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11/04/2005 | FRANCE | N°257778

France | France, Conseil d'État, 9eme sous-section jugeant seule, 11 avril 2005, 257778


Vu la requête, enregistrée le 17 juin 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Jean-Pierre X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a rejeté sa demande du 17 février 2003 tendant à obtenir le bénéfice d'une bonification d'ancienneté d'un an par enfant prévue par le b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, ensemble l'arrêté du 29 juillet 2002 lui attribuant sa pension ;

2°) d'enjo

indre au ministre de modifier, dans un délai de deux mois, les bases de liqui...

Vu la requête, enregistrée le 17 juin 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Jean-Pierre X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a rejeté sa demande du 17 février 2003 tendant à obtenir le bénéfice d'une bonification d'ancienneté d'un an par enfant prévue par le b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, ensemble l'arrêté du 29 juillet 2002 lui attribuant sa pension ;

2°) d'enjoindre au ministre de modifier, dans un délai de deux mois, les bases de liquidation de sa pension en tenant compte de cette bonification, de la revaloriser rétroactivement et de lui verser ces sommes assorties des intérêts au taux légal à compter du 17 février 2003, capitalisés au 17 février 2004 ;

3°) subsidiairement, de condamner l'Etat à réparer d'une part, le préjudice résultant pour lui de la privation du supplément de pension auquel il était en droit de prétendre depuis l'entrée en jouissance de sa pension par l'allocation d'un capital, augmenté des intérêts de droit à compter de sa demande et de leur capitalisation et, d'autre part, le préjudice résultant de la perte de supplément de pension pour l'avenir jusqu'à l'extinction de sa pension par l'allocation d'une rente ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le Traité de Rome instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne ;

Vu le Traité sur l'Union européenne et les protocoles qui y sont annexés ;

Vu l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble le premier protocole additionnel à cette convention, notamment son article 1er ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu la loi n° 2003-775 du 21 août 2003, notamment son article 48 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Emmanuelle Cortot, Auditeur,

- les observations de la SCP Tiffreau, avocat de M. X,

- les conclusions de M. Laurent Vallée, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne : 1. Chaque Etat membre assure l'application du principe d'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. / 2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique : a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ; b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail ; que les pensions servies par le régime français de retraite des fonctionnaires entrent dans le champ d'application de ces stipulations ; que nonobstant les stipulations de l'article 6, paragraphe 3, de l'accord annexé au protocole n° 14 sur la politique sociale, joint au traité sur l'Union européenne, le principe d'égalité des rémunérations s'oppose à ce qu'une bonification , pour le calcul d'une pension de retraite, accordée aux personnes qui ont assuré l'éducation de leurs enfants, soit réservé aux femmes, alors que les hommes ayant assuré l'éducation de leurs enfants seraient exclus du bénéfice de cette mesure ;

Considérant que le b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite institue, pour le calcul de la pension, une bonification d'ancienneté d'un an par enfant dont il réserve le bénéfice aux femmes fonctionnaires ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'une telle disposition est incompatible avec le principe de l'égalité des rémunérations tel qu'il est affirmé par le traité instituant la Communauté européenne et par l'accord annexé au protocole n° 14 sur la politique sociale joint au traité sur l'Union européenne ; qu'il suit de là que la décision par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a refusé à M. X le bénéfice de la bonification d'ancienneté prévue par ce texte, alors même qu'il aurait assuré l'éducation de ses trois enfants, est entachée d'illégalité ; que, dès lors, M. X est fondé à demander pour ce motif l'annulation de la décision attaquée ;

Considérant que M. X demande qu'il soit ordonné au ministre compétent de le faire bénéficier de la bonification d'ancienneté prévue au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ainsi que de revaloriser en conséquence la pension qui lui a été concédée à compter de l'entrée en jouissance initiale ; qu'il demande également que ces sommes soient assorties des intérêts au taux légal à compter du 17 février 2003, capitalisés au 17 février 2004 ;

Considérant que le contentieux des pensions civiles et militaires de retraite est un contentieux de pleine juridiction ; qu'il appartient, dès lors, au juge saisi de se prononcer lui-même sur les droits des intéressé, sauf à renvoyer à l'administration compétente, et sous son autorité, le règlement de tel aspect du litige dans des conditions précises qu'il lui appartient de fixer ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté que M. X, qui a assuré la charge de ses trois enfants, en a assuré l'éducation ; que dans la mesure où sont maintenues des dispositions plus favorables aux fonctionnaires de sexe féminin ayant assuré l'éducation de leurs enfants, en ce qui concerne la bonification d'ancienneté retenue pour le calcul de la pension civile de retraite, M. X a droit, ainsi qu'il est dit plus haut, au bénéfice de la bonification prévue au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; qu'il y a lieu, dès lors, de prescrire au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de modifier, dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, les conditions dans lesquelles la pension de M. X lui a été concédée ;

Considérant que M. X a droit aux intérêts des sommes correspondant à la revalorisation rétroactive de sa pension à compter du 17 février 2003, date de réception de sa demande par l'administration, jusqu'à la date de révision de cette pension ;

Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article 1154 du code civil, d'accorder à M. X la capitalisation des intérêts au 17 février 2004, alors que les intérêts étaient dus pour au moins une année entière ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 750 euros que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : La décision implicite par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a refusé de réviser la pension de retraite concédée à M. X afin que lui soit accordé le bénéfice de la bonification d'ancienneté d'un an par enfant est annulée.

Article 2 : Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie modifiera, dans le délai de deux mois suivant la notification de la présente décision, les conditions dans lesquelles la pension de M. X lui a été concédée et revalorisera rétroactivement cette pension.

Article 3 : Les sommes dues à M. X porteront intérêt à compter du 17 février 2003. Les intérêts échus à la date du 17 février 2004 seront capitalisés à cette date pour porter eux-mêmes intérêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. X une somme de 750 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Pierre X, au ministre de la défense et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 9eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 257778
Date de la décision : 11/04/2005
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Publications
Proposition de citation : CE, 11 avr. 2005, n° 257778
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. de Vulpillières
Rapporteur ?: Mlle Emmanuelle Cortot
Rapporteur public ?: M. Vallée
Avocat(s) : SCP TIFFREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:257778.20050411
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