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29/11/2002 | FRANCE | N°244752

France | France, Conseil d'État, 9 ss, 29 novembre 2002, 244752


Vu la requête, enregistrée le 2 avril 2002, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 7 février 2002, par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 24 octobre 2001, ordonnant la reconduite à la frontière de M. Zoubir X... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien, modifié, du 27 décembre 1968 ;
Vu l'ordonnance n° 45

-2658 du 2 novembre 1945, modifiée ;
Vu la loi du 25 juillet 1952, modifiée, re...

Vu la requête, enregistrée le 2 avril 2002, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 7 février 2002, par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 24 octobre 2001, ordonnant la reconduite à la frontière de M. Zoubir X... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien, modifié, du 27 décembre 1968 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée ;
Vu la loi du 25 juillet 1952, modifiée, relative au droit d'asile et à l'asile territorial, ensemble le décret du 23 juin 1998, pris pour son application ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Guilhemsans, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., de nationalité algérienne, auquel l'asile territorial a été refusé par une décision du ministre de l'intérieur du 30 mars 2001, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 20 juin 2001, de l'arrêté du même jour par lequel le PREFET DE POLICE lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par l'arrêté du 24 octobre 2001, le PREFET DE POLICE a, d'une part, dans l'article 1er, ordonné que M. X... soit reconduit à la frontière, d'autre part, dans l'article 2, fixé le pays à destination duquel il serait reconduit, comme devant être l'Algérie ou tout autre pays dans lequel l'intéressé établirait être légalement admissible ; que le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, au motif qu'il méconnaissait les dispositions de l'article 27 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant que le moyen tiré des risques encourus par l'intéressé en cas de retour en Algérie est inopérant à l'encontre de cet arrêté, en tant que celui-ci ordonne la reconduite de M. X... à la frontière ; que le PREFET DE POLICE est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce motif pour annuler l'intégralité de l'arrêté attaqué ;
Considérant toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Considérant que M. X... est recevable à invoquer, à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, l'exception d'illégalité du refus d'un titre de séjour, fondé notamment sur le rejet par le ministre de l'intérieur de sa demande d'asile territorial, qu'il a contesté dans les délais du recours contentieux ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X... a fait partie de 1994 à 1997 d'une brigade de lutte anti-terroriste de la Sûreté nationale algérienne, qu'après avoir présenté, en raison des menaces dont il faisait l'objet, une démission qui n'a pas été acceptée, il a été licencié pour abandon de poste ; que les pressions exercées sur le chef d'entreprise qui l'employait depuis le début de l'année 1998 ont conduit à son licenciement ; qu'il ressort du récit circonstancié produit par l'intéressé que sa vie serait menacée en cas de retour de celui-ci en Algérie ; que dans ces conditions, en lui refusant l'asile territorial, par sa décision du 30 mars 2001, le ministre de l'intérieur a commis une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de l'intéressé au regard des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que l'illégalité du rejet de la demande d'asile territorial prive de base légale la décision de refus de titre de séjour qui est ainsi elle-même entachée d'illégalité ; que, par suite, l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de M. X..., pris sur le fondement d'une décision de refus de titre de séjour illégale, se trouve privé de base légale et doit être annulé ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 24 octobre 2001 ordonnant la reconduite de M. X... à la frontière et fixant l'Algérie comme pays de destination ;
Considérant que si la présente décision confirmant l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière n'implique pas nécessairement, au sens des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, la délivrance d'un titre de séjour à M. X..., il y a lieu, en application de l'article L. 911-2 du même code, de prescrire au PREFET DE POLICE de se prononcer sur la situation de M. X... dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision ;
Article 1er : La requête du PREFET DE POLICE est rejetée.
Article 2 : Le PREFET DE POLICE statuera sur la régularisation de la situation de M. X... dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. Zoubir X... et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 9 ss
Numéro d'arrêt : 244752
Date de la décision : 29/11/2002
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Arrêté du 24 octobre 2001 art. 1, art. 2
Code de justice administrative L911-1, L911-2
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 3
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22, art. 27 bis


Publications
Proposition de citation : CE, 29 nov. 2002, n° 244752
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Guilhemsans
Rapporteur public ?: M. Goulard

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2002:244752.20021129
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