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17/10/2008 | FRANCE | N°291178

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 17 octobre 2008, 291178


Vu le pourvoi, enregistré le 10 mars 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Alain A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 30 mai 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a, sur le recours du ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, annulé le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 25 juin 2003 condamnant l'Etat à lui verser la somme de 417 133,44 euros à titre d'indemnisation pour l'abattage de son troupeau contaminé par l'encéphalopathi

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Vu le pourvoi, enregistré le 10 mars 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Alain A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 30 mai 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a, sur le recours du ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, annulé le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 25 juin 2003 condamnant l'Etat à lui verser la somme de 417 133,44 euros à titre d'indemnisation pour l'abattage de son troupeau contaminé par l'encéphalopathie spongiforme bovine et rejeté les conclusions indemnitaires incidentes présentées par M. A ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter le recours du ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales et de faire droit à ses conclusions incidentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code rural ;

Vu l'arrêté du 30 mars 2001 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Delion, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de M. A,

- les conclusions de M. François Séners, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par arrêté du 17 juillet 2001, le préfet de Meurthe-et-Moselle a ordonné l'abattage du troupeau de bovins appartenant à M. A, au motif d'une infection par l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) ; que, par décision du 29 octobre 2001, le préfet de Meurthe-et-Moselle a accordé à l'intéressé à la suite de l'abattage de son troupeau la somme de 2 543.766 F, soit 387 794,62 euros, à titre d'indemnisation ; que, par un jugement du 20 mai 2003, le tribunal administratif de Nancy a porté l'indemnité accordée à l'intéressé à 417 133, 44 euros ; que, par un arrêt du 30 mai 2005, contre lequel M. A se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Nancy a, sur le recours du ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, annulé le jugement du 20 mai 2003 du tribunal administratif de Nancy et rejeté les conclusions indemnitaires incidentes de M. A ;

Considérant que l'arrêt attaqué a été notifié le 4 juin 2005 à M. A ; que l'intéressé a présenté une demande d'aide juridictionnelle le 4 août 2005 ; que la décision portant refus d'attribuer cette aide a été notifiée à l'intéressé le 6 février 2006 ; que le pourvoi présenté par M. A, enregistré le 10 mars 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, a été introduit dans le délai du recours en cassation ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 221-2 du code rural : « Des arrêtés conjoints du ministre chargé de l'agriculture et du ministre chargé de l'économie et des finances fixent les conditions d'indemnisation des propriétaires dont les animaux ont été abattus sur l'ordre de l'administration, ainsi que les conditions de la participation financière éventuelle de l'Etat aux autres frais obligatoirement entraînés par l'élimination des animaux » ;

Considérant que les dispositions de l'arrêté du 30 mars 2001 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et du ministre de l'agriculture et de la pêche fixant les modalités de l'estimation des animaux abattus sur ordre de l'administration applicables à la présente demande d'indemnisation sont, dès lors qu'il s'agit d'un droit pour l'éleveur concerné , celles en vigueur à la date à laquelle s'est produit le fait générateur de la créance ; qu'en jugeant que cette date était celle de la décision précitée du 17 juillet 2001 par laquelle le préfet a prescrit l'abattage du troupeau et a, dans le même temps, constitué le droit pour l'éleveur intéressé à percevoir, après cet abattage, l'indemnité due en application de l'article L. 221-2 du code rural, la cour n'a pas commis d'erreur de droit dans l'application des règles régissant le recours de plein contentieux ;

Considérant qu'aux termes de l'arrêté du 30 mars 2001 précité, dans sa rédaction alors en vigueur: « Article 1er - Lorsqu'un troupeau fait l'objet d'un abattage total sur ordre de l'administration dans le cadre des dispositions prises pour application des articles L. 221-1 ou L. 223-8 du code rural, les animaux abattus et faisant l'objet d'une indemnisation en application de l'article L. 221-2 du code rural sont estimés aux frais de l'administration par deux experts sur la base de leur valeur de remplacement (...) / Article 3 - Le propriétaire des animaux qui doivent être abattus conformément aux dispositions de l'article 1er choisit un expert de chaque catégorie, l'un sur la liste du département d'implantation de l'élevage, l'autre sur la liste d'un département limitrophe / (...) En cas de refus par l'éleveur de choisir des experts, le directeur des services vétérinaires y procède d'office (...) / Article 4 - L'expertise a lieu, dans la mesure du possible, conjointement. Elle donne lieu à un rapport écrit commun signé par les deux experts, identifiant chaque animal ou groupe d'animaux et motivant leur estimation. En cas de désaccord, mention en est faite sur le rapport. Le cas échéant, deux rapports distincts sont établis. (...) / Article 5 - Lorsque le montant de l'expertise visée à l'article 4 est supérieur au montant de base tel que défini en annexe en moyenne par catégorie d'animaux, le rapport doit détailler les raisons de cette majoration, notamment au regard des caractéristiques et des performances du troupeau. / Lorsque, à titre exceptionnel, ce montant dépasse le montant majoré tel que défini en annexe en moyenne par catégorie d'animaux, et dans l'hypothèse où des examens complémentaires justifient le dépassement du montant majoré, ou s'il l'estime nécessaire, le directeur des services vétérinaires fait procéder à une nouvelle expertise dans les conditions prévues aux articles 3 et 4, par deux experts choisis par ses soins sur les listes prévues à l'article 2 ou, en dehors de ces listes, après avis de la directrice générale de l'alimentation (...) / Article 6 - Le préfet arrête le montant définitif de l'estimation et le notifie au propriétaire des animaux. Si, à titre très exceptionnel, ce montant dépasse le montant majoré visé à l'article 5, le préfet arrête le montant définitif de l'estimation après avis de la directrice générale de l'alimentation et au vu du rapport de l'expert et des pièces justificatives des examens visés à l'article 5» ;

Considérant qu'en estimant que les rapports d'expertise réalisés en application des dispositions de l'arrêté du 30 mars 2001 n'expliquaient pas les raisons pour lesquelles, afin de prendre en compte les caractéristiques réelles des animaux, le taux de réforme du troupeau avait été porté de 15 à 30 % et que le jugement attaqué devant elle, qui se bornait à faire référence à ces rapports sur ce point, n'était, par voie de conséquence, pas suffisamment motivé, la cour a porté une appréciation souveraine sur les pièces du dossier qui lui était soumis, qui est exempte de toute dénaturation ;

Considérant que, aux pages 9 et 10 de son mémoire en défense du 12 janvier 2005, le requérant indiquait que « certains éléments avaient été omis par les experts » et que « la valeur génétique n'avait pas été prise en compte de manière satisfaisante », et critiquait l'exclusion de certains coûts qu'il avait supportés ; que, par suite, en relevant que M. A contestait les expertises en ce qu'elles ne retenaient pas ces différents éléments dans la valeur de remplacement, la cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis ;

Considérant qu'en jugeant, après avoir rappelé les critiques portées par M. A contre l'exclusion de ces chefs de préjudice, que l'intéressé ne fournissait aucun élément permettant d'établir que son troupeau et les conditions dans lesquelles il était élevé auraient présenté des caractéristiques exceptionnelles susceptibles de justifier le dépassement des frais moyens de toute nature inclus dans les montants « de base » et « majorés » sur ces différents points, la cour n'a entaché son arrêt, sur ces points, d'aucune insuffisance de motivation ;

Considérant que le dispositif prévu par l'article L. 221-2 du code rural et l'arrêté du 30 mars 2001 a pour objet d'indemniser les propriétaires sur la base de la « valeur de remplacement » des animaux, y compris les frais de toute nature directement liés au renouvellement du cheptel ; que les dépenses supportées pour l'entretien du troupeau contaminé au cours de la période brève séparant l'expertise de l'abattage, dont M. A demande la prise en charge, doivent être réputées forfaitairement incluses dans les montants de base fixés en annexe à l'arrêté du 30 mars 2001 précité et ne peuvent dès lors justifier un complément d'indemnisation au titre de l'article L. 221-12 du code rural; qu'il appartient toutefois au propriétaire du troupeau, s'il s'y estime fondé, de demander à être indemnisé par l'Etat, selon les règles de droit commun de la responsabilité, en cas de retard anormal de la part de l'administration dans la mise en oeuvre de la mesure d'abattage ; que, par suite, la cour administrative d'appel n'a commis ni erreur de droit ni erreur de qualification juridique en refusant d'indemniser les frais d'entretien postérieurs à l'expertise sur le fondement des dispositions précitées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. A est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Alain A et au ministre de l'agriculture et de la pêche.


Synthèse
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 291178
Date de la décision : 17/10/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 17 oct. 2008, n° 291178
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: M. François Delion
Rapporteur public ?: M. Séners François
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:291178.20081017
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