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28/11/2008 | FRANCE | N°300464

France | France, Conseil d'État, 3ème sous-section jugeant seule, 28 novembre 2008, 300464


Vu le pourvoi du MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE, enregistré le 10 janvier 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 28 septembre 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a, sur renvoi du Conseil d'Etat par décision en date du 26 octobre 2005, rejeté son recours tendant à l'annulation du jugement du 11 mars 2003 du tribunal administratif de Caen annulant, à la demande de Mme A, la décision du 11 mars 2002 du directeur départemental de l'agriculture du Calvados décidant que l

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Vu le pourvoi du MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE, enregistré le 10 janvier 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 28 septembre 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a, sur renvoi du Conseil d'Etat par décision en date du 26 octobre 2005, rejeté son recours tendant à l'annulation du jugement du 11 mars 2003 du tribunal administratif de Caen annulant, à la demande de Mme A, la décision du 11 mars 2002 du directeur départemental de l'agriculture du Calvados décidant que les surfaces en céréales qu'elle a déclarées ne donneraient pas lieu à des paiements compensatoires pour l'année 2001 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le règlement CEE n° 3508/92 du 27 novembre 1992 ;

Vu le règlement CEE n° 3887/92 du 23 décembre 1992 ;

Vu le règlement CEE n° 1251/99 du 17 mai 1999 ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 janvier 1979 ;

Vu le décret n° 82-389 du 10 mai 1982 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Gueudar Delahaye, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. François Séners, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A a déposé, le 15 mai 2001, une demande d'aide compensatoire à la surface pour l'année 2001 ; que le contrôle administratif ayant donné lieu au rapport en date du 15 novembre 2001 a fait apparaître que les surfaces déterminées en céréales étaient inférieures de 6,20 ha aux surfaces déclarées, en raison d'un échange de parcelles intervenu entre Mme A et un exploitant voisin ; qu'après avoir constaté que l'écart résultant de ce contrôle était supérieur à 20 % de la surface déterminée, le préfet du Calvados a, en application de l'article 9 du règlement CEE du 23 décembre 1992, par une décision du 11 mars 2002, décidé que les surfaces en céréales déclarées ne donneraient pas lieu à des paiements compensatoires pour l'année 2001 ; que le ministre de l'agriculture et de la pêche se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 28 septembre 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel qu'il avait formé contre le jugement du 11 mars 2003 du tribunal administratif de Caen ayant annulé cette décision ;

Considérant qu'aux termes de l'article 2 du règlement (CEE) n° 1251/99 du Conseil, du 17 mai 1999, instituant un régime de soutien aux producteurs de certaines cultures arables : « 1- Les producteurs communautaires de cultures arables peuvent demander un paiement à la surface (...)/ 2- (...)/Le paiement à la surface est accordé pour la superficie qui est consacrée aux cultures arables ou mise en jachère(...) » ; qu'aux termes de l'article 6 du règlement (CEE) n° 3508/92 du Conseil, du 27 novembre 1992, établissant un système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d'aide communautaire : « 1- Pour être admis au bénéfice d'un ou plusieurs régimes communautaires soumis aux dispositions du présent règlement, chaque exploitant présente, pour chaque année, une demande d'aides ‘surfaces' (...) » ; qu'aux termes de l'article 8 du même règlement : « 1-L'Etat membre procède à un contrôle administratif des demandes d'aides (...) » ; qu'aux termes du paragraphe 2 de l'article 4 du règlement (CEE) 3887/92 de la Commission des communautés européennes du 23 décembre 1992 modifié portant modalités d'application du système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d'aides communautaires, applicable à la date de la décision litigieuse : « Après la date limite pour son introduction, la demande d'aides ‘surfaces' peut être modifiée à condition que l'autorité compétente reçoive les modifications au plus tard à la date prévue d'ensemencement (...) et que les conditions suivantes soient remplies : 1) en ce qui concerne les parcelles agricoles, les modifications ne peuvent être apportées que dans des cas particuliers dûment justifiés comme, notamment, (...) l'achat ou la vente, ou la conclusion d'un contrat de location (...) » ; qu'aux termes de l'article 5 ter du même règlement : « Sans préjudice des dispositions prévues aux articles 4, 5 et 5 bis, une demande d'aides peut être adaptée à tout moment après son introduction en cas d'erreur manifeste reconnue par l'autorité compétente » ; qu'aux termes du paragraphe 2 de l'article 9 du même règlement : « Lorsqu'il est constaté que la superficie déclarée dans une demande d'aides ‘surfaces' dépasse la superficie déterminée, le montant de l'aide est calculé sur la base de la superficie effectivement déterminée lors du contrôle./ Toutefois, sauf cas de force majeure, la superficie effectivement déterminée est diminuée de deux fois l'excédent constaté lorsque celui-ci est supérieur à 3 % ou 2 hectares et égal à 20 % au maximum de la superficie déterminée. / Au cas où l'excédent constaté est supérieur à 20 % de la superficie déterminée, aucune aide liée à la superficie n'est octroyée » ; qu'aux termes du deuxième alinéa du paragraphe 4 de l'article 9 du même règlement, dans sa rédaction en vigueur à la date des décisions litigieuses : « le calcul de la superficie maximale donnant droit aux paiements à la surface pour les producteurs de cultures arables est effectué sur la base de la superficie gelée effectivement déterminée et au prorata des différentes cultures » ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, dans le cadre du contrôle qu'elle effectue, l'administration doit déterminer la superficie ouvrant droit aux aides, en ne prenant en compte que les parcelles déclarées et exactement désignées et vérifier si ces seules parcelles ont effectivement été consacrées aux cultures arables ou au gel des terres, conformément à la déclaration de l'exploitant ; que lorsque, à l'issue de ce contrôle, la superficie déclarée est supérieure à la superficie ainsi déterminée, l'administration est fondée à appliquer les mesures prévues à l'article 9 du règlement du 23 décembre 1992, même dans le cas où cette différence proviendrait d'une erreur de l'exploitant dans la désignation des parcelles qu'il exploite et serait sans incidence sur la superficie effectivement mise en culture ou gelée, sans qu'une telle erreur ne puisse, dans cette dernière hypothèse, être regardée comme une erreur manifeste reconnue par l'autorité compétente au sens de l'article 5 ter du règlement cité ci-dessus ; qu'il résulte toutefois des dispositions précitées qu'il est loisible à l'intéressé, pour faire obstacle à l'application de ces mesures, de faire valoir que l'erreur commise dans la désignation des parcelles en cause ne lui est pas imputable mais provient d'informations reconnues par l'administration ou par un organisme professionnel désigné à cet effet ;

Considérant qu'en jugeant que les erreurs commises par Mme A dans sa déclaration, dues au défaut d'actualisation du registre parcellaire après l'échange de terres évoqué ci-dessus, devaient rester sans incidence sur le calcul de la surface déterminée pour cette catégorie d'aide à l'issue du contrôle, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit dès lors que, comme il vient d'être dit, il appartient à l'administration de ne prendre en compte que les parcelles déclarées et exactement désignées et de vérifier si ces seules parcelles ont effectivement été consacrées aux cultures arables ou au gel des terres, conformément à la déclaration de l'exploitant ; qu'ainsi, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions tendant au prononcé d'un non-lieu :

Considérant que, contrairement à ce que soutient Mme A, l'intervention de la décision du ministre de l'agriculture et de la pêche du 12 juin 2005, prise en vue d'assurer l'exécution du jugement du tribunal administratif de Caen annulant la décision du 11 mars 2002, ne rend pas sans objet le recours du ministre dirigé contre ce même jugement ;

Sur la recevabilité de la requête d'appel du ministre :

Considérant en premier lieu qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : « Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée » ; qu'il ressort des pièces du dossier que le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE a reçu notification du jugement du tribunal administratif de Caen le 24 mars 2003 ; que sa requête tendant à l'annulation de cette décision a été enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel le 26 mai 2003, soit dans le délai de recours contentieux, le 25 mai 2003 étant un dimanche ;

Considérant en deuxième lieu qu'aux termes de l'article R. 612-1 du code de justice administrative : « Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser./ Toutefois, la juridiction d'appel ou de cassation peut rejeter de telles conclusions sans demande de régularisation préalable pour les cas d'irrecevabilité tirés de la méconnaissance d'une obligation mentionnée dans la notification de la décision attaquée conformément à l'article R. 751-5 » ; que, si ces dispositions permettent au juge de rejeter une requête entachée d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte en cours d'instance sans être tenu d'inviter le requérant, dûment averti par ailleurs de la formalité exigée, à régulariser sa requête, elles n'ont ni pour objet ni pour effet de faire obstacle à ce que le requérant régularise sa requête en procédant, de sa propre initiative, avant que le juge n'ait statué, aux formalités nécessaires ; que si la requête d'appel du ministre n'était pas, initialement, accompagnée du jugement contre lequel elle était dirigée, il ressort des pièces du dossier que ce dernier a effectivement procédé à cette régularisation par lettre enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel le 30 mai 2003 ;

Considérant en dernier lieu qu'il ressort des pièces du dossier que M. , signataire de la requête d'appel, avait bien reçu délégation, par décret du 8 juillet 2002, pour signer au nom du ministre de l'agriculture tous mémoires en défense ou en demande dans le cadre des contentieux relevant de ce ministère ; que dès lors, le moyen tiré de ce que le signataire de la requête d'appel n'aurait pas eu compétence pour agir en justice au nom de l'Etat manque en fait ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les fins de non recevoir opposées par Mme A ne peuvent qu'être écartées ;

Sur la légalité de la décision attaquée :

Considérant, qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 9 du règlement communautaire du 23 décembre 1992, éclairées d'ailleurs par les considérants qui invoquent à leur propos la nécessité « d'arrêter des dispositions visant à prévenir et sanctionner de manière efficace les irrégularités et les fraudes » et de prévoir « des sanctions échelonnées selon la gravité de l'irrégularité commise », qu'elles ont pour objet non seulement de prévenir le versement de sommes qui ne seraient pas dues, mais aussi de pénaliser les auteurs de déclarations erronées ou frauduleuses ; que tel est le cas, notamment, lorsque la constatation d'un écart entre la déclaration de l'exploitant et le résultat des contrôles administratifs a pour effet de priver l'intéressé d'une part de l'aide plus que proportionnelle à cet écart ou de l'exclure pendant une certaine période du bénéfice de l'aide ; qu'une telle décision, réduisant les droits de manière plus que proportionnelle à l'écart entre les surfaces déclarées et celles effectivement éligibles ou excluant temporairement le déclarant du bénéfice de l'aide, revêt le caractère d'une sanction administrative, qui doit être motivée en vertu des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;

Considérant toutefois qu'aucune disposition de la loi du 11 juillet 1979 n'impose qu'une décision devant être motivée comporte, outre les éléments de fait et de droit qui la fondent, une référence aux observations préalablement présentées par la personne qu'elle concerne ; que dès lors, et contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, le directeur départemental de l'agriculture et des forêts du Calvados n'était pas tenu de faire référence, dans sa décision du 11 mars 2002, aux observations présentées par Mme A par courrier ; qu'en outre, cette décision, qui mentionne qu'elle est le résultat d'un contrôle administratif et rappelle que la parcelle en cause a fait l'objet d'une double revendication, est suffisamment motivée ; qu'ainsi, c'est à tort que le tribunal administratif de Caen s'est fondé, pour annuler cette décision, sur la circonstance qu'elle ne comportait aucune référence aux explications fournies par Mme Vilain ;

Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A ;

Considérant qu'aux termes de l'article 6 du décret du 10 mai 1982 relatif aux pouvoirs des préfets, en vigueur à la date de la décision attaquée : « le préfet prend les décisions dans les matières entant dans le champ des compétences des administrations civiles de l'Etat exercées à l'échelon du département » ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le préfet du Calvados n'aurait pas eu compétence pour prendre la décision attaquée, prise sur sa délégation par le directeur départemental de l'agriculture et de la forêt, ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Jean-Claude B, directeur départemental de l'agriculture et de la forêt du Calvados, signataire de la décision attaquée, a reçu par arrêté préfectoral en date du 19 février 2002, délégation de signature pour prendre, notamment, tous actes relatifs aux aides versées aux agriculteurs ; qu'ainsi le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision ne peut qu'être écarté ;

Considérant enfin qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A a fait valoir ses observations par écrit le 10 janvier 2002, à la suite du contrôle administratif dont son exploitation a fait l'objet le 15 novembre 2001 ; qu'ainsi le moyen tiré du non respect de la procédure contradictoire manque en fait ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Caen a annulé la décision du 11 mars 2002 du directeur départemental de l'agriculture du Calvados décidant que les surfaces en céréales déclarées par Mme A ne donneraient pas lieu à des paiements compensatoires pour l'année 2001 ;

Sur les conclusions présentées par Mme A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soient mises à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente affaire, les sommes que Mme A demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 28 septembre 2006 de la cour administrative d'appel de Nantes et le jugement du 11 mars 2003 du tribunal administratif de Caen sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par Mme A devant le tribunal administratif de Caen est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE et à Mme Françoise A.


Synthèse
Formation : 3ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 300464
Date de la décision : 28/11/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 28 nov. 2008, n° 300464
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Ménéménis
Rapporteur ?: M. Frédéric Gueudar Delahaye
Rapporteur public ?: M. Séners François

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:300464.20081128
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