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20/06/2007 | FRANCE | N°282030

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 20 juin 2007, 282030


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 juin et 24 octobre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le CONSEIL GENERAL DU VAL-D'OISE, dont le siège est l'Hôtel du Département à Cergy-pontoise (95011), représenté par son président en exercice ; le CONSEIL GENERAL DU VAL-D'OISE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 28 avril 2005 en tant qu'il l'a condamné à verser à la société Centraveil Diffusion la somme de 90 402,27 euros, assortie des inté

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 juin et 24 octobre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le CONSEIL GENERAL DU VAL-D'OISE, dont le siège est l'Hôtel du Département à Cergy-pontoise (95011), représenté par son président en exercice ; le CONSEIL GENERAL DU VAL-D'OISE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 28 avril 2005 en tant qu'il l'a condamné à verser à la société Centraveil Diffusion la somme de 90 402,27 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 janvier 1996, au titre de l'enrichissement sans cause né pour lui des prestations fournies par la société en juillet 1994 ;

2°) de mettre à la charge de la société Centraveil Diffusion la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alban de Nervaux, Auditeur,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat du CONSEIL GENERAL DU VAL-D'OISE,

- les conclusions de M. Didier Casas, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant qu'il ressort du dossier soumis aux juges du fond que, par contrat en date du 22 janvier 1986, le CONSEIL GENERAL DU VAL-D'OISE a chargé la société Centraveil Diffusion d'assurer la mise en place et le fonctionnement d'un service de télé-assistance en faveur des personnes âgées, isolées ou handicapées du département du Val-d'Oise ; que ce marché a pris fin à compter du 22 janvier 1994 ; qu'un nouveau marché a été conclu avec la société GTS ; que, pour assurer la transition des services de télé-assistance entre les deux prestataires, le CONSEIL GENERAL DU VAL-D'OISE a conclu, le 15 mars 1994, avec la société Centraveil Diffusion un marché négocié couvrant une période de quatre mois jusqu'au 22 mai 1994 ; que la société Centraveil Diffusion, qui a poursuivi ses prestations jusqu'au transfert définitif du service à la société GTS, le 16 août 1994, a recherché la responsabilité du CONSEIL GENERAL DU VAL-D'OISE à raison des dépenses qu'elle a supportées à ce titre et du préjudice que lui a causé l'absence de restitution de 231 transmetteurs ; que par arrêt du 28 avril 2005 la cour administrative d'appel de Paris a rejeté la demande de la société Centraveil Diffusion tendant à la condamnation du CONSEIL GENERAL DU VAL-D'OISE à l'indemniser, sur le fondement des rapports contractuels nés des marchés successifs, du préjudice que lui a causé l'absence de restitution des transmetteurs, mais a condamné le CONSEIL GENERAL DU VAL-D'OISE à indemniser la société, sur le fondement de l'enrichissement sans cause, des dépenses qu'elle a engagées au mois de juillet 1994 pour assurer la poursuite du service de télé-assistance ; que le CONSEIL GENERAL DU VAL-D'OISE se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il l'a condamné à indemniser la société Centraveil Diffusion ;

Considérant que la cour administrative d'appel de Paris a jugé que le montant des dépenses donnant droit à indemnisation de la société devait être fixé à hauteur de 90 402,27 euros, soit le prix mensuel prévu par le contrat du 15 mars 1994 pour les prestations de la société pendant la période de transition ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que ce prix correspond non seulement à la valeur de la prestation de la société pour un mois mais inclut aussi une compensation financière destinée, aux termes de l'article 6 de ce contrat, à prendre en charge une partie des amortissements non réalisés en raison du non-renouvellement du contrat avec le conseil général ; qu'en fixant le montant de l'indemnité due par le CONSEIL GENERAL DU VAL-D'OISE à la société Centraveil Diffusion, sur le fondement de l'enrichissement sans cause, à la valeur du prix mensuel prévu par le contrat du 15 mars 1994 sans rechercher, d'une part, si ce prix n'incluait pas un éventuel bénéfice, d'autre part, si la partie de ce prix qui couvre le montant des amortissements que la société Centraveil Diffusion n'a pu réaliser à raison du non-renouvellement de ce marché, correspond à des dépenses qui ont présenté un caractère utile pour le CONSEIL GENERAL DU VAL-D'OISE, la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le CONSEIL GENERAL DU VAL-D'OISE est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a statué sur sa responsabilité quasi-contractuelle ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, dans les limites de l'annulation prononcée ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le CONSEIL GENERAL DU VAL-D'OISE :

Considérant que les conclusions de la société Centraveil Diffusion dont le Conseil d'Etat est saisi, à la suite de l'annulation prononcée dans les limites qui viennent d'être indiquées, tendent à engager la responsabilité quasi-contractuelle du CONSEIL GENERAL DU VAL-D'OISE et non à l'annulation d'une décision unilatérale prise dans le cadre de l'exécution du contrat ; que ces conclusions indemnitaires sont recevables ;

Sur les conclusions de la société Centraveil Diffusion tendant à engager la responsabilité quasi-contractuelle du CONSEIL GENERAL DU VAL-D'OISE :

En ce qui concerne le principe de l'obligation :

Considérant que par le contrat qu'elle a conclu le 15 mars 1994 avec le CONSEIL GENERAL DU VAL-D'OISE, la société Centraveil Diffusion s'est engagée à assurer jusqu'au 22 mai 1994 le service de télé-assistance auprès des personnes qui restent raccordées provisoirement à son centre de veille ; qu'après cette date, la société a continué à assurer, à la demande de la collectivité publique, les prestations de télé-assistance auprès des personnes qui ne bénéficiaient pas encore d'un raccordement au système géré par la société GTS, titulaire du nouveau marché ; que, contrairement à ce que soutient le CONSEIL GENERAL DU VAL-D'OISE, bénéficiaire des prestations ainsi exécutées, les marchés successivement conclu en 1986 et 1994 ne contraignaient nullement la société à continuer à effectuer des services de télé-assistance au-delà du terme fixé au 22 mai 1994 ; que, par suite, les prestations qui ont été exécutées postérieurement au 22 mai 1994 ne sauraient être regardées comme résultant d' obligations contractuelles ; que, dès lors, la société Centraveil Diffusion est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions tendant à être indemnisée, sur le fondement de l'enrichissement procuré à la collectivité publique, des dépenses qu'elles a consenties pour continuer à intervenir auprès des bénéficiaires du service de télé-assistance ;

En ce qui concerne le quantum :

Considérant que la société Centraveil Diffusion, qui reconnaît avoir accepté de poursuivre gratuitement son intervention du 22 mai 1994 au 30 juin 1994, ne saurait utilement demander le remboursement des dépenses qu'elle a gracieusement consenties au cours de cette période ; que, dès lors, et nonobstant la circonstance que, par un courrier du 13 juillet 1994, la société a indiqué à la société GTS qu'elle entendait lui facturer directement les prestations qu'elle continuerait à effectuer à compter du mois d'août en faveur des abonnés restant raccordés à son centre de veille, la période au cours de laquelle le département est réputé s'être enrichi sans cause court du 1er juillet 1994 au 16 août 1994, date à laquelle la gestion du service a été transférée à la société GTS ;

Considérant que si la société Centraveil Diffusion demande à être indemnisée pour les prestations qu'elle a accomplies à hauteur du prix mensuel fixé pour ses services par le contrat du 15 mars 1994, il résulte de l'instruction que ce prix inclut en premier lieu, une compensation financière destinée à indemniser la société au titre des dépenses d'investissement qu'elle n'a pas amorties en raison du non-renouvellement de ce marché ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les investissements consentis par la société Centraveil Diffusion, qui n'ont pas fait l'objet d'un amortissement, présenteraient un caractère utile pour la collectivité publique à l'issue de la période au cours de laquelle la société a effectué ses prestations ; que, notamment, le matériel d'écoute présent chez les bénéficiaires du service de télé-assistance a fait l'objet, pour l'essentiel, d'une restitution à la société ; que, dès lors les amortissements qui n'ont pas été réalisés par la société ne sauraient avoir constitué un enrichissement du CONSEIL GENERAL DU VAL-D'OISE ; qu'en second lieu, il résulte également de l'instruction que le prix mensuel du service fixé par le contrat comprend une marge bénéficiaire de la société, laquelle ne saurait constituer une dépense utilement engagée au profit du département ; qu'il suit de là que le montant de l'indemnisation due par le CONSEIL GENERAL DU VAL-D'OISE au titre des dépenses utilement engagées à son profit par la société Centraveil Diffusion ne peut être fixé à hauteur du prix mensuel des prestations de cette société ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le montant des dépenses engagées par la société Centraveil Diffusion pour assurer le service transitoire doivent être évaluées, compte-tenu du nombre des abonnés restant raccordés à son centre de veille du 1er juillet 1994 au 16 août 1994 et du coût de cette prestation, à 29 383,30 euros TTC; qu'en l'absence de toute précision sur le matériel d'écoute non restitué à la société, le montant de l'indemnisation due par le CONSEIL GENERAL DU VAL-D'OISE au titre des dépenses utilement engagées à son profit par la société Centraveil peut être estimé à 30 000 euros TTC ; que la société a droit sur cette somme aux intérêts au taux légal à compter du 12 janvier 1995, date à laquelle le CONSEIL GENERAL DU VAL-D'OISE a reçu sa réclamation ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Centraveil Diffusion, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, les sommes que le CONSEIL GENERAL DU VAL-D'OISE demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 28 avril 2005 et le jugement du tribunal administratif de Versailles du 19 octobre 2000, en tant qu'il ont statué sur la demande de la société Centraveil Diffusion tendant à engager la responsabilité quasi-contractuelle du CONSEIL GENERAL DU VAL-D'OISE, sont annulés.

Article 2 : Le CONSEIL GENERAL DU VAL-D'OISE versera à la société Centraveil Diffusion la somme de 30 000 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 12 janvier 1995.

Article 3 : Le surplus des conclusions du CONSEIL GENERAL DU VAL-D'OISE et de la société Centraveil Diffusion est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au CONSEIL GENERAL DU VAL-D'OISE et à la société Centraveil Diffusion.


Synthèse
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 282030
Date de la décision : 20/06/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 20 jui. 2007, n° 282030
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin Laprade
Rapporteur public ?: M. Casas
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:282030.20070620
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