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04/12/2002 | FRANCE | N°233592

France | France, Conseil d'État, 4 ss, 04 décembre 2002, 233592


Vu la requête, enregistrée le 11 mai 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 14 mars 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 9 juin 2000 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Boualem X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant ce tribunal ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme

et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 19...

Vu la requête, enregistrée le 11 mai 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 14 mars 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 9 juin 2000 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Boualem X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant ce tribunal ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée, relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Picard, Maître des Requêtes-;
- les conclusions de M. Schwartz, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ;
Considérant qu'à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, M. X... a fait valoir qu'il vit maritalement avec une ressortissante française depuis le mois d'octobre 1999 et est en instance de divorce de son premier mariage en Algérie ; qu'un enfant est né de sa nouvelle union ; qu'il ressort en outre des pièces du dossier que M. X..., entré sur le territoire national le 17 avril 1999 avec un visa d'affaires, est sans profession et ne subvient pas aux besoins de l'enfant dont il est le père ; qu'il a, également, conservé des attaches familiales en Algérie, où résident plusieurs membres de sa famille et notamment sa jeune fille ; que, compte tenu de ces circonstances, notamment de la brève durée et des conditions de séjour de M. X..., et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté attaqué n'a pas, à la date à laquelle il a été pris, porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que c'est, dès lors à tort, que, pour annuler l'arrêté attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce qu'il méconnaissait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (.) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la notification du refus ou du retrait (.)" ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., de nationalité algérienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification le 9 mars 2000 de l'arrêté de la même date, par lequel le PREFET DE POLICE lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
En ce qui concerne l'exception d'illégalité de la décision de refus d'asile territorial :
Considérant que ni l'article 13 de la loi du 25 juillet 1952, ni aucune autre disposition n'imposait au ministre de motiver la décision par laquelle il a, antérieurement à la mesure de reconduite, rejeté la demande d'asile territorial présentée par l'intéressé ; que les litiges concernant les refus d'asile territorial n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le ministre des affaires étrangères a donné un avis défavorable à la demande d'asile territorial le 29 octobre 1999 ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que le ministre n'aurait pas été consulté manque en fait ; que l'absence de visa dans la décision de l'avis donné par le ministre des affaires étrangères est sans incidence sur sa légalité ;
Considérant que si M. X... soutient qu'il court des risques graves en cas de retour dans son pays d'origine, il ne ressort pas des pièces du dossier, que le ministre de l'intérieur ait commis une erreur manifeste d'appréciation ou méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en refusant à M. X... l'asile territorial ;
En ce qui concerne l'exception d'illégalité de la décision de refus de délivrer un certificat de résidence :
Considérant que cette décision qui énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle est fondée, est suffisamment motivée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour qui lui a été opposé serait illégal en raison de l'illégalité de la décision du ministre de l'intérieur en date du 10 décembre 1999 ; qu'à la date à laquelle un titre de séjour lui a été refusé, cette décision n'a pas, pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a pas porté aux droits de l'intéressé à une vie privée ou familiale normale une atteinte manifestement disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ;
Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant que cet arrêté est suffisamment motivé ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Sur la légalité de la décision distincte fixant le pays de renvoi :
Considérant que si M. X... allègue qu'il court des risques importants pour sa sécurité s'il devait revenir en Algérie, il ne justifie pas de circonstances particulières de nature à faire légalement obstacle à ce qu'il soit reconduit à destination du pays dont il a la nationalité ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à demander l'annulation du jugement du 14 mars 2001 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 9 juin 2000 décidant la reconduite à la frontière de M. X... et le rejet de la demande ; Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à M. X... la somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du 14 mars 2001 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Paris par M. X... ainsi que ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. Boualem X... et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 4 ss
Numéro d'arrêt : 233592
Date de la décision : 04/12/2002
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Arrêté du 09 juin 2000
Code de justice administrative L761-1
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 3, art. 6, art. 8
Loi 52-893 du 25 juillet 1952 art. 13
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22


Publications
Proposition de citation : CE, 04 déc. 2002, n° 233592
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Picard
Rapporteur public ?: M. Schwartz

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2002:233592.20021204
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