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13/10/2006 | FRANCE | N°289105

France | France, Conseil d'État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 13 octobre 2006, 289105


Vu la requête, enregistrée le 17 janvier 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Abd El Hamid A, demeurant ... ; M. A, agissant en exécution du jugement rendu le 18 novembre 2005 par le tribunal de grande instance de Paris, demande au Conseil d'Etat :

1°) de déclarer illégal le décret du 19 avril 1979 par lequel il a été libéré de ses liens d'allégeance avec la France ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1du code de justice administrative ;

Vu les autres p

ièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de la nationalité française ;

...

Vu la requête, enregistrée le 17 janvier 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Abd El Hamid A, demeurant ... ; M. A, agissant en exécution du jugement rendu le 18 novembre 2005 par le tribunal de grande instance de Paris, demande au Conseil d'Etat :

1°) de déclarer illégal le décret du 19 avril 1979 par lequel il a été libéré de ses liens d'allégeance avec la France ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de la nationalité française ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne-Marie Artaud-Macari, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Isabelle de Silva, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par un jugement en date du 18 novembre 2005, le tribunal de grande instance de Paris a sursis à statuer dans l'instance relative à la nationalité de M. A jusqu'à ce que la juridiction compétente ait statué sur la légalité du décret du 19 avril 1979 en tant qu'il a libéré M. A de ses liens d'allégeance avec la France ;

Sur la légalité du décret du 19 avril 1979 :

Considérant qu'aux termes de l'article 91 du code de la nationalité française, dans sa rédaction alors en vigueur : « Perd la nationalité française, le Français même mineur, qui, ayant une nationalité étrangère, est autorisé, sur sa demande, par le Gouvernement français, à perdre la qualité de Français. - Cette autorisation est accordée par décret. - Le mineur doit, le cas échéant, être autorisé ou représenté dans les conditions prévues aux articles 53 et 54 » ; qu'aux termes de l'article 53 du même code : « La qualité de Français peut être réclamée à partir de dix-huit ans. - Le mineur âgé de seize ans peut également la réclamer avec l'autorisation de celui ou de ceux qui exercent à son égard l'autorité parentale » ; qu'aux termes de l'article 54 du même code : « Si l'enfant est âgé de moins de seize ans, les personnes visées à l'alinéa 2 de l'article précédent peuvent déclarer qu'elles réclament, au nom du mineur, la qualité de Français ... » ;

Considérant qu'en l'absence de prescription en disposant autrement, les conditions d'âge fixées par ces articles s'apprécient à la date de signature des décrets pris sur leur fondement ; qu'il en résulte que, si des parents peuvent formuler au nom d'un enfant mineur une demande tendant à ce que celui-ci soit libéré de ses liens d'allégeance avec la France, le décret prononçant une telle libération ne peut, toutefois, être signé, si l'intéressé a atteint l'âge de seize ans, sans qu'il ait lui-même exprimé, avec l'accord de ceux qui exercent sur lui l'autorité parentale, une demande en ce sens et, s'il a atteint l'âge de dix-huit ans, sans qu'il ait personnellement déposé une demande à cette fin ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le père du requérant a sollicité le 14 octobre 1977 l'autorisation de perdre la qualité de Français pour lui-même et ses enfants âgés de moins de seize ans ; qu'à la date du décret du 19 avril 1979, M. A, né le 17 mars 1963, était âgé de plus de seize ans ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le gouvernement ne pouvait légalement, à cette date, autoriser M. A à perdre la nationalité française qu'au vu d'une demande présentée personnellement par celui-ci avec l'autorisation de ses parents ; qu'il n'est pas contesté qu'une telle demande n'a pas été présentée par M. A ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le décret du 19 avril 1979 a méconnu les dispositions précitées, en tant qu'il a libéré M. A de ses liens d'allégeance envers la France, doit être accueilli ; qu'ainsi, M. A est fondé à demander qu'il soit, dans cette mesure, déclaré illégal ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il est déclaré que le décret du 19 avril 1979 est entaché d'illégalité en tant qu'il a libéré M. A de ses liens d'allégeance envers la France.

Article 2 : L'Etat versera à M. A une somme de 1 800 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Abd El Hamid A et au ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.


Synthèse
Formation : 2ème et 7ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 289105
Date de la décision : 13/10/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Appréciation de la légalité

Analyses

26-01-01-015 DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS. ÉTAT DES PERSONNES. NATIONALITÉ. PERTE DE LA NATIONALITÉ. - LIBÉRATION DES LIENS D'ALLÉGEANCE AVEC LA FRANCE PAR DÉCRET (ART. 91 DU CODE DE LA NATIONALITÉ FRANÇAISE) - DEMANDE PRÉSENTÉE PAR UN MINEUR DE SEIZE ANS DEVANT ÊTRE ACCOMPAGNÉE DE L'AUTORISATION PARENTALE - APPRÉCIATION DE LA CONDITION D'ÂGE - APPRÉCIATION À LA DATE DE LA SIGNATURE DU DÉCRET.

26-01-01-015 En l'absence de prescription en disposant autrement, les conditions d'âge fixées par les articles 53 et 54 du code de la nationalité française auxquels renvoie l'article 91 de ce même code relatif à la libération par décret des liens d'allégeance avec la France s'apprécient à la date de signature des décrets pris sur le fondement de ce dernier article. Il en résulte que, si des parents peuvent formuler au nom d'un enfant mineur une demande tendant à ce que celui-ci soit libéré de ses liens d'allégeance avec la France, le décret prononçant une telle libération ne peut, toutefois, être signé, si l'intéressé a atteint l'âge de seize ans, sans qu'il ait lui-même exprimé, avec l'accord de ceux qui exercent sur lui l'autorité parentale, une demande en ce sens et, s'il a atteint l'âge de dix-huit ans, sans qu'il ait personnellement déposé une demande à cette fin.


Publications
Proposition de citation : CE, 13 oct. 2006, n° 289105
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: Mme Anne-Marie Artaud-Macari
Rapporteur public ?: Mme de Silva

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:289105.20061013
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