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10/03/2003 | FRANCE | N°244201

France | France, Conseil d'État, 10 mars 2003, 244201


Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 18 mars 2002, présentée par M. Jamel Ben Bouaich X..., ; M. X... demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 25 janvier 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 26 juin 2001 du préfet de police ordonnant sa reconduite à la frontière et de la décision distincte fixant le pays à destination duquel il doit être reconduit ;
2°) d'annuler pour e

xcès de pouvoir cet arrêté et cette décision ;
3°) de condamner l'Etat à ...

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 18 mars 2002, présentée par M. Jamel Ben Bouaich X..., ; M. X... demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 25 janvier 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 26 juin 2001 du préfet de police ordonnant sa reconduite à la frontière et de la décision distincte fixant le pays à destination duquel il doit être reconduit ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté et cette décision ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ....) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ....)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., de nationalité tunisienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 13 juillet 2000, de la décision du 10 juillet 2000 du préfet de police lui refusant un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il était ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant que l'arrêté attaqué énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; qu'il est, par suite, suffisamment motivé ;
Sur l'exception d'illégalité de la décision de refus de séjour du préfet de police du 10 juillet 2000 :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de cette exception d'illégalité :
Considérant que la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. X... énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde ; qu'elle est, par suite, suffisamment motivée ;
Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" prévue au premier alinéa du même article est délivrée de plein droit : "( ...) 3° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant ( ...)" ;
Considérant que si M. X... soutient qu'il résidait habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, il ressort des pièces du dossier qu'il n'apporte pas de justifications suffisantes à l'appui de ses allégations ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police ne pouvait légalement prendre à son encontre la décision contestée sans méconnaître les dispositions précitées ne peut qu'être écarté ;

Considérant que si l'article 12 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée impose au préfet de consulter la commission du titre de séjour lorsqu'il envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour à un étranger relevant de l'une des catégories mentionnées aux articles 12 bis et 15 de cette ordonnance, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. X... appartienne à l'une de ces catégories ; qu'il en résulte que le moyen tiré de ce que la décision du préfet de police serait irrégulière faute d'avoir été précédée de la consultation de la commission du titre de séjour doit être écarté ;
Considérant que si, à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, M. X... fait valoir qu'il vit en France depuis plusieurs années de manière stable et effective et qu'il est parfaitement inséré dans la société française, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, célibataire et âgé de 33 ans à la date de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, est sans charge de famille ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision attaquée n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise ; que, par suite, en prenant ladite décision, le préfet de police n'a ni commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de l'intéressé ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur les autres moyens :
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière M. X... résidait habituellement sur le territoire français depuis plus de dix ans ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir que ledit arrêté serait contraire aux dispositions précitées du 3° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée ;
Considérant que, pour les raisons exposées ci-dessus et en l'absence de changement dans la situation personnelle et familiale de l'intéressé à la date à laquelle le préfet a ordonné sa reconduite à la frontière, l'arrêté du 26 juin 2001 n'a pas porté au droit de M. X... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cet arrêté a été pris ; que, par suite, en prenant ledit arrêté le préfet de police n'a ni commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de l'intéressé ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la légalité de la décision distincte fixant le pays de renvoi :

Considérant que, dans les termes où il est rédigé, l'arrêté du 26 juin 2001 décidant la reconduite à la frontière de M. X... doit être regardé comme comportant une décision distincte par laquelle le préfet de police a décidé que l'intéressé serait éloigné à destination de la Tunisie ; que si l'intéressé soutient que cette décision a pour effet de l'éloigner des attaches qu'il possède en France et qu'il n'a plus de lien avec son pays d'origine, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision fixant la Tunisie comme pays de renvoi ait porté une atteinte disproportionnée au droit de M. X... au respect de sa vie familiale ; que, par suite, et en tout état de cause, le moyen tiré de ce que la décision distincte fixant le Tunisie comme pays de renvoi serait contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Jamel Ben Bouaich X..., au préfet de police et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 244201
Date de la décision : 10/03/2003
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Arrêté du 26 juin 2001
Code de justice administrative L761-1
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 8
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22, art. 12 bis, art. 12 quater, art. 15


Publications
Proposition de citation : CE, 10 mar. 2003, n° 244201
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur public ?: M. Bachelier

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2003:244201.20030310
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