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14/11/2005 | FRANCE | N°254313

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 14 novembre 2005, 254313


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 février et 19 juin 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme Philippe X, demeurant ... ; M. et Mme X demandent que le Conseil d'Etat :

1°) annule l'ordonnance du 30 septembre 2002 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté leur demande tendant à la réformation du jugement du 21 mars 2002 du tribunal administratif de Caen rejetant partiellement leur demande de réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de co

ntribution sociale généralisée et de contribution pour le rembourseme...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 février et 19 juin 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme Philippe X, demeurant ... ; M. et Mme X demandent que le Conseil d'Etat :

1°) annule l'ordonnance du 30 septembre 2002 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté leur demande tendant à la réformation du jugement du 21 mars 2002 du tribunal administratif de Caen rejetant partiellement leur demande de réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution sociale généralisée et de contribution pour le remboursement de la dette sociale auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1994 et 1995 ;

2°) mette à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Yves Salesse, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. et Mme X,

- les conclusions de Mlle Célia Verot, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-11 du code de justice administrative : Lorsque le président du tribunal administratif constate que la minute d'un jugement ou d'une ordonnance est entachée d'une erreur ou d'une omission matérielle, il peut y apporter, par ordonnance rendue dans le délai d'un mois à compter de la notification aux parties, les corrections que la raison commande. La notification de l'ordonnance rectificative rouvre le délai d'appel contre le jugement ou l'ordonnance ainsi corrigé. ;

Considérant que la correction d'une erreur matérielle effectuée sur le fondement de ces dispositions ne conduit à différer le point de départ du délai d'appel que dans la mesure où cette correction, soit par elle-même, soit de façon indivisible avec d'autres parties du jugement ou de l'ordonnance qui en fait l'objet, a une incidence sur la portée qui était la leur initialement ;

Considérant que, par un jugement en date du 21 mars 2002, notifié à M. et Mme X le 19 avril 2002, le tribunal administratif de Caen a partiellement accueilli la demande des requérants tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à leur charge au titre des années 1994 et 1995 ; que, par une ordonnance du 29 avril 2002, prise dans le délai d'un mois prévu par l'article R. 741-11 précité et notifiée le 6 mai 2002, le président du tribunal administratif a rectifié pour erreur matérielle les motifs et le dispositif du jugement du 21 mars 2002 pour ce qui est de la seule année 1995 ; que, par une requête enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Nantes le 2 juillet 2002, M. et Mme X ont formé appel contre le jugement du tribunal administratif ainsi modifié ; que si la correction opérée par le premier juge ne permettait pas de différer le point de départ du délai pour interjeter appel du jugement en ce qui concerne la contestation afférente à l'année 1994, il en va différemment s'agissant de l'année 1995 ; qu'il suit de là qu'en jugeant que l'appel introduit était tardif dans l'intégralité de ses conclusions, sans limiter cette irrecevabilité à l'année 1994 , le président de la cour administrative d'appel de Nantes a entaché son ordonnance d'une erreur de droit ; que M. et Mme X sont donc fondés à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée en tant qu'elle concerne l'imposition supplémentaire mise à leur charge au titre de l'année 1995 et les pénalités y afférentes ;

Considérant que dans les circonstances de l'espèce il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'au cours de l'année 1995, M. et Mme X ont occupé un hôtel particulier que la société anonyme PLCP, dont ils étaient respectivement président directeur général et secrétaire général, avait pris à bail ; que cette société a inscrit en comptabilité un avantage en nature au profit de M. et Mme X d'un montant de 150 000 F ; que l'administration, qui a estimé à 53 % le taux d'utilisation à des fins professionnelles de l'hôtel, a jugé sous-évalué le montant de 150 000 F en estimant qu'il était inférieur à 47 % du loyer acquitté et qu'en outre la société avait supporté des frais correspondant d'une part, à des charges locatives et, d'autre part, à différentes dépenses d'aménagement et de décoration ; qu'ayant regardé la prise en charge de ces frais comme un avantage occulte, l'administration a procédé à l'imposition de cet avantage au titre de revenu distribué en application du c de l'article 111 du code général des impôts ; que M. et Mme X demandent que, en ce qui concerne les frais correspondant aux charges locatives, s'élevant à 148 850 F H.T. (22 692,04 euros) en 1995, l'avantage dont ils ont bénéficié qui, selon eux, n'avait pas de caractère occulte, soit imposé dans la catégorie des traitements et salaires ; qu'en conséquence leur soit accordée une décharge partielle des droits et des pénalités auxquels ils ont été assujettis au titre de la prise en charge par la société anonyme PLCP des charges locatives et qu'enfin, le jugement du tribunal administratif de Caen du 21 mars 2002 rectifié par l'ordonnance du 29 avril 2002 soit réformé en ce qu'il a de contraire ;

Sur le bien-fondé de l'imposition litigieuse :

Considérant qu'aux termes de l'article 54 bis du code général des impôts : Les contribuables visés à l'article 53 A... doivent obligatoirement inscrire en comptabilité, sous une forme explicite, la nature et la valeur des avantages en nature accordés à leur personnel ; qu'aux termes de l'article 111 du même code : Sont notamment considérés comme revenus distribués... c) les rémunérations et avantages occultes ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une société qui comptabilise les avantages en nature accordés à son personnel de façon explicite, respecte les dispositions précitées de l'article 54 bis, alors même que ces avantages auraient été inscrits pour une valeur inférieure à leur valeur réelle ;

Considérant que l'avantage en nature inscrit en comptabilité par la société anonyme PLCP ainsi qu'il a été dit au titre de la mise à disposition de l'hôtel particulier doit être regardé comme incluant, dans son principe, non seulement la prise en charge du loyer mais aussi celle des charges locatives ; que, s'il est constant que le montant de 150 000 F retenu par la société était sous-évalué et, notamment, ne tenait pas compte de celui de charges s'élevant à 148 850 F HT, il résulte de ce qui précède que l'administration ne pouvait regarder comme occulte l'avantage résultant, pour M. et Mme X, de la prise en charge par la société de cette somme ; que dès lors cette dernière devait être réintégrée dans la base d'imposition de M. et Mme X au titre de traitements et salaires et non de revenus distribués ; qu'ainsi, M. et Mme X sont fondés à demander la décharge des droits auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 1995 correspondant à la différence entre le montant de l'imposition de la somme de 148 850 F HT dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et le montant de leur imposition dans la catégorie des traitements et salaires ; qu'il y a lieu de réformer le jugement du tribunal administratif de Caen en ce qu'il a de contraire ;

Sur les pénalités :

Considérant que M. et Mme X, associés majoritaires et dirigeants de la société anonyme PLCP, ne pouvaient ignorer la sous-évaluation de l'avantage que leur consentait cette société ; que leur intention d'éluder l'impôt pour des montants importants doit être regardée comme établie par l'administration ; que dès lors M. et Mme X sont seulement fondés à demander que la majoration pour mauvaise foi soit calculée sur le montant des droits résultant de la présente décision ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros que demandent M. et Mme X au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 30 septembre 2002 du président de la cour administrative d'appel de Nantes est annulée.

Article 2 : M. et Mme X sont déchargés de la différence entre le montant de l'imposition de la somme de 148 850 F HT au titre de l'année 1995 dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et celui de l'imposition de cette somme dans la catégorie des traitements et salaires ainsi que de la différence de pénalité qui en résulte.

Article 3 : Le jugement du 21 mars 2002 du tribunal administratif de Caen est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 de la présente décision.

Article 4 : L'Etat versera à M. et Mme X une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de M. et Mme X est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Philippe X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 254313
Date de la décision : 14/11/2005
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-01-07-06 PROCÉDURE. INTRODUCTION DE L'INSTANCE. DÉLAIS. RÉOUVERTURE DES DÉLAIS. - CORRECTION D'UNE ERREUR MATÉRIELLE PAR ORDONNANCE (ART. R. 741-11 DU CJA) - RÉOUVERTURE DU DÉLAI D'APPEL - CONDITIONS [RJ1].

54-01-07-06 La correction d'une erreur matérielle effectuée sur le fondement des dispositions de l'article R. 741-11 du code de justice administrative ne conduit à différer le point de départ du délai d'appel que dans la mesure où cette correction, soit par elle-même, soit de façon indivisible avec d'autres parties du jugement ou de l'ordonnance qui en fait l'objet, a une incidence sur la portée qui était la leur initialement.


Références :

[RJ1]

Cf. 22 février 1999, Ministre c/ Mme Kaba, T. p. 982.


Publications
Proposition de citation : CE, 14 nov. 2005, n° 254313
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Genevois
Rapporteur ?: M. Yves Salesse
Rapporteur public ?: Mlle Verot
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:254313.20051114
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