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26/11/2007 | FRANCE | N°289789

France | France, Conseil d'État, 8ème sous-section jugeant seule, 26 novembre 2007, 289789


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 février et 2 juin 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Bruno A, demeurant ...; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 29 novembre 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 24 juin 2003 du tribunal administratif de Versailles rejetant sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution sociale généralisée auxquelle

s il a été assujetti au titre de l'année 1995, d'autre part, à la déchar...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 février et 2 juin 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Bruno A, demeurant ...; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 29 novembre 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 24 juin 2003 du tribunal administratif de Versailles rejetant sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution sociale généralisée auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1995, d'autre part, à la décharge de ces impositions ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Eliane Chemla, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Blanc, avocat de M. A,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'EURL société de l'Yvette, qui exerce une activité de promotion immobilière, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos entre 1994 et 1996 ; qu'à la suite de cette procédure de contrôle, l'administration fiscale a relevé que, le 28 juillet 1995, la société avait vendu à des particuliers quatre lots d'un ensemble immobilier dit résidence Rougemonts des Aigrefoins, situé à Gif-sur-Yvette, pour un prix moyen au mètre carré s'établissant à 17 000 F TTC, alors que, le même jour, elle avait cédé à la SCI du 33, bis route de Chartres d'autres lots appartenant à ce même ensemble, pour un prix moyen au mètre carré de 12 000 F TTC, et considéré que la cession de ces immeubles pour un prix inférieur à leur valeur vénale présentait le caractère d'une libéralité, constitutive d'un acte anormal de gestion ; que l'administration a imposé la somme correspondant à cet avantage octroyé à la SCI entre les mains de ses associés, en tant que revenu distribué par l'EURL ; que M. A, associé de la SCI du 33, bis route de Chartres, a contesté sans succès les suppléments d'impôt sur le revenu et de contribution sociale généralisée mis à sa charge en conséquence de ce redressement au titre de l'année 1995, ainsi que les pénalités correspondantes, devant l'administration, puis le tribunal administratif de Versailles qui par jugement du 24 juin 2003 a rejeté sa demande ; que, saisie par M. A, la cour administrative d'appel du même lieu a rejeté son appel contre ce jugement, par un arrêt en date du 29 novembre 2005 contre lequel M. A se pourvoit en cassation ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A, dans le dernier état des écritures présentées devant la cour administrative d'appel, faisait valoir que, à supposer que la cession litigieuse fût intervenue à un prix inférieur à celui du marché, la contrepartie de cet avantage devait être recherché dans la circonstance que celle-ci permettait à l'EURL de présenter au Crédit du Nord des contrats de réservation représentant un chiffre d'affaires suffisant pour obtenir auprès de cet établissement bancaire le prêt nécessaire à l'achèvement de l'opération immobilière de la résidence Rougemonts des Aigrefoins ; qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour, en jugeant que le requérant n'établissait pas la réalité de la contrepartie qu'aurait représentée la circonstance que lui-même et Louis A, autre associé de la SCI, se fussent portés personnellement caution sur le crédit promoteur accordé à l'EURL par le Crédit du Nord, n'a pas répondu au moyen qui était soulevé et entaché son arrêt d'une insuffisance de motivation ; que M. A est fondé, pour ce motif et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, à en demander l'annulation ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant que l'administration a expressément indiqué, dans la notification de redressement du 17 mars 1998, qu'elle entendait fonder l'imposition en litige sur les dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts ; que par suite, le moyen tiré de ce que la base légale du redressement proposé par l'administration n'aurait pas été indiquée dans la notification de redressement adressée au contribuable manque en fait ;

Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 109 du code général des impôts : Sont considérés comme revenus distribués : 1° tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ;

Considérant que, s'il incombe à l'administration d'apporter la preuve de l'existence d'un acte anormal de gestion, la charge de la preuve est transférée au contribuable, conformément aux règles du droit commun, si celui-ci a accepté les redressements ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A n'a pas fait connaître, dans le délai de trente jours prévu par l'article R. 57-1 du livre des procédures fiscales, son désaccord avec les redressements envisagés par le vérificateur, mentionnés dans la notification de redressement rectificative du 17 mars 1998, laquelle précisait qu'elle annulait et remplaçait celle du 18 décembre 1997 ; que par suite, il ne peut obtenir par la voie contentieuse la décharge des impositions qu'il conteste qu'en apportant la preuve de l'exagération des bases retenues par l'administration ;

Considérant, en premier lieu, que M. A critique la méthode utilisée par l'administration pour évaluer la valeur vénale des immeubles objets de la transaction litigieuse, qui a consisté à appliquer à leur superficie globale le prix de vente moyen au mètre carré tiré des transactions réalisées le même jour au bénéfice de particuliers ;

Considérant, d'une part, que si M. A soutient qu'il convient de retenir, pour établir la valeur vénale des biens cédés à la SCI, des prix au mètre carré différents selon le type ou la superficie des appartements, il ne démontre pas que la méthode appliquée par l'administration aurait abouti à une exagération, dès lors, notamment, qu'il n'établit pas que le prix au mètre carré des appartements de la résidence ne varierait pas en fonction d'autres paramètres ; que si M. A fait également valoir, sans aucun commencement de justification, que la SCI du 33, bis route de Chartres a cédé ultérieurement les biens qu'elle avait achetés le 28 juillet 1995 à un prix inférieur au prix d'acquisition, cette opération ne saurait constituer, en tout état de cause, un élément sérieux de comparaison, dès lors qu'il résulte des écritures du requérant lui-même que ces cessions sont intervenues entre 1997 et 1999, soit deux à quatre ans après l'opération litigieuse ; qu'enfin, les allégations selon lesquelles le prix choisi pour référence par l'administration, tel qu'il ressortait de cessions faites au bénéfice de tiers amis, aurait été supérieur à celui correspondant à leur valeur vénale, telle qu'elle ressortirait de l'état du marché des biens immobiliers de qualité et d'environnement comparables, ne sont assorties d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

Considérant, d'autre part, que M. A invoque un calcul erroné dans la détermination, par l'administration, de la valeur vénale des appartements objets de la cession litigieuse, l'erreur tenant au fait, selon lui, que le service aurait pris en compte une superficie de 961 m² de locaux d'habitation, correspondant à vingt appartements, un local commercial étant notamment, en sus, cédé à titre promotionnel, alors que l'opération aurait porté sur 906 m² répartis en dix-neuf appartements, deux locaux commerciaux étant notamment, en sus, cédés à titre promotionnel ; que cependant, à supposer même que l'administration ait commis l'erreur reprochée, il n'est pas établi qu'en acceptant de considérer comme une offre promotionnelle la cession d'un seul local commercial au lieu de deux, celle-ci ait exagéré la valeur vénale de l'ensemble des biens cédés ; que par ailleurs, M. A n'établit pas qu'en attribuant au local en question le même prix au mètre carré que celui qui a été retenu pour les locaux d'habitation, l'administration aurait entaché son évaluation d'inexactitude ;

Considérant, en second lieu, que M. A fait valoir, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, qu'à supposer que la cession à la SCI ait été effectuée à un prix préférentiel, l'avantage ainsi consenti trouve une contrepartie dans la circonstance que cette cession permettait à l'EURL de présenter au Crédit du Nord des contrats de réservation représentant un chiffre d'affaires suffisant pour obtenir auprès de cet établissement bancaire le prêt nécessaire à l'achèvement de l'opération immobilière de la résidence Rougemonts des Aigrefoins ; qu'il produit, à l'appui de ses allégations, un courrier du Crédit du Nord en date du 26 décembre 1994 d'où il résulte que l'octroi de ce crédit était subordonné notamment à la confirmation de réservations pour un montant de 5 816 000 F, alors qu'à la date de la cession litigieuse, l'EURL n'avait vendu des lots que pour un montant de 2 830 000 F ; que cependant, dès lors que la cession litigieuse à la SCI a porté sur la totalité des lots restant à vendre, pour un montant de plus de 12 000 000 F, alors que M. A n'établit ni même ne soutient que la SCI se serait refusée à n'acquérir que le nombre de lots nécessaires à l'obtention, par l'EURL, du financement recherché, celui-ci n'apporte pas la preuve, ainsi que le fait valoir l'administration, que cette obtention aurait constitué la contrepartie de l'avantage consenti ;

Sur les pénalités :

Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 p. 100 si la mauvaise foi de l'intéressé est établie (...) ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A était à la fois le gérant de l'EURL cédante et l'un des associés de la SCI cessionnaire, bénéficiaire à ce titre de la distribution litigieuse ; qu'il n'est pas contesté qu'il est un professionnel de l'immobilier ; qu'en outre, il résulte des écritures mêmes du requérant que celui-ci s'est porté caution du prêt contracté par la SCI du 33, bis route de Chartres pour financer l'acquisition à l'origine du litige ; que dans ces conditions, l'administration doit être regardée apporter la preuve de ce que M. A ne pouvait ignorer le caractère anormalement bas du prix convenu pour la transaction litigieuse, constitutif d'une distribution de revenus sociaux, et par suite de son intention de se soustraire à l'impôt ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des suppléments d'impôt litigieux et des pénalités correspondantes ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles en date du 29 novembre 2005 est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. A devant la cour administrative d'appel de Versailles, ainsi que le surplus de celles présentées devant le Conseil d'Etat, sont rejetés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Bruno A et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.


Synthèse
Formation : 8ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 289789
Date de la décision : 26/11/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 26 nov. 2007, n° 289789
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Le Roy
Rapporteur ?: Mme Eliane Chemla
Rapporteur public ?: Mme Escaut
Avocat(s) : BLANC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:289789.20071126
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