Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 août et 17 novembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 7 juin 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête dirigée contre le jugement du tribunal administratif de Pau en date du 27 octobre 2000 rejetant ses demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution sociale généralisée auxquelles il a été assujetti au titre des années 1994 et 1995 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Brice Bohuon, Auditeur,
- les observations de la SCP Choucroy, Gadiou, Chevallier, avocat de M. Jean A,
- les conclusions de Mme Claire Landais, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A a loué par bail emphytéotique aux époux B un terrain lui appartenant situé à Soustons (Landes), sur lequel ces derniers ont édifié un bâtiment à usage de supermarché et réalisé divers travaux d'aménagement ; qu'à la suite de la résiliation judiciaire des baux de location et de l'expulsion des locataires, M. A a repris en 1994, possession du terrain et des constructions ; que, le 1er juin 1994, il a consenti à la société civile immobilière Lespinet un commodat sur le bâtiment à usage de supermarché assorti d'une convention d'occupation du terrain pour un loyer annuel déclaré de 84 000 Francs ; qu'avec l'accord du propriétaire, la société civile immobilière Lespinet a transféré immédiatement ses droits à la SA Le Mutant Sud-Ouest moyennant le paiement d'un loyer annuel de 180 000 Francs ; que l'administration a réintégré dans le revenu brut foncier de M. A, d'une part la valeur, estimée à 1 380 000 Francs, des constructions édifiées par les époux B et reprises par le bailleur en fin de bail et, d'autre part, la différence entre le « loyer » de 84 000 Francs consenti à la société civile immobilière Lespinet et le loyer de 180 000 Francs fixé pour la sous-location ; que M. A se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 7 juin 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête dirigée contre le jugement du tribunal administratif de Pau en date du 27 octobre 2000 rejetant sa demande en décharge des impositions supplémentaires auxquelles il a été assujetti au titre des années 1994 et 1995 ;
Sur la réintégration dans les revenus fonciers de la valeur des constructions reprises en fin de bail :
Considérant que la cour administrative d'appel de Bordeaux n'a pas commis d'erreur de qualification juridique en estimant que, pour reconstituer la valeur du bâtiment édifié sur le terrain de M. A, ni la méthode par comparaison, consistant à rapprocher la construction d'immeubles comparables dans la région ayant fait l'objet d'une cession, pour laquelle l'administration a recouru à des exemples nombreux et a retenu une estimation prudente, ni la méthode de capitalisation des loyers perçus en appliquant un taux de rendement de 10 à 12 % dont l'administration soutient qu'il est conforme à la moyenne observée en Aquitaine, ne pouvaient être regardées comme radicalement viciées ; qu'elle n'a pas davantage dénaturé les pièces du dossier en estimant que ces deux méthodes n'étaient pas excessivement sommaires ; que de même, si la cour administrative d'appel a admis la troisième méthode retenue par l'administration, fondée sur l'appréciation directe, alors que celle-ci ne tenait pas suffisamment compte de l'état de délabrement de l'immeuble comme en témoigne une attestation d'architecte produite par le contribuable, elle n'a pas dénaturé les pièces du dossier en estimant, en l'espèce, que l'évaluation globale opérée par l'administration, qui combine ces différentes méthodes, n'était ni radicalement viciée ni excessivement sommaire ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la cour administrative d'appel aurait dénaturé les faits du dossier soumis à son examen en jugeant que l'administration n'avait pas fait une évaluation exagérée du revenu foncier résultant de la reprise en fin de bail par M. A des constructions édifiées sur son terrain doit être écarté ;
Sur les rehaussements des revenus fonciers au titre du commodat :
Considérant toutefois qu'eu égard à la nature particulière du prêt à usage, les revenus tirés par M. A du commodat consenti à la SCI Lespinet ne peuvent être regardés comme des revenus « d'immeubles donnés en location » au sens de l'article 29 du code général des impôts, sur le fondement desquels ils ont été imposés ; qu'il appartenait à la cour administrative d'appel de relever d'office ce moyen, qui ressortait des pièces du dossier ; que dans cette mesure, son arrêt doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu de régler l'affaire au fond, dans cette mesure, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant que, dans ses dernières écritures qui ont été communiquées au requérant, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie demande que soient substituées, comme base légale des suppléments d'imposition en cause, aux dispositions de l'article 29 du code général des impôts inapplicables en l'espèce celles de l'article 30 du même code aux termes duquel « le revenu brut des immeubles ou parties d'immeuble dont le propriétaire se réserve la jouissance est constitué par le montant du loyer qu'ils pourraient produire s'ils étaient donnés en location (...) » ; qu'ainsi qu'il a été dit, pour déterminer le montant des redressements litigieux, l'administration s'est référée au loyer consenti à des conditions normales pour la sous-location de l'immeuble à la société anonyme Le Mutant Sud-Ouest ; qu'il y a lieu, dès lors que la substitution de base légale sollicitée ne prive le contribuable d'aucune garantie de procédure, d'accueillir la demande présentée par le ministre ; qu'il suit de là que M. A n'est pas fondé à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Pau a rejeté ses conclusions en décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti du fait du rehaussement de ses revenus fonciers au titre du commodat pour les années 1994 et 1995 ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux en date du 7 juin 2004 est annulé en tant qu'il statue sur les rehaussements des revenus fonciers de M. A au titre du commodat consenti pour les années 1994 et 1995.
Article 2 : Les conclusions de l'appel de M. A relatives aux rehaussements de ses revenus fonciers au titre du commodat et le surplus des conclusions de sa requête devant le Conseil d'Etat sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Jean A et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.