Vu la requête, enregistrée le 6 février 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Saikham X..., ; M. X... demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 25 septembre 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 17 septembre 2001 par lequel le préfet de la Marne a décidé sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- les conclusions de M. Schwartz, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen de la requête :
Considérant qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, qu'il s'agisse d'un arrêté d'expulsion pris selon la procédure normale ou d'un arrêté de reconduite à la frontière, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite ;
Considérant que l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, dans sa version issue de la loi du 11 mai 1998, dispose : "Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : ( ...) 4° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, marié à un ressortissant de nationalité française à condition que son entrée ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français" ;
Considérant que, contrairement à ce qu'affirme l'administration, il ressort des pièces du dossier que M. X..., de nationalité laotienne, est entré régulièrement en France en 1995 sous couvert d'un visa de court séjour ; qu'à la date à laquelle le préfet de la Marne a ordonné sa reconduite à la frontière, il était marié avec une ressortissante française ; que le préfet de la Marne n'allègue pas que le requérant vivrait en état de polygamie ou que sa présence sur le territoire constituerait une menace pour l'ordre public ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, le requérant remplissait l'ensemble des conditions prévues par l'article 12 bis 4° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 pour se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" ; qu'il ne pouvait donc légalement faire l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du préfet de la Marne du 17 septembre 2001 décidant sa reconduite à la frontière et contre la décision du même jour fixant le pays de destination ;
Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 25 septembre 2001 et l'arrêté du préfet de la Marne du 17 septembre 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Saikham X..., au préfet de la Marne et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.