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21/03/2003 | FRANCE | N°244301

France | France, Conseil d'État, 21 mars 2003, 244301


Vu la requête et les pièces complémentaires, enregistrées les 20 mars 2002 et 16 septembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentées par M. Landu X..., ; M. X... demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 20 février 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 février 2002 par lequel le préfet du Val-d'Oise a décidé sa reconduite à la frontière et fixé la République démocra

tique du Congo comme pays de destination de la reconduite ;
2°) d'annuler ce...

Vu la requête et les pièces complémentaires, enregistrées les 20 mars 2002 et 16 septembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentées par M. Landu X..., ; M. X... demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 20 février 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 février 2002 par lequel le préfet du Val-d'Oise a décidé sa reconduite à la frontière et fixé la République démocratique du Congo comme pays de destination de la reconduite ;
2°) d'annuler cet arrêté et cette décision pour excès de pouvoir ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- les conclusions de M. Olson, Commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article 22 bis I de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "L'audience est publique. Elle se déroule sans conclusions du commissaire du gouvernement, en présence de l'intéressé, sauf si celui-ci, dûment convoqué, ne se présente pas. L'étranger est assisté de son conseil s'il en a un ..." ; qu'il résulte de ces dispositions que l'étranger qui a formé un recours contre l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière doit, même s'il est assisté d'un avocat, être personnellement convoqué à l'audience ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est pas contesté que M. X... n'a reçu le courrier l'informant que l'audience au cours de laquelle serait examinée sa requête aurait lieu le 20 février 2002 à 10 heures 30 qu'à une date postérieure à cette audience ; qu'il n'a dès lors pu ni demander l'assistance d'un avocat ni se présenter personnellement à cette audience pour y présenter ses observations ; que M. X... est dès lors fondé à soutenir qu'il n'a pas été régulièrement convoqué à l'audience et que le jugement attaqué est intervenu sur une procédure irrégulière ; que ce jugement doit, par suite, être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise par M. X... ;
Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., ressortissant de la République démocratique du Congo, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 21 septembre 2001, de la décision du préfet de Val-d'Oise du 19 septembre 2001, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué, qui énonce les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision de reconduite à la frontière et qui, de surcroît, indique que la situation de l'intéressé a été examinée au regard des dispositions de l'article 12 bis 3° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, est suffisamment motivé ; que, contrairement à ce que soutient M. X..., cet arrêté est daté et comporte la mention des voies et délais de recours ; que la présence, en annexe dudit arrêté, d'une notice explicative en langue anglaise est sans incidence sur la légalité de cet arrêté qui est rédigé en langue française ;

Considérant qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;
Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" prévue au premier alinéa du même article est délivrée de plein droit : "( ...) 3° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant ( ...)" ;
Considérant toutefois que si M. X... fait valoir qu'il vit en France de façon continue depuis 1990 et que son mariage en 1996 selon la coutume de son pays n'a pas donné lieu à un retour dans celui-ci, il n'assortit ces affirmations d'aucune précision de nature à en apprécier le bien-fondé ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet du Val-d'Oise ne pouvait légalement prendre à son encontre l'arrêté attaqué sans méconnaître des dispositions précitées ne peut qu'être écarté ;
Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée sus-visée: "Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : ( ...) 7° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ( ...)" ;
Considérant que si M. X... fait valoir qu'il a fondé une famille et qu'il est père de deux enfants, dont l'un est né sur le territoire français, il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de son séjour en France à la date de l'arrêté attaqué, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du préfet du Val-d'Oise en date du 11 février 2002 n'a pas porté au droit de celle-ci au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; que par suite, le moyen tiré de ce que le préfet du Val-d'Oise ne pouvait légalement prendre à son encontre l'arrêté attaqué, lequel n'empêche pas l'intéressé d'emmener sa famille avec lui, sans méconnaître les dispositions du 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance précitée ne peut qu'être écarté ;
Sur les conclusions relatives à la décision fixant le pays de destination de la reconduite :

Considérant que si M. X..., dont la demande de reconnaissance de la qualité de réfugié a d'ailleurs été rejetée par une décision du directeur de l'office français de protection des réfugiés et apatrides du 5 novembre 1990, fait état des risques auxquels il serait exposé en cas de retour dans son pays d'origine, ses allégations ne sont assorties d'aucune précision ni justification probantes propres à établir la réalité des risques auxquels il serait personnellement exposé ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le préfet du Val-d'Oise n'aurait pu légalement fixer la République démocratique du Congo comme pays de destination doit être écarté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande M. X... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise et le surplus des conclusions de sa requête devant le Conseil d'Etat doivent être rejetés ;
Article 1er : Le jugement du 20 février 2002 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Landu X..., au préfet du Val-d'Oise et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 244301
Date de la décision : 21/03/2003
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22 bis, art. 22, art. 12 bis, art. 25


Publications
Proposition de citation : CE, 21 mar. 2003, n° 244301
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur public ?: M. Olson

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2003:244301.20030321
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