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04/11/2002 | FRANCE | N°214756

France | France, Conseil d'État, 7 ss, 04 novembre 2002, 214756


Vu la requête, enregistrée le 25 novembre 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 25 septembre 1999 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 6 novembre 1998 ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mlle X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne

de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ord...

Vu la requête, enregistrée le 25 novembre 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 25 septembre 1999 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 6 novembre 1998 ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mlle X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. J. Boucher, Auditeur ;
- les observations de la SCP Bouzidi, avocat de Mlle X...,
- les conclusions de M. Le Chatelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle X..., de nationalité philippine, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 2 juillet 1998, de la décision du 29 juin 1998 par laquelle le PREFET DE POLICE a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a invitée à quitter le territoire ; qu'elle se trouvait ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'en vertu de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée ne peut faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière "l'étranger qui justifie par tous moyens résider en France habituellement depuis plus de quinze ans ainsi que l'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention "étudiant"" ; qu'il ressort des pièces du dossier, et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté, que, si Mlle X... soutient résider en France depuis 1985, elle n'a disposé d'un titre de séjour temporaire que du 9 juin 1986 au 8 juin 1987 ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, les dispositions précitées de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ne pouvaient faire obstacle à ce qu'elle soit l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ; que le PREFET DE POLICE est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur la méconnaissance de ces dispositions pour annuler son arrêté du 6 novembre 1998 ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle X... ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mlle X... devant le tribunal administratif de Paris et devant le Conseil d'Etat ;

Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : "Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (.) 3° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant" ; que si Mlle X... soutient qu'elle résidait en France depuis plus de dix ans à la date à laquelle a été pris l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, les pièces qu'elle produit au soutien de ses affirmations ne suffisent pas à elles seules à établir l'existence d'une résidence habituelle au sens des dispositions précitées, notamment pour la période allant de 1989 à 1991 ; qu'ainsi les dispositions du 3° de l'article 12 bis de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945 ne faisaient pas obstacle à ce qu'elle puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;
Considérant que s'il n'est pas contesté que la soeur, la demi-soeur et la cousine de Mlle X..., célibataire et sans enfant, résident régulièrement en France, et si celle-ci soutient être parfaitement intégrée à la société française, elle n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine ; qu'ainsi il ne ressort pas des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du PREFET DE POLICE en date du 6 novembre 1998, qui n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation, ait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 6 novembre 1998 ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle X... ;
Sur les conclusions de Mlle X... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à Mlle X... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris en date du 25 septembre 1999 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mlle X... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de Mlle X... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à Mlle X... et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 7 ss
Numéro d'arrêt : 214756
Date de la décision : 04/11/2002
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Arrêté du 06 novembre 1998
Code de justice administrative L761-1
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22, art. 25, art. 12 bis


Publications
Proposition de citation : CE, 04 nov. 2002, n° 214756
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. J. Boucher
Rapporteur public ?: M. Le Chatelier

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2002:214756.20021104
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