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15/07/2004 | FRANCE | N°227914

France | France, Conseil d'État, 5eme et 4eme sous-sections reunies, 15 juillet 2004, 227914


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 décembre 2000 et 9 avril 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mlle Geneviève X, demeurant ... ; Mlle X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 5 octobre 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a, à la requête de la ville de Lyon, ramené à 138 867 F la somme que la ville de Lyon avait été condamnée à lui payer par le jugement du tribunal administratif de Lyon du 3 décembre 1996 en réparation du préjudice résultant pour elle de l'interve

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 décembre 2000 et 9 avril 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mlle Geneviève X, demeurant ... ; Mlle X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 5 octobre 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a, à la requête de la ville de Lyon, ramené à 138 867 F la somme que la ville de Lyon avait été condamnée à lui payer par le jugement du tribunal administratif de Lyon du 3 décembre 1996 en réparation du préjudice résultant pour elle de l'intervention d'un arrêté de péril et de la démolition de sa villa et décidé que les intérêts seront capitalisés aux dates du 18 mars 1998 et du 13 mai 1999 pour produire eux-mêmes intérêts ;

2°) de condamner la ville de Lyon à lui verser la somme de 1 014 201 F, augmentée des intérêts de droit capitalisés ;

3°) de mettre à la charge de la ville de Lyon la somme de 12 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la construction et de l'habitation ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Herbert Maisl, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat de Mlle X et de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la ville de Lyon,

- les conclusions de M. Terry Olson, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mlle X avait invoqué devant la cour, à l'appui de son recours incident, un moyen tiré de ce que la ville de Lyon avait commis une faute lourde en n'assurant pas l'entretien des galeries souterraines dont l'effondrement est à l'origine des désordres qui ont affecté sa villa ; que la cour n'a pas répondu à ce moyen ; que, par suite, l'arrêt attaqué doit être annulé ;

Considérant qu'en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu, pour le Conseil d'Etat, de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que de fortes précipitations survenues en mars et avril 1983 ont provoqué un affaissement de terrain lié à la présence d'anciennes galeries souterraines et ont entraîné le déchaussement du pied de l'un des piliers confortant le mur de soutènement de la villa appartenant à Mlle X, située 40, rue Joséphin Soulary à Lyon ; qu'en raison du danger ainsi créé pour les maisons d'habitation situées en contrebas, le maire de Lyon a mis en demeure Mlle X de faire procéder à des travaux de consolidation de la villa ou à sa démolition ; que Mlle X n'ayant pas fait les travaux demandés, la ville de Lyon a fait procéder d'abord aux travaux de consolidation puis à la démolition de la villa aux frais du propriétaire ; que, cependant, par jugement en date du 22 mars 1990, devenu définitif à la suite du rejet de l'appel formé contre ce jugement par la ville de Lyon, le tribunal administratif de Lyon a déchargé Mlle X de l'obligation de payer la somme de 271 320,27 F représentant les frais de démolition et les frais d'expertise ; que Mlle X a en outre demandé à la ville de Lyon de lui verser une indemnité en réparation du préjudice que lui avait causé la démolition de sa villa ; qu'à la suite du rejet implicite de cette demande, elle a saisi le tribunal administratif de Lyon d'une demande tendant à ce que la ville de Lyon soit condamnée à lui verser une indemnité de 1 014 201 F ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a condamné la ville de Lyon à verser à Mlle X une indemnité d'un montant de 688 867 F (105 017,10 euros) assortie des intérêts et des intérêts des intérêts ;

Sur la recevabilité de la demande présentée par Mlle X devant le tribunal administratif :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la demande d'indemnisation adressée par Mlle X à la ville de Lyon, et que celle-ci a implicitement rejetée, doit être regardée comme couvrant l'ensemble des chefs de préjudice invoqués dans la demande que l'intéressée a ensuite formée devant le tribunal administratif de Lyon ; qu'ainsi et en tout état de cause la ville de Lyon n'est pas fondée à soutenir que cette demande serait partiellement irrecevable faute de liaison du contentieux ;

En ce qui concerne les travaux réalisés aux frais de Mlle X avant la démolition de la villa :

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'eu égard à l'imminence de l'effondrement de la villa de Mlle X, effondrement provoqué, comme il a été dit, par une cause extérieure à l'immeuble, le maire de Lyon a pris, sur le fondement des articles L. 131-2 et L. 131-7 du code des communes, alors applicables, les mesures de sécurité exigées par les circonstances ; que l'ensemble des travaux entrepris en application de ces mesures avaient un intérêt collectif ; que la ville de Lyon devait ainsi en supporter la charge ; qu'il suit de là qu'elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges l'ont condamnée à verser à Mlle X une somme de 138 867 F correspondant aux travaux de confortement exécutés aux frais de Mlle X en décembre 1983 et janvier 1984 à titre de mesures conservatoires, dans le souci d'assurer la protection des riverains et du public et avant que l'aggravation des désordres n'impose de démolir la villa ;

En ce qui concerne la valeur vénale de la villa :

Considérant en premier lieu qu'il résulte de l'instruction que les désordres qui ont affecté la villa de Mlle X sont imputables à un accident naturel résultant de la pluviométrie exceptionnelle de mars, avril et mai 1983, qui a provoqué, par des infiltrations d'eau dans d'anciennes galeries souterraines, un affaissement de terrain ; que ces désordres, qui n'ont cessé de s'aggraver, imposaient la démolition de la villa ; que si Mlle X a subi un préjudice anormal et spécial correspondant au coût de la démolition de sa villa dans l'intérêt de la sécurité des riverains et du public, préjudice dont elle a obtenu réparation dans une autre instance, elle n'est pas fondée à demander à la ville de Lyon la réparation du préjudice correspondant à la perte de cette villa, laquelle est entièrement imputable à un accident naturel et non au fait de la ville ;

Considérant en deuxième lieu que Mlle X n'ayant pas la qualité de tiers par rapport aux travaux de démolition de l'immeuble dont elle est propriétaire et occupante, ne peut utilement invoquer la responsabilité sans faute de la ville de Lyon en raison de l'exécution de ces travaux publics ;

Considérant enfin que si Mlle X invoque pour la première fois en appel, par la voie du recours incident, la faute lourde que la ville de Lyon aurait commise en n'assurant pas l'entretien des galeries souterraines dont l'effondrement est à l'origine des désordres qui ont affecté sa villa et qui ont finalement imposé sa démolition, ce moyen est fondé sur une cause juridique distincte de celle à laquelle se rattachent les moyens de la demande qu'elle a présentée devant le tribunal administratif et qui sont uniquement fondés sur la responsabilité sans faute de la commune ; que la ville de Lyon est par suite fondée à soutenir que ce moyen est irrecevable ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la ville de Lyon est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon l'a condamnée à verser à Mlle X une indemnité de 550 000 F correspondant à la perte de sa villa et que les conclusions de cette dernière, présentées par la voie du recours incident, tendant à ce que cette indemnité soit augmentée ne peuvent qu'être rejetées ;

En ce qui concerne les travaux de remise en état du terrain après démolition de la villa :

Considérant qu'à l'appui de ses conclusions tendant à la condamnation de la ville de Lyon à lui verser une indemnité de 145 334 F correspondant aux frais de remise en état de son terrain après démolition de la villa, Mlle X se borne à produire deux factures, d'ailleurs d'un montant nettement inférieur à la somme demandée, correspondant à des frais de jardinage et de travaux paysagers ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que ces dépenses aient été rendues nécessaires par les travaux de démolition de la villa ; que Mlle X n'est par suite pas fondée à soutenir, par la voie du recours incident, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté de telles conclusions ;

Sur les intérêts des intérêts :

Considérant que Mlle X a demandé en appel la capitalisation des intérêts le 18 mars 1998 ; qu'à cette date les intérêts étaient dus pour au moins une année entière ; qu'il y a lieu, dès lors, de faire droit à cette demande, conformément à l'article 1154 du code civil, tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que la ville de Lyon, qui n'est pas, dans la présente affaire, la partie perdante, soit condamnée à payer à Mlle X la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de condamner Mlle X à payer à la ville de Lyon la somme que celle-ci demande au même titre tant en appel qu'en cassation ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon en date du 5 octobre 2000 est annulé.

Article 2 : La somme de 688 867 F (105 017,10 euros) que la ville de Lyon a été condamnée à payer à Mlle X par le jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 3 décembre 1996 est ramenée à 138 867 F (21 170,14 euros). Les intérêts de cette somme, calculés et capitalisés comme le prévoit l'article 2 du jugement, échus à la date du 18 mars 1998, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront eux-mêmes capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêt.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 3 décembre 1996 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mlle X et du recours incident qu'elle a présenté devant la cour administrative d'appel de Lyon est rejeté.

Article 5 : Le surplus de la requête d'appel de la ville de Lyon et le pourvoi incident qu'elle a présenté devant le Conseil d'Etat sont rejetés.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mlle Geneviève X, à la ville de Lyon et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 5eme et 4eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 227914
Date de la décision : 15/07/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 15 jui. 2004, n° 227914
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Robineau
Rapporteur ?: M. Herbert Maisl
Rapporteur public ?: M. Olson
Avocat(s) : SCP BACHELLIER, POTIER DE LA VARDE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:227914.20040715
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