La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/05/2009 | FRANCE | N°311082

France | France, Conseil d'État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 15 mai 2009, 311082


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 novembre 2007 et 29 février 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE COMPAGNIE DES BATEAUX MOUCHES, dont le siège est Port de la Conférence à Paris (75008), représentée par son président directeur général en exercice ; la SOCIETE COMPAGNIE DES BATEAUX MOUCHES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables sur sa demande, prése

ntée le 30 juillet 2007, tendant, d'une part, à l'abrogation de l'arrêté du 2...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 novembre 2007 et 29 février 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE COMPAGNIE DES BATEAUX MOUCHES, dont le siège est Port de la Conférence à Paris (75008), représentée par son président directeur général en exercice ; la SOCIETE COMPAGNIE DES BATEAUX MOUCHES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables sur sa demande, présentée le 30 juillet 2007, tendant, d'une part, à l'abrogation de l'arrêté du 20 décembre 2006 modifiant l'arrêté du 2 septembre 1970 modifié relatif à la sécurité des bateaux à passagers non soumis à la réglementation maritime, d'autre part, à la réparation du préjudice subi ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables d'abroger cet arrêté, sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;

3°) de condamner l'Etat à payer une indemnité s'élevant à 124 975 euros au jour de la requête en réparation du préjudice subi avec les intérêts de droit et capitalisation des intérêts ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 73-912 du 21 septembre 1973 portant règlement général de police de la navigation intérieure ;

Vu le décret n° 91-731 du 23 juillet 1991 relatif à l'équipage et à la conduite des bateaux circulant ou stationnant sur les eaux intérieures ;

Vu le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du gouvernement ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Constance Rivière, Auditeur,

- les observations de Me Spinosi, avocat de la SOCIÉTÉ COMPAGNIE DES BATEAUX MOUCHES,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public,

- la parole ayant à nouveau été donnée à Me Spinosi, avocat de la SOCIÉTÉ COMPAGNIE DES BATEAUX MOUCHES ;

Sur la légalité externe de l'arrêté :

Considérant que M. Pierre-Alain A, directeur des transports maritimes, routiers et fluviaux, dont la nomination était intervenue par décret du 26 août 2005, régulièrement publié au journal officiel de la République française du 27 août 2005, bénéficiait lorsqu'il a pris l'arrêté attaqué de la délégation du ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer accordée par le 1° de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 aux directeurs d'administration centrale pour signer l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité ; que, par suite, le moyen tiré de ce que M. A ne justifierait pas d'une délégation de signature régulière doit être écarté ;

Sur la légalité interne de l'arrêté :

Considérant que l'arrêté dont l'abrogation est demandée modifie l'arrêté du 2 septembre 1970 relatif à la sécurité des bateaux non soumis à la réglementation maritime en prévoyant que le nombre minimal de membres d'équipage obligatoire pour ces bateaux ne sera plus fonction du nombre maximal de passagers admis à bord mais de la capacité maximale du bateau ; qu'il a notamment pour effet d'exiger la présence à bord de quatre membres d'équipage, dont un capitaine, un mécanicien et deux matelots, pour tous les bateaux dont la capacité d'accueil est comprise entre six cent et mille passagers, quel que soit le nombre de passagers effectivement à bord lors d'une traversée, alors qu'un seul matelot est requis pour les embarcations de capacité inférieure ;

Considérant, en premier lieu, que si le décret du 2 septembre 1970 relatif à la sécurité des bateaux à passagers non soumis à la réglementation de la navigation maritime, qui renvoyait à un arrêté du ministre chargé des travaux publics le soin d'édicter les dispositions techniques nécessaires a été abrogé par un décret du 2 août 2007, cette circonstance n'a pas pour effet de priver de fondement juridique l'arrêté attaqué qui est également pris pour l'application du décret du 23 juillet 1991 relatif à l'équipage et à la conduite des bateaux circulant sur les eaux intérieures ;

Considérant, en deuxième lieu, que dès lors que l'exercice de pouvoirs de police administrative est susceptible d'affecter des activités de production, de distribution ou de services, la circonstance que les mesures de police ont pour objectif la protection de l'ordre public n'exonère pas l'autorité investie de ces pouvoirs de police de l'obligation de prendre en compte également la liberté du commerce et de l'industrie et les règles de concurrence ; qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir d'apprécier la légalité de ces mesures de police administrative en recherchant si elles ont été prises compte tenu de l'ensemble de ces objectifs et de ces règles et si elles en ont fait, en les combinant, une exacte application ; qu'en prescrivant, dans un objectif d'amélioration de la sécurité des passagers, de calculer l'effectif minimal de l'équipage en fonction de la capacité maximale du bateau, l'arrêté attaqué prévoit des mesures nécessaires et proportionnées dès lors que, d'une part, l'objectif de sécurité des passagers suppose de prendre en compte, pour la détermination de la composition de l'équipage exigée, non seulement le nombre de passagers présents à bord ou susceptibles de l'être, mais aussi la taille, le tonnage et la manoeuvrabilité du bateau et que, d'autre part, l'exigence d'un nombre de matelots variable selon le nombre de passagers admis à bord des bateaux ne permettait pas un contrôle effectif de la mise en oeuvre, par les compagnies, de la réglementation relative à l'équipage des bateaux de croisière navigant sur la Seine ;

Considérant, en troisième lieu, que s'il ressort des pièces du dossier, et qu'il n'est pas contesté, que la société requérante est la seule compagnie organisant des croisières sur la Seine à posséder des bateaux ayant une capacité d'accueil supérieure à six cents passagers, cette seule circonstance ne suffit pas pour permettre de considérer que les mesures de police édictées par l'arrêté attaqué porteraient atteinte aux règles de la concurrence ou méconnaîtraient le principe d'égalité, dès lors que la mesure adoptée repose, au regard de sa finalité, sur des critères objectifs au regard desquels elle revêt un caractère proportionné ;

Considérant, en quatrième lieu, que le moyen tiré de la violation du droit communautaire n'est, en tout état de cause, pas assorti des précisions suffisantes pour permettre au juge d'en apprécier le bien-fondé ;

Considérant enfin que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande tendant à l'abrogation de l'arrêté du 20 décembre 2006 ; qu'en l'absence de toute faute engageant la responsabilité de l'Etat, la société requérante n'est par conséquent pas fondée à demander la réparation du préjudice qu'elle allègue avoir subi ; que ses conclusions indemnitaires ne peuvent par suite qu'être rejetées ; que ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et ses conclusions aux fins d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être également rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la SOCIETE COMPAGNIE DES BATEAUX MOUCHES est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE COMPAGNIE DES BATEAUX MOUCHES et au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Formation : 2ème et 7ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 311082
Date de la décision : 15/05/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

POLICE ADMINISTRATIVE - POLICES SPÉCIALES - POLICE DES COURS D'EAU NON DOMANIAUX - TRANSPORTS FLUVIAUX - ARRÊTÉ RELATIF À LA SÉCURITÉ DES BATEAUX À PASSAGERS NON SOUMIS À LA RÉGLEMENTATION MARITIME - LIBERTÉ DU COMMERCE ET DE L'INDUSTRIE ET LIBRE CONCURRENCE [RJ1] - MÉCONNAISSANCE - ABSENCE - CIRCONSTANCE SANS INCIDENCE - APPLICATION DE LA RÉGLEMENTATION À UNE SEULE COMPAGNIE DE CROISIÈRES FLUVIALES SUR LA SEINE.

49-05-07 Arrêté du ministre chargé de l'écologie du 20 décembre 2006 relatif à la sécurité des bateaux à passagers non soumis à la réglementation maritime. Cet arrêté a pu légalement prévoir de calculer l'effectif minimal de l'équipage en fonction de la capacité maximale du bateau et non plus du nombre maximal de passagers admis à bord. Cette réglementation de police prévoit en effet des mesures nécessaires et proportionnées à l'objectif de sécurité, sans porter atteinte aux règles de la concurrence ou à la liberté du commerce et de l'industrie. La circonstance qu'une seule compagnie organisant des croisières sur la Seine possède des bateaux ayant une capacité d'accueil supérieure à six cents passagers ne suffit pas pour permettre de considérer que cette réglementation porterait, par elle-même, atteinte au principe d'égalité au regard des critères objectifs retenus.

TRANSPORTS - TRANSPORTS FLUVIAUX - ARRÊTÉ RELATIF À LA SÉCURITÉ DES BATEAUX À PASSAGERS NON SOUMIS À LA RÉGLEMENTATION MARITIME - LIBERTÉ DU COMMERCE ET DE L'INDUSTRIE ET LIBRE CONCURRENCE [RJ1] - MÉCONNAISSANCE - ABSENCE - CIRCONSTANCE SANS INCIDENCE - APPLICATION DE LA RÉGLEMENTATION À UNE SEULE COMPAGNIE DE CROISIÈRES FLUVIALES SUR LA SEINE.

65-04 Arrêté du ministre chargé de l'écologie du 20 décembre 2006 relatif à la sécurité des bateaux à passagers non soumis à la réglementation maritime. Cet arrêté a pu légalement prévoir de calculer l'effectif minimal de l'équipage en fonction de la capacité maximale du bateau et non plus du nombre maximal de passagers admis à bord. Cette réglementation de police prévoit en effet des mesures nécessaires et proportionnées à l'objectif de sécurité, sans porter atteinte aux règles de la concurrence ou à la liberté du commerce et de l'industrie. La circonstance qu'une seule compagnie organisant des croisières sur la Seine possède des bateaux ayant une capacité d'accueil supérieure à six cents passagers ne suffit pas pour permettre de considérer que cette réglementation porterait, par elle-même, atteinte au principe d'égalité au regard des critères objectifs retenus.


Références :

[RJ1]

Cf., s'agissant du respect nécessaire de ces principes par une mesure de police, 22 novembre 2000, Société L et P Publicité SARL, n° 223645, p. 525.


Publications
Proposition de citation : CE, 15 mai. 2009, n° 311082
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: Mme Constance Rivière
Rapporteur public ?: Mme Bourgeois-Machureau Béatrice
Avocat(s) : SPINOSI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:311082.20090515
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award