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21/11/2007 | FRANCE | N°294069

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 21 novembre 2007, 294069


Vu, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 15 juin 2006, l'ordonnance en date du 23 mai 2006 par laquelle le président du tribunal administratif de Nantes transmet au Conseil d'Etat la requête enregistrée le 24 avril 2006 présentée à ce tribunal pour M. Ibrahima A demeurant ... tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui payer 30 000 euros avec intérêts de droit à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice que lui aurait fait subir la délivrance tardive de son passeport, et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une som

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Vu, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 15 juin 2006, l'ordonnance en date du 23 mai 2006 par laquelle le président du tribunal administratif de Nantes transmet au Conseil d'Etat la requête enregistrée le 24 avril 2006 présentée à ce tribunal pour M. Ibrahima A demeurant ... tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui payer 30 000 euros avec intérêts de droit à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice que lui aurait fait subir la délivrance tardive de son passeport, et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu la requête, présentée pour M. Ibrahima A, enregistrée au tribunal administratif de Nantes le 24 avril 2006, ensemble le mémoire enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 30 août 2006, par lequel Me Dominique Foussard, avocat au Conseil d'Etat, déclare s'approprier les écritures de cette requête ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil, notamment ses articles 18 et 28 ;

Vu le décret n° 2001-185 du 26 février 2001 relatif aux conditions de délivrance et de renouvellement des passeports ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Edouard Geffray, Auditeur,

- les observations de Me Foussard, avocat de M. A,

- les conclusions de Mlle Célia Verot, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par un arrêt du 12 juillet 2001, la Cour de cassation a confirmé le jugement rendu le 16 janvier 1998 par le tribunal de grande instance de Paris selon lequel « Ibrahima A est français par filiation » ; que, par lettre du 18 janvier 2002, le procureur de la République de Paris a demandé au ministre des affaires étrangères, en application de l'article 28 du code civil, de porter la mention de la nationalité française de l'intéressé, résidant au Sénégal, sur le registre du répertoire civil ; qu'ainsi M. A, né en 1987, avait droit à la délivrance d'un passeport français conformément aux dispositions du décret du 26 février 2001 ; que pourtant, saisi de demandes de délivrance de ce document, notamment celle présentée le 15 avril 2002 par la mère de M. A exerçant l'autorité parentale au sens de l'article 8 du même décret, le consul général de France à Dakar a cru pouvoir, le 31 juillet 2002, subordonner la transcription de l'acte de naissance, avant même la délivrance d'un passeport, au dépôt de pièces destinées, non seulement à vérifier l'identité et la nationalité du demandeur conformément aux prescriptions de l'article 4 du même décret, mais, aussi, à permettre le réexamen de la reconnaissance de sa nationalité ; que la demande, à laquelle était joint l'arrêt de la Cour de cassation, devait être prise en compte par le consulat général de Dakar alors même que la mère du demandeur, résidant en France, ne s'était pas déplacée pour déposer, personnellement, la demande au consulat ; que, l'administration n'a d'ailleurs pas exigé de la mère d'Ibrahima A sa présence au consulat pour le dépôt de sa demande ; que la mère du demandeur s'est présentée ensuite pour la « remise (du passeport) au demandeur au lieu du dépôt de la demande » conformément aux dispositions de l'article 9 du décret du 26 février 2001 ; qu'après des démarches de la mère et des représentants du demandeur, notamment les 8 juin 2002, 12 novembre 2003 et 30 avril 2004, le consul général n'a délivré le passeport que le 20 octobre 2004 sur la simple présentation de deux photos d'identité et de l'arrêt de la Cour de cassation établissant la nationalité française ;

Sur le préjudice :

Considérant que le délai de plus de deux années mis, dans les circonstances de l'espèce, par l'administration pour délivrer un passeport à M. A, qui, pourtant, justifiait, dès l'origine de ses démarches, de sa nationalité française et de son identité, a présenté un caractère anormalement long ; qu'un tel délai, qui a porté atteinte à la liberté d'aller et venir du requérant et a méconnu l'autorité de la chose jugée par la Cour de cassation est constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

Considérant que si, par jugement du 14 mai 2005, le tribunal de grande instance de Paris a condamné l'Etat à payer à la mère d'Ibrahima A, encore mineur, 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison des retards dans la délivrance du certificat de nationalité française, ce jugement a, contrairement à ce que soutient le ministre des affaires étrangères, indemnisé un préjudice différent portant sur le certificat de nationalité et non sur le passeport, et sur une période antérieure à l'année 2001 alors que le présent litige n'est relatif qu'aux années 2002 à 2004 ; que la faute de l'Etat dans le retard à délivrer le passeport a causé à M. A des troubles dans les conditions d'existence et un préjudice moral dont il sera fait une juste appréciation en fixant à 20 000 euros l'indemnité à lui accorder à ce titre ;

Sur les intérêts :

Considérant que la demande d'indemnité de M. A a été reçue par l'administration le 3 octobre 2005 ; que M. A a droit, à compter de cette date, aux intérêts au taux légal de l'indemnité accordée ;

Sur la capitalisation des intérêts :

Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 22 octobre 2007 ; qu'à cette date il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;

Sur les conclusions de M. A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'Etat est condamné à payer à M. A la somme de 20 000 euros qui portera intérêts à compter du 3 octobre 2005. Les intérêts échus à la date du 22 octobre 2007 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : L'Etat versera à M. A la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Ibrahima A et au ministre des affaires étrangères et européennes.


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 294069
Date de la décision : 21/11/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 21 nov. 2007, n° 294069
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Delarue
Rapporteur public ?: Mlle Verot
Avocat(s) : FOUSSARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:294069.20071121
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