Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 5 octobre 2000, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 16 août 2000 par lequel le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 26 juillet 2000 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Mohammed X... ; 2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Lenica, Auditeur ;
- les conclusions de M. Le Chatelier, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3°) Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., de nationalité marocaine, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 7 avril 2000, de l'arrêté du même jour par lequel le préfet de Police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X... est entré en France en décembre 1993 et y a rejoint sa mère, elle même entrée en France en 1974 et titulaire d'une carte de résident ; qu'après avoir vécu deux ans avec Mlle Y..., qui est titulaire d'une carte de séjour, il l'a épousée et a eu avec elle un enfant né en France en 1999 ; que M. X..., qui est fils unique et qui n'a pas connu son père, a perdu tout lien avec son pays d'origine et que l'ensemble de ses attaches familiales est en France ; que, dès lors, dans les circonstances de l'espèce, l'arrêté du 26 juillet 2000 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... a porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure a été prise et méconnaît, par suite, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de qui précède que le PREFET DE POLICE n'est pas fondé a soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 26 juillet 2000 ;
Sur les conclusions tendant au paiement et frais exposés et non compris dans les dépens :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances et l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à payer à M. X... la somme de 1 800 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête du PREFET DE POLICE est rejetée.
Article 2 : l'Etat versera à M. X... la somme de 1 800 euros en application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. Mohammed X... et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.