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28/05/2004 | FRANCE | N°250817

France | France, Conseil d'État, 8eme et 3eme sous-sections reunies, 28 mai 2004, 250817


Vu la requête, enregistrée le 7 octobre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE MAGNETI MARELLI FRANCE, dont le siège est ... ; la SOCIETE MAGNETI MARELLI FRANCE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 9 juillet 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel formé à l'encontre du jugement du 29 octobre 1997 du tribunal administratif de Paris rejetant les demandes de la société Jaeger, aux droits de laquelle vient la société requérante, tendant à la décharge, en droits et pénalités, des c

ompléments de taxe sur la valeur ajoutée et des suppléments d'impôt sur l...

Vu la requête, enregistrée le 7 octobre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE MAGNETI MARELLI FRANCE, dont le siège est ... ; la SOCIETE MAGNETI MARELLI FRANCE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 9 juillet 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel formé à l'encontre du jugement du 29 octobre 1997 du tribunal administratif de Paris rejetant les demandes de la société Jaeger, aux droits de laquelle vient la société requérante, tendant à la décharge, en droits et pénalités, des compléments de taxe sur la valeur ajoutée et des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 1986 à hauteur des montants respectifs de 143 152 F et 1 195 066 F ;

2°) statuant au fond, de lui accorder la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi de finances rectificative n° 99-1173 du 30 décembre 1999, et notamment son article 25 II-B ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bénard, Auditeur,

- les observations de la SCP Coutard, Mayer, avocat de la SOCIETE MAGNETI MARELLI FRANCE,

- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Veglia, qui avait pour activité la fabrication et la vente d'accessoires pour automobiles, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle deux notifications de redressements, la première, en date du 18 décembre 1989, au titre de l'année 1986, la seconde, datée du 18 octobre 1990, au titre de l'ensemble de la période vérifiée, soit du 1er janvier 1984 au 30 septembre 1987, ont été adressées à la société Jaeger, qui a absorbé la société Veglia en 1987 ; que la société Jaeger a reçu un avis de mise en recouvrement daté du 23 novembre 1992 mettant à sa charge au titre de la taxe sur la valeur ajoutée un montant total de 183 502 F, puis un avis d'imposition en date du 31 décembre 1992 au titre de l'impôt sur les sociétés pour l'exercice 1986 ; que la SOCIETE MAGNETI MARELLI FRANCE demande l'annulation de l'arrêt du 9 juillet 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel formé à l'encontre du jugement du 29 octobre 1997 du tribunal administratif de Paris rejetant les demandes de la société Jaeger, aux droits de laquelle vient la société requérante, tendant à la décharge, en droits et pénalités, des compléments de taxe sur la valeur ajoutée et des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 1986 à hauteur des montants respectifs de 143 152 F et 1 195 066 F ;

Sur les suppléments d'imposition sur les sociétés mis à la charge de la SOCIETE MAGNETI MARELLI FRANCE :

En ce qui concerne la motivation des notifications de redressement :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à l'espèce : L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ; qu'aux termes de l'article R*. 57-1 du même livre : La notification de redressement prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs du redressement envisagé. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la notification ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une notification de redressement doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile ; qu'en revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs ;

Considérant, en premier lieu, s'agissant des frais de voyage, qu'après avoir relevé que la première notification de redressement mentionnait la nature des redressements fondés sur le rejet de charges déductibles, lié au caractère touristique du voyage, ainsi que l'année d'imposition et le montant de 283 250 F de ce redressement, et que la seconde notification mentionnait en outre que les sommes maintenues en redressement concernaient les épouses de salariés de la société et le voyage au Japon effectué en 1986 par ceux-ci, la cour a estimé que ces deux notifications de redressement étaient suffisamment motivées ; qu'elle s'est à cet égard livrée, sans commettre d'erreur de droit, à une appréciation souveraine qui, en l'absence de dénaturation n'est pas susceptible d'être discutée devant le juge de cassation ;

Considérant, en second lieu, s'agissant des redressements relatifs aux redevances versées par Invotek, qu'en estimant que les notifications mentionnaient que le redressement portait sur la part des redevances considérée comme rémunération de la licence concédée, et détaillaient le raisonnement suivi par le vérificateur et en en déduisant que les notifications de redressement étaient suffisamment motivées sur ce point, en cour administrative d'appel s'est livrée, sans erreur de droit, à une appréciation souveraine qui, en l'absence de dénaturation, n'est pas susceptible d'être discutée devant le juge de cassation ;

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Veglia a soumis au régime des plus-values à long terme prévu à l'article 39 terdecies du code général des impôts les redevances que lui versait la société Invotek, créée en 1981 par une entreprise canadienne et par la société Veglia Canada, filiale de la société française Ed Veglia qui allait devenir Veglia ; que l'administration a estimé qu'il résultait du contrat de licence du 1er août 1983, conclu entre notamment les société Veglia Canada, Ed Veglia et Invotek, que les redevances versées par cette dernière à Ed Veglia rémunéraient, non seulement des transferts d'informations et de savoir-faire, mais aussi le droit d'utiliser la marque et le logo Veglia ; qu'elle a ensuite, en se référant aux usages normaux de la profession d'équipementier automobile, estimé la part de la redevance rémunérant la concession de la marque et du logo à 1 % du montant des ventes moins les achats, refusé l'application à cette somme du taux réduit par l'article 39 terdecies du code, et procédé au redressement correspondant ;

Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour, après avoir estimé que la charge de la preuve incombait à l'administration, a, par une appréciation souveraine qu'il n'appartient pas au juge de cassation de contrôler, considéré que les redevances versées par Invotek devaient être regardées pour partie comme la rémunération d'une concession de marque, que l'administration avait évalué à 1% des ventes le montant de la rémunération de cette concession et enfin que ce pourcentage n'apparaissait pas excessif et n'était pas efficacement contesté par la requérante ; qu'en statuant ainsi, elle n'a, entaché son arrêt d'aucune contradiction de motifs, et n'a pas fait peser à tort la charge de la preuve sur la société requérante ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE MAGNETI MARELLI FRANCE n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur les suppléments de cotisations à l'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie ;

Sur les compléments de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la SOCIETE MAGNETI MARELLI FRANCE :

Considérant qu'aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens meubles et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ; qu'aux termes de l'article 266 du même code, dans sa rédaction applicable à l'espèce : 1. La base d'imposition est constituée : a. Pour les livraisons de biens et les prestations de services, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de la livraison ou de la prestation ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel de Paris qu'un contrat a été conclu entre la société Invotek, d'une part, la division Pontiac du groupe General Motors, d'autre part, prévoyant la production d'un tableau de bord ; qu'alors que les sociétés Veglia et Invotek étaient prêtes à le produire en février 1985, le programme a été annulé le 10 avril 1985 ; que, Pontiac ayant dédommagé Invotek, la société Veglia a, le 5 juin 1986, évalué à 606 015 F le montant de l'indemnisation correspondant aux pièces spécifiques achetées par elle et non réutilisables, et facturé cette somme à Invotek sous la dénomination d'indemnité ;

Considérant que le versement en cause, qui ne résultait pas des modalités dont les parties étaient convenues pour assurer l'équilibre économique du contrat, ne constituait pas la contrepartie directe et la rémunération d'une prestation individualisable de préparation de la fabrication des tableaux de bord dont s'agit, distincte de leur fourniture proprement dite, mais avait pour objet de réparer le préjudice subi par la société Veglia du fait de la résiliation unilatérale du contrat par Pontiac ; que, dès lors, en jugeant que le versement en litige avait constitué la rémunération d'une prestation de services, au sens du I précité de l'article 256 du code général des impôts, la cour administrative d'appel de Paris a donné aux faits de la cause une qualification juridique inexacte ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, la SOCIETE MAGNETI MARELLI FRANCE est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué, en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments de cotisations à la taxe sur la valeur ajoutée restant en litige ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, la somme versée par la société Invotek à la société Veglia en dédommagement des frais engagés par cette dernière dans le cadre du contrat passé avec la division Pontiac du groupe General Motors a le caractère d'une indemnité de résiliation pour rupture de contrat, et ne constitue pas la contrepartie directe d'une prestation de services à titre onéreux, au sens des dispositions précitées de l'article 256 du code général des impôts ; que, par suite, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de sa requête, la SOCIETE MAGNETI MARELLI FRANCE est fondée à soutenir que c'est à tort que par son jugement du 29 octobre 1997, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations complémentaires de taxe sur la valeur ajoutée auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 1986 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'accorder à la SOCIETE MAGNETI MARELLI FRANCE la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 9 juillet 2002 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé, en tant qu'il statue sur les compléments de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes mis à la charge de la société requérante au titre de l'année 1986.

Article 2 : La SOCIETE MAGNETI MARELLI FRANCE est déchargée des compléments de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes en litige.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 29 octobre 1997 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 de la présente décision.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la SOCIETE MAGNETI MARELLI FRANCE devant la cour et devant le Conseil d'Etat est rejeté.

Article 5 : L'Etat versera à la SOCIETE MAGNETI MARELLI FRANCE la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE MAGNETI MARELLI FRANCE et au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 8eme et 3eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 250817
Date de la décision : 28/05/2004
Sens de l'arrêt : Décharge de l'imposition
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-01-01 CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILÉES - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE - PERSONNES ET OPÉRATIONS TAXABLES - OPÉRATIONS TAXABLES - EXCLUSION SOUS CONDITIONS - INDEMNITÉ VERSÉE À RAISON DE LA RÉSILIATION D'UN CONTRAT [RJ1].

19-06-02-01-01 Le versement qu'une partie à un contrat opère au profit de son cocontractant, qui ne résulte pas des modalités dont les parties étaient convenues pour assurer l'équilibre économique du contrat, ne constitue pas la contrepartie directe et la rémunération d'une prestation de services individualisable mais a pour objet de réparer le préjudice subi par le bénéficiaire du versement du fait de la résiliation unilatérale de ce contrat. Il n'est dès lors pas au nombre des opérations que le I de l'article 256 du code général des impôts soumet à la taxe sur la valeur ajoutée.


Références :

[RJ1]

Cf. sol. contr. Section, 15 décembre 2000, Société Polyclad Europe, p. 622 ;

30 juillet 2003, Société Batinorest, n° 241371, à publier au recueil.


Publications
Proposition de citation : CE, 28 mai. 2004, n° 250817
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Labetoulle
Rapporteur ?: M. Yohann Bénard
Rapporteur public ?: M. Bachelier
Avocat(s) : SCP COUTARD, MAYER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:250817.20040528
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