre n'ont pas à être motivées./ ( ...)" ;
Considérant qu'en application des dispositions précitées, le ministre de l'intérieur n'a pas à motiver sa décision de refus d'asile territorial ; que les litiges concernant les refus d'asile territorial n'entrent pas en tout état de cause dans le champ d'application de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le moyen tiré du défaut de motivation des décisions de refus d'asile territorial ne saurait dès lors être accueilli ;

Considérant que si les requérants soutiennent que M. Y... a fait l'objet de menaces de mort de la part de groupes islamistes armés en raison de son activité professionnelle d'entraîneur national adjoint de l'équipe féminine de judo, il a cessé cette activité en 1997 ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ces menaces aient été renouvelées après cette date ; que, par suite, M. Y... n'est pas fondé à soutenir qu'il serait personnellement exposé à des risques en cas de retour en Algérie ; que, dès lors, le ministre de l'intérieur n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant à M. et Mme Y... l'asile territorial ; que, par conséquent, M. et Mme Y... ne sont donc pas fondés à exciper de l'illégalité des refus d'asile territorial qui leur ont été opposés ;
Considérant que le moyen tiré de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre de la décision de refus d'asile territorial ;
Sur l'exception d'illégalité des refus de titre de séjour :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les décisions du préfet du Rhône du 26 avril 2000 dont les requérants invoquent l'illégalité énoncent les considérations de droit et de fait sur lesquelles elles se fondent ; que, dès lors, le moyen tiré de leur insuffisance de motivation doit être écarté ;
Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : "Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (.) 7° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus" ; qu'aux termes de l'article 12 quater de la même ordonnance : "La commission est saisie par le préfet lorsque celui-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article 12 bis ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné à l'article 15 ( ...)" ;

Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la même ordonnance : "Les étrangers sont, en ce qui concerne leur séjour en France, soumis aux dispositions de la présente ordonnance, sous réserve des conventions internationales" ; que si l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, il n'a toutefois pas entendu écarter, sauf stipulations incompatibles expresses, l'application des dispositions de procédure qui s'appliquent à tous les étrangers en ce qui concerne la délivrance, le renouvellement ou le refus de titres de séjour ; qu'au nombre de ces dispositions, figurent notamment celles qui résultent des articles 12 bis (7°) et 12 quater précités de l'ordonnance qui prévoient que le préfet doit consulter la commission du titre de séjour lorsqu'il envisage de refuser un titre de séjour à un étranger dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que ce refus porterait au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; que le préfet n'est toutefois tenu de saisir la commission que du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement cette condition et non de celui de tous les étrangers qui s'en prévalent ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme Y... sont entrés en France respectivement le 22 juillet 1999 et le 13 août 1999 avec un visa de trente jours et ont fait l'objet de décisions de refus de séjour le 26 avril 2000 ; que si les requérants soutiennent que la s.ur de Mme Y... réside en France et qu'ils ont contracté des liens d'amitié avec des ressortissants français, ils ne justifient d'aucun élément faisant obstacle à la poursuite de leur vie familiale, avec leurs enfants, ailleurs qu'en France, et notamment en Algérie où les intéressés ont conservé des attaches familiales ; que, compte tenu de ces circonstances, ainsi que de la durée limitée de leur séjour en France, le préfet du Rhône n'a pas porté au droit de M. et Mme Y... au respect de leur vie familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; qu'ainsi, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le préfet du Rhône n'a pas saisi ladite commission préalablement à ses décisions ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les arrêtés du 31 août 2000 seraient entachés d'illégalité en raison de ce que les titres de séjour sollicités par M. et Mme Y... auraient été refusés à la suite d'une procédure irrégulière doit être écarté ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet ait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences des refus de délivrance de titre de séjour sur la situation personnelle des intéressés ;
Sur les autres moyens dirigés contre la légalité des arrêtés attaqués :

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les arrêtés attaqués n'ont pas porté au droit de M. et Mme Y... au respect de leur vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ils ont été pris ; que, par suite, M. et Mme Y... ne sont pas fondés à soutenir que le préfet du Rhône a méconnu les stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences d'une telle mesure sur la situation personnelle des intéressés ;
En ce qui concerne les décisions du préfet du Rhône fixant l'Algérie comme pays de destination :
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les intéressés n'apportent aucun élément de nature à établir que M. Y... serait encore actuellement exposé personnellement à un risque réel en cas de retour en Algérie, pays dont il a la nationalité ; que M. et Mme Y... ne sont, par suite, pas fondés à se prévaloir des dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme Y... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du 31 août 2000 par lesquelles le préfet du Rhône a décidé leur reconduite à la frontière et a fixé l'Algérie comme pays de destination ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. et Mme Y... les sommes qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Les requêtes de M. et Mme Y... sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Affif Y..., à Mme Aouda X..., au préfet du Rhône et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 9 ss
Numéro d'arrêt : 234494
Date de la décision : 10/07/2002
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Arrêté du 31 août 2000
Code de justice administrative L761-1
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 3, art. 6
Loi 52-893 du 25 juillet 1952 art. 13
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22, art. 12 bis, art. 12 quater


Publications
Proposition de citation : CE, 10 jui. 2002, n° 234494
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Hourdin
Rapporteur public ?: M. Goulard

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2002:234494.20020710
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