Vu le recours, enregistré le 13 juillet 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 16 mai 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, faisant droit à l'appel formé par la ville de Nîmes contre le jugement du 16 octobre 2003 du tribunal administratif de Montpellier, a, d'une part, annulé ledit jugement et, d'autre part, déchargé la ville de Nîmes de la pénalité pour absence de retenue à la source à laquelle elle a été assujettie au titre des années 1992 à 1994 ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses précédentes écritures ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signée le 27 juin 1973 entre le Royaume d'Espagne et la République française ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Vincent Daumas, Auditeur,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la ville de Nîmes,
- les conclusions de M. Laurent Olléon, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 182 B du code général des impôts : I Donnent lieu à l'application d'une retenue à la source lorsqu'ils sont payés par un débiteur qui exerce une activité en France à des personnes ou des sociétés, relevant de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, qui n'ont pas dans ce pays d'installation professionnelle permanente : / a) Les sommes versées en rémunération d'une activité déployée en France dans l'exercice de l'une des professions mentionnées à l'article 92 ; / (...) c) Les sommes payées en rémunération des prestations de toute nature fournies ou utilisées en France. / d) Les sommes, y compris les salaires, payés à compter du 1er janvier 1990, correspondant à des prestations artistiques ou sportives fournies ou utilisées en France, nonobstant les dispositions de l'article 182 A ; / II Le taux de la retenue est fixé à 33 1/3 %. / Il est ramené à 15 % pour les rémunérations visées au d du paragraphe I. / La retenue s'impute sur le montant de l'impôt sur le revenu établi dans les conditions prévues à l'article 197 A ; qu'aux termes de l'article 1768 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : Toute personne physique ou morale, toute association ou tout organisme qui s'est abstenu d'opérer les retenues de l'impôt sur le revenu prévues à l'article 1671 A ou qui, sciemment, n'a opéré que des retenues insuffisantes, est passible d'une amende égale au montant des retenues non effectuées ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la ville de Nîmes, pour l'organisation de ses ferias, a fait appel entre 1992 et 1994 à la société Tauro Iberica, résidente d'Espagne, pour la fourniture de plateaux tauromachiques comportant, notamment, les prestations réalisées par les toreros ; que l'administration fiscale a mis à la charge de la ville de Nîmes l'amende prévue à l'article 1768 du code général des impôts précité, au motif qu'elle aurait dû, en sa qualité d'organisatrice de spectacles débitrice de sommes correspondant à des prestations artistiques ou sportives fournies en France, acquitter la retenue à la source prévue au d) de l'article 182 B du code général des impôts précité ; qu'après avoir vainement réclamé contre cette pénalité, la ville de Nîmes a porté le litige devant le tribunal administratif de Montpellier qui, par jugement du 16 octobre 2003, a rejeté sa demande ; que toutefois, sur son appel, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement et l'a déchargée de l'amende litigieuse, par un arrêt en date du 16 mai 2006 contre lequel le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE se pourvoit en cassation ;
Considérant qu'après avoir relevé que les sommes versées par la ville à la société espagnole constituaient la contrepartie d'une prestation globale constituée d'un spectacle complet incluant notamment les services de toreros, sans que la ville soit liée par aucun contrat à ces derniers, la cour a pu déduire de ces circonstances non arguées de dénaturation, sans erreur de droit ni de qualification juridique, et sans entacher son arrêt de contradiction de motifs, que la ville n'était pas débitrice, au sens et pour l'application de l'article 182 B du code général des impôts, de sommes correspondant aux prestations des toreros ;
Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la convention conclue entre la France et l'Espagne le 27 juin 1973, les entreprises d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé ; qu'aux termes de l'article 17 de la même convention : 1. Nonobstant les dispositions des articles 14 et 15, les revenus que les professionnels du spectacle, tels que les artistes de théâtre, de cinéma, de la radio ou de la télévision et les musiciens, ainsi que les sportifs, retirent de leurs activités personnelles en cette qualité, sont imposables dans l'Etat contractant où ces activités sont exercées. 2. Nonobstant toute autre disposition de la présente convention, une société résidente d'un Etat contractant qui fournit dans l'autre Etat contractant les services d'une personne visée au paragraphe 1, est imposable dans cet autre Etat contractant sur les bénéfices qu'elle retire de cette prestation de services, si elle est contrôlée, directement ou indirectement, par cette personne ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'administration n'a soutenu à aucun moment que la société Tauro Iberica était contrôlée, directement ou indirectement, par les toreros dont cette dernière a rémunéré les prestations ; que par suite, la cour administrative d'appel a pu, après avoir jugé que la ville de Nîmes devait être regardée, pour l'application de l'article 182 B du code général des impôts, comme débitrice de sommes payées à la société Tauro Iberica, et relevé que cette dernière ne disposait d'aucun établissement stable en France, déduire sans erreur de droit de l'obstacle mis par les seules stipulations de l'article 7 de la convention franco-espagnole à ce que la société y fût imposée que la ville n'était pas tenue d'opérer les retenues à la source litigieuses ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ; que son recours doit, par suite, être rejeté ;
Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de ces dispositions, une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par la ville de Nîmes et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à la ville de Nîmes une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE et à la ville de Nîmes.