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02/09/2008 | FRANCE | N°320174

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 02 septembre 2008, 320174


Vu la requête, enregistrée le 28 août 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la SARL AYTEX dont le siège social est situé 18 avenue des Ducs de Savoie à Chambéry (73000) ; la SARL AYTEX demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 0803819 du 14 août 2008 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de sa requête tendant à ce qu'il soit enjoi

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Vu la requête, enregistrée le 28 août 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la SARL AYTEX dont le siège social est situé 18 avenue des Ducs de Savoie à Chambéry (73000) ; la SARL AYTEX demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 0803819 du 14 août 2008 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de sa requête tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Savoie de réexaminer sa demande d'autorisation d'ouverture tardive de la discothèque « Le Cocktail Club », et a rejeté d'une part ses conclusions tendant à ce que lui soit délivrée une autorisation provisoire d'ouvrir la discothèque jusqu'à quatre heures du matin, et d'autre part la demande qu'elle a présentée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Savoie de réexaminer sa demande et d'accorder une autorisation provisoire d'ouvrir son établissement jusqu'à quatre heures du matin ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

la SARL AYTEX soutient que le juge des référés a, pour juger que la condition d'urgence n'était pas remplie, méconnu les dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative et procédé à une appréciation inexacte de l'impossibilité d'ouvrir son établissement jusqu'à quatre heures du matin la privant en fait de toute possibilité de l'exploiter et la conduisant à très brève échéance à une situation de cessation de paiements ; que le juge des référés ne pouvait se borner à relever que le préfet avait fait savoir, en même temps qu'il décidait de retirer sa décision implicite de rejet de sa demande d'autorisation d'ouverture tardive, qu'il réexaminerait cette demande, pour juger que ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de procéder à un tel réexamen étaient devenues sans objet ; que la décision de rejet du préfet porte une atteinte grave à la liberté du commerce et de l'industrie et au libre exercice d'une activité professionnelle, qui constituent des libertés fondamentales, et porte atteinte au principe de légalité des délits et des peines, dès lors qu'aucune raison ne lui a été fournie pour justifier le refus qui lui a été opposé ; que la décision du préfet, qui n'a pas été motivée malgré sa demande, est manifestement illégale, comme l'est l'absence de toute décision explicite depuis quatre mois ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu, enregistré le 1er septembre 2008, le mémoire en défense du ministre de l'intérieur, de l'outre mer et des collectivités territoriales ; le ministre conclut à titre principal à ce qu'il soit jugé que la requête est devenue sans objet et, subsidiairement, à son rejet ; il soutient que l'instruction de la demande de renouvellement d'ouverture tardive est en cours, que la condition d'urgence n'est pas remplie, que le non renouvellement d'une autorisation d'ouverture tardive ne saurait constituer une atteinte disproportionnée à la liberté du commerce et de l'industrie, que le préfet de la Savoie n'a pris aucune décision manifestement illégale, qu'enfin le juge des référés, qui ne peut prendre que des décisions provisoires, ne saurait accueillir les conclusions de la société requérante ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la SARL AYTEX, et d'autre part, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du mardi 2 septembre 2008 à 14h00 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Rocheteau, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la SARL AYTEX ;

- les représentants du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale.» ;

Considérant que la SARL AYTEX, qui exploite une discothèque à Chambéry, a demandé, le 24 avril 2008, le renouvellement de son autorisation d'ouvrir son établissement jusqu'à quatre heures du matin ; que, par une décision du 3 juin 2008, le préfet de la Savoie a, à la suite d'un grave incident, ordonné sa fermeture pour une durée de deux mois ; qu'une décision implicite de rejet de sa demande de renouvellement d'autorisation d'ouverture tardive étant née le 29 juin 2008, la société a demandé au préfet, le 7 juillet 2008, de lui faire connaître les motifs de son refus ; que le préfet s'est abstenu de répondre à cette demande ; que la société ayant repris l'exploitation de son établissement à compter du 4 août, sans pouvoir toutefois le maintenir ouvert au-delà d'une heure et demie du matin, heure limite d'ouverture prévue, en l'absence d'autorisation d'ouverture jusqu'à quatre heures, par le règlement permanent de police des débits de boissons dans le département de la Savoie fixé par l'arrêté préfectoral du 18 novembre 2003, elle a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble le 13 août, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une demande tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de réexaminer sa demande d'autorisation d'ouverture tardive et, dans l'attente de sa décision, de lui délivrer une telle autorisation à titre provisoire ;

En ce qui concerne les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Savoie de réexaminer la demande de la SARL AYTEX :

Considérant que, par décision du 13 août, notifiée le même jour, le préfet de la Savoie a fait savoir à la société requérante qu'il « retirait » sa décision implicite de rejet, qu'il faisait procéder à un réexamen de sa demande et qu'elle serait « très prochainement » informée des suites qu'il entendait lui réserver ;

Considérant qu'une telle décision, qui ne se prononçait pas sur la demande de la société, ne pouvait rendre sans objet les conclusions par lesquelles celle-ci demandait que fût ordonné au préfet de statuer sur sa demande ; qu'ainsi la SARL AYTEX est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a jugé que ces conclusions étaient devenues sans objet ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur ces conclusions de la SARL AYTEX ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction menée devant le Conseil d'Etat que, par courrier du 29 août 2008, le préfet de la Savoie a informé la SARL AYTEX que sa demande de renouvellement d'autorisation d'ouverture tardive faisait l'objet d'une instruction par ses services et qu'il envisageait de lui réserver une suite négative ; que, par le même courrier, le préfet a invité la SARL AYTEX à présenter sous huit jours d'éventuelles observations écrites et, le cas échéant, à prendre un rendez-vous avec ses services afin de présenter des observations orales ;

Considérant qu'il résulte de ces circonstances que, même si la SARL AYTEX fait état de difficultés financières et du risque de les voir rapidement s'aggraver si elle n'obtient pas une réponse positive à sa demande dans les meilleurs délais, la condition d'urgence, au sens et pour l'application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, ne saurait être regardée comme remplie ; qu'ainsi, les conclusions de la SARL AYTEX tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Savoie de réexaminer sa demande doivent être rejetées ;

En ce qui concerne les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Savoie de délivrer une autorisation provisoire d'ouverture de la discothèque qu'elle exploite jusqu'à quatre heures du matin :

Considérant que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a, pour rejeter les conclusions analysées ci-dessus, jugé que la condition d'urgence, au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, n'était pas remplie ;

Considérant que, à la date de la présente décision, et compte tenu de l'ensemble des circonstances rappelées ci-dessus, il n'est en tout état de cause pas justifié qu'une situation d'urgence exigerait que la mesure sollicitée par la société requérante soit prise à très bref délai ; qu'ainsi la SARL AYTEX n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la SARL AYTEX demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

O R D O N N E :

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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble du 14 août 2008 est annulée en tant qu'elle statue sur les conclusions de la SARL AYTEX tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Savoie de réexaminer sa demande de renouvellement d'autorisation d'ouverture de la discothèque qu'elle exploite jusqu'à quatre heures du matin.

Article 2 : Les conclusions de la SARL AYTEX analysées ci-dessus sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel de la SARL AYTEX est rejeté.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la SARL AYTEX et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 320174
Date de la décision : 02/09/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 02 sep. 2008, n° 320174
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Ménéménis
Rapporteur ?: M. Alain Ménéménis
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:320174.20080902
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