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18/07/2008 | FRANCE | N°310340

France | France, Conseil d'État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 18 juillet 2008, 310340


Vu la requête, enregistrée le 30 octobre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Francis A, demeurant ...; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 30 mars 2006 par laquelle le ministre des affaires étrangères a mis fin à ses fonctions de chef de cuisine de l'ambassade de France à Washington ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 747 938 euros avec intérêts de droit en raison du préjudice subi ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1

du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code d...

Vu la requête, enregistrée le 30 octobre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Francis A, demeurant ...; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 30 mars 2006 par laquelle le ministre des affaires étrangères a mis fin à ses fonctions de chef de cuisine de l'ambassade de France à Washington ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 747 938 euros avec intérêts de droit en raison du préjudice subi ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le décret du n° 67-290 du 28 mars 1967 ;

Vu le décret n° 69-697 du 18 juin 1969 ;

Vu l'arrêté interministériel du 18 juin 1969 portant application aux agents contractuels du ministère des affaires étrangères en service dans les missions diplomatiques et les postes consulaires du décret n° 69-697 du 18 juin 1969 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Chadelat, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Gaschignard, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Frédéric Lenica, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. A, de nationalité française, cuisinier en chef à l'ambassade de France à Washington jusqu'au 30 mars 2006, date à laquelle il a été licencié, se trouvait, en raison de la nature des fonctions qu'il exerçait, soumis aux dispositions du décret du 18 juin 1969 portant fixation du statut des agents contractuels de l'Etat et des établissements publics de l'Etat à caractère administratif de nationalité française en service à l'étranger et de l'arrêté interministériel du même jour portant application de ce décret aux agents contractuels du ministère des affaires étrangères en service dans les missions diplomatiques et les postes consulaires ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient le ministre des affaires étrangères et européennes, la juridiction administrative est compétente pour connaître des litiges relatifs à un tel contrat ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision du 30 mars 2006 :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant que l'ambassadeur de France aux Etats-Unis a prononcé, le 30 mars 2006, le licenciement de M. A sans préavis ni indemnités, pour fautes professionnelles graves ; qu'une telle mesure, prise en considération de la personne de l'intéressé, ne pouvait légalement intervenir sans que M. A ait été au préalable mis en mesure d'obtenir communication de son dossier et de présenter sa défense ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. A n'a pu obtenir communication de son dossier que le 26 septembre 2006 ; qu'ainsi, la décision du 30 mars 2006 est intervenue selon une procédure irrégulière et doit, par suite, être annulée ;

Sur les conclusions aux fins de réparation du préjudice subi du fait d'un licenciement irrégulier :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A a procédé, de manière répétée, à une facturation sur le budget de l'Etat d'achats de nourriture et d'heures d'extras en cuisine destinés à ses activités privées de traiteur ; que, mis en demeure par l'ambassadeur de France, en juillet 2005, de mettre un terme à ces pratiques abusives, M. A, en dépit des engagements alors par lui pris, y a de nouveau recouru de manière régulière dès le début de l'année 2006 ; que ce comportement constitue une faute grave de nature à justifier, à elle seule, le licenciement de l'intéressé, intervenu en mars 2006 ; qu'ainsi, l'illégalité procédurale dont est entaché son licenciement n'est pas de nature à lui ouvrir droit à réparation ;

Sur les conclusions aux fins d'octroi du pécule prévu à l'article 12 du décret du 18 juin 1969 :

Considérant qu'aux termes de l'article 10 du décret du 18 juin 1969 portant fixation du statut des agents contractuels de l'Etat et des établissements publics de l'Etat à caractère administratif, de nationalité française, en service à l'étranger, le contrat de l'agent peut prendre fin sans préavis et à tout moment, sur dénonciation de l'administration, en cas de licenciement par mesure disciplinaire ; que, dans ce cas, selon les articles 11 et 12 du même texte, il n'est dû à l'agent ni l'indemnité prévue à l'article 11 ni le pécule prévu à l'article 12 ;

Considérant qu'eu égard au comportement gravement fautif de M. A, qui justifie son licenciement, sa demande de versement du pécule prévu à l'article 12 précité ne peut qu'être rejetée ;

Sur l'allocation d'assurance :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 351-12 du code du travail, alors applicable, devenu l'article L. 5424-1 du même code : « Ont droit à l'allocation d'assurance dans les conditions prévues à l'article L. 351-3 / : 1°) ... Les agents non fonctionnaires de l'Etat... » ; que cette allocation est due même en cas de licenciement pour faute grave ;

Considérant que, si M. A fait valoir qu'en tant qu'agent contractuel de droit public, il est fondé à se prévaloir du bénéfice des dispositions de cet article, les éléments versés au dossier ne permettent d'apprécier ni s'il remplit les conditions prévues à l'article L. 351-3, ni le montant de l'allocation éventuellement due ; qu'il y a lieu, par suite, de renvoyer M. A devant le ministre des affaires étrangères et européennes pour être procédé, le cas échéant, à la liquidation des sommes dues au titre de l'allocation d'assurance ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision du 30 mars 2006 du ministre des affaires étrangères est annulée.

Article 2 : M. A est renvoyé devant le ministre des affaires étrangères et européennes pour qu'il soit procédé à la liquidation des sommes dues au titre de l'allocation d'assurance prévue par l'article L. 5424-1 du code du travail, assorties des intérêts à compter du 30 octobre 2007.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Francis A et au ministre des affaires étrangères et européennes.


Synthèse
Formation : 2ème et 7ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 310340
Date de la décision : 18/07/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 18 jui. 2008, n° 310340
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Daël
Rapporteur ?: Mme Catherine Chadelat
Rapporteur public ?: M. Lenica Frédéric
Avocat(s) : SCP GASCHIGNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:310340.20080718
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