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29/07/2002 | FRANCE | N°237026

France | France, Conseil d'État, 5 ss, 29 juillet 2002, 237026


Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 7 août 2001, présentée par le PREFET DE L'HERAULT ; le PREFET DE L'HERAULT demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 13 juillet 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier a annulé son arrêté du 25 juin 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Ali Ben X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. Ben X... devant le tribunal administratif de Montpellier ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention

européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;...

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 7 août 2001, présentée par le PREFET DE L'HERAULT ; le PREFET DE L'HERAULT demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 13 juillet 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier a annulé son arrêté du 25 juin 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Ali Ben X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. Ben X... devant le tribunal administratif de Montpellier ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-marocain en date du 10 novembre 1983 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu la loi du 11 juillet 1979 ;
Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié réglementant les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Lambron, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Olson, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière ( ...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Ben X..., de nationalité marocaine, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 13 février 2001, de la décision du 8 février 2001 par laquelle le PREFET DE L'HERAULT lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a invité à quitter le territoire français ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas, prévu au 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, dans sa rédaction issue de la loi du 11 mai 1998 : "Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : ( ...) 3° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant" ( ...) 7° A l'étranger ( ...) dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; que l'article 12 quater de la même ordonnance dispose que "Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour ( ...)./ La commission est saisie par le préfet lorsque celui-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour à un étranger mentionné à l'article 12 bis ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné à l'article 15" ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions énoncées à l'article 12 bis ou à l'article 15 auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ;

Considérant que si M. Ben X... fait valoir qu'il réside habituellement en France depuis 1993 et que ses liens privés et familiaux sont en France où vivent trois de ses cousins, il ressort des pièces du dossier qu'à la date à laquelle la décision de refus de séjour a été prise, il ne justifiait pas d'une résidence habituelle en France depuis plus de dix ans ; qu'en outre, compte tenu de la durée et des conditions de son séjour en France, le refus de titre de séjour opposé à M. Ben X..., qui est célibataire et sans enfant et qui n'allègue pas ne plus avoir d'attaches familiales dans son pays d'origine, n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, dès lors que l'intéressé n'entrait dans le champ d'application des dispositions ni du 3° ni du 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 et qu'il n'allègue pas relever d'une autre catégorie d'étrangers mentionnée aux articles 12 bis et 15, il ne peut se prévaloir de la méconnaissance de l'article 12 quater précité ; que c'est, dès lors, à tort que, pour annuler l'arrêté attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier s'est fondé sur ce qu'il méconnaissait les dispositions de l'article 12 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Ben X... ;
Sur l'exception d'illégalité de la décision de refus de séjour :
Considérant qu'aux termes de l'article 5 de la loi susvisée du 11 juillet 1979 : "Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans le délai de recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués" ; qu'il ressort des pièces du dossier que la demande formulée par M. Ben X... que lui soit délivré un titre de séjour, a été rejetée par une décision motivée en date du 8 février 2001 ; que M. Ben X... soutient qu'il a formé un recours gracieux contre cette décision et que ce recours a été rejeté par décision implicite le 5 juin 2001 dont il a demandé vainement le 6 juin 2001, communication des motifs ; qu'il soutient que cette décision implicite serait illégale faute d'indiquer ses motifs ; que, cependant, le rejet d'un recours administratif contre une décision motivée, n'a pas à être lui-même motivé ; que par suite, M. Ben X... n'est pas fondé à soutenir que les dispositions précitées de la loi du 11 juillet 1979 auraient été méconnues ;

Considérant que si le PREFET DE L'HERAULT a fait mention du fait que le passeport de M. Ben X... n'était pas revêtu d'un visa de long séjour, c'était pour constater que l'intéressé se trouvait en situation irrégulière, sans en tirer aucune conséquence sur la possibilité pour M. Ben X... d'obtenir la régularisation de sa situation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'exception d'illégalité invoquée n'est pas fondée ;
Sur la légalité de l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière :
Considérant que si M. Ben X... s'est marié le 2 avril 2002 avec une compatriote titulaire d'une carte de séjour de 10 ans, cette circonstance postérieure à l'arrêté attaqué est, en tout état de cause, sans incidence sur sa légalité ; qu'elle ouvre cependant à l'épouse de M. Ben X... la possibilité de solliciter une mesure de regroupement familial au bénéfice de ce dernier ; que dans ces circonstances M. Ben X... n'est pas fondé à soutenir que les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales auraient été méconnues ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le PREFET DE L'HERAULT, en prenant la mesure attaquée, ait, eu égard à la situation personnelle et familiale de l'intéressé, commis une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE L'HERAULT est fondé à demander l'annulation du jugement du 13 juillet 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier a annulé son arrêté du 25 juin 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Ben X... ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant que la présente décision n'implique aucune mesure d'exécution au sens des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ; que, dès lors, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. Ben X... ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions de M. Ben X... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à M. Ben X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du 13 juillet 2001 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Montpellier par M. Ben X... est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de M. Ben X... tendant à l'application des articles L. 761-1 et L. 911-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE L'HERAULT, à M. Ali Ben X... et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 5 ss
Numéro d'arrêt : 237026
Date de la décision : 29/07/2002
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Arrêté du 25 juin 2001
Code de justice administrative L911-1, L761-1
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 8
Loi 79-587 du 11 juillet 1979 art. 5
Loi 98-349 du 11 mai 1998
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22, art. 12 bis, art. 12 quater


Publications
Proposition de citation : CE, 29 jui. 2002, n° 237026
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Lambron
Rapporteur public ?: M. Olson

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2002:237026.20020729
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