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03/06/2009 | FRANCE | N°319103

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 03 juin 2009, 319103


Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés les 1er août 2008 et 18 août 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le GROUPEMENT D'INTERET PUBLIC- CARTE DU PROFESSIONNEL DE SANTE, dont le siège est 8 bis rue de Châteaudun à Paris (75009) ; le GROUPEMENT D'INTERET PUBLIC- CARTE DU PROFESSIONNEL DE SANTE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 17 juillet 2008 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, a annulé,

à la demande du groupement d'entreprises Axalto et Imprimerie Nationa...

Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés les 1er août 2008 et 18 août 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le GROUPEMENT D'INTERET PUBLIC- CARTE DU PROFESSIONNEL DE SANTE, dont le siège est 8 bis rue de Châteaudun à Paris (75009) ; le GROUPEMENT D'INTERET PUBLIC- CARTE DU PROFESSIONNEL DE SANTE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 17 juillet 2008 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, a annulé, à la demande du groupement d'entreprises Axalto et Imprimerie Nationale, la procédure de passation du marché de prestations en vue de la réalisation de la carte de professionnel de santé ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif de Paris ;

3°) de mettre la somme de 6 000 euros à la charge de la société Axalto et de l'imprimerie nationale en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive n° 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil de l'Union Européenne ;

Vu le règlement n° 1564/2005 de la Commission ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 ;

Vu l'arrêté du 28 janvier 1993 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Agnès Fontana, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat du GROUPEMENT D'INTERET PUBLIC- CARTE DU PROFESSIONNEL DE SANTE et de la SCP Boulloche, avocat de la société Axalto et de la société Imprimerie Nationale SA,

- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Peignot, Garreau, avocat du GROUPEMENT D'INTERET PUBLIC- CARTE DU PROFESSIONNEL DE SANTE et à la SCP Boulloche, avocat de la société Axalto et de la société Imprimerie Nationale ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics, des marchés mentionnés au 2° de l'article 24 de l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics (...) Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par ce manquement, ainsi que le représentant de l'Etat dans le département dans le cas où le contrat est conclu ou doit être conclu par une collectivité territoriale ou un établissement public local. (...) Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte. Il peut également annuler ces décisions et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. Dès qu'il est saisi, il peut enjoindre de différer la signature du contrat jusqu'au terme de la procédure et pour une durée maximum de vingt jours (...) ; qu'en application de ces dispositions, il appartient au juge des référés précontractuels de rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le GROUPEMENT D'INTERET PUBLIC- CARTE DU PROFESSIONNEL DE SANTE a, par deux avis parus au bulletin officiel des annonces des marchés publics le 11 octobre 2007 et au Journal officiel de l'Union européenne le 13 octobre 2007, fait appel à la concurrence en vue de confier à un prestataire, au terme d'une procédure de dialogue compétitif, la réalisation de masques informatiques, ainsi que la fourniture, la personnalisation, l'édition et l'expédition de cartes à puces destinés aux professionnels de santé ; que six entreprises ou groupements ont présenté une candidature ; que cinq candidatures ont été retenues ; que trois offres initiales ont été déposées dans le délai imparti ; que le dialogue s'est alors engagé sur lesdites offres ; que le groupement constitué par la société Axalto et par la société Imprimerie nationale, qui a participé à l'ensemble des phases du dialogue, s'est vu notifier, par un courrier du 25 juin 2008, le rejet de son offre, classée deuxième ; que le groupement a alors introduit, auprès du juge des référés du tribunal administratif de Paris, une demande en référé précontractuel enregistrée le 4 juillet 2008 ; qu'après avoir, par ordonnance du même jour, enjoint au groupement d'intérêt public de surseoir à la signature du marché, le juge des référés a, par l'ordonnance attaquée du 17 juillet 2008, annulé la procédure ;

Sur la compétence du juge des référés précontractuels du tribunal administratif :

Considérant que le GROUPEMENT D'INTERET PUBLIC - CARTE DU PROFESSIONNEL DE SANTE a été créé par un arrêté du 28 janvier 1993, modifié par un arrêté du 2 mai 2006 ;

Considérant que sont soumis aux dispositions de l'ordonnance du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics, aux termes de l'article 3 de cette ordonnance, les marchés conclus par les organismes de droit public autres que ceux soumis au code des marchés publics dotés de la personnalité juridique et qui ont été créés pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel et commercial dont a) soit l'activité est financée majoritairement par un pouvoir adjudicateur soumis au code des marchés publics ou à la présente ordonnance ; que tel est le cas du GROUPEMENT D'INTERET PUBLIC - CARTE DU PROFESSIONNEL DE SANTE constitué entre l'Etat, les ordres professionnels des professions médicales, les régimes d'assurance maladie obligatoires et facultatifs, le service de santé des armées, le centre national des professions de santé et un syndicat de médecins ; que l'article 24 de la même ordonnance prévoit que l'article L. 551-1 du code de justice administrative est applicable lorsque les marchés régis par ses dispositions sont des contrats administratifs ; qu'aux termes de l'article 4 du cahier des clauses administratives particulières, le marché ici en cause est soumis au cahier des clauses administratives générales relatif à la propriété intellectuelle ; que ce renvoi doit être regardé comme introduisant dans le contrat des clauses exorbitantes du droit commun ; qu'il en résulte que le contrat présente un caractère administratif ; qu'il relève dès lors de la compétence du juge des référés précontractuels ; que ce juge est, dans une telle hypothèse, compétent pour sanctionner les éventuels manquements de la personne publique à ses obligations de publicité et de mise en concurrence découlant de l'ordonnance du 6 juin 2005 ou des directives communautaires portant coordination des procédures de marchés publics ainsi que des autres règles qui s'imposent à la collectivité au terme des dispositions législatives et règlementaires ;

Considérant qu'en l'espèce, si l'article L. 124-4 du code de la sécurité sociale dispose que les travaux, les fournitures, les prestations intellectuelles et les services pour le compte des organismes de droit privé jouissant de la personnalité civile assurant en tout ou partie la gestion d'un régime légalement obligatoire d'assurance contre la maladie, la maternité, la vieillesse, l'invalidité, le décès, le veuvage, les accidents du travail et les maladies professionnelles ou de prestations familiales, ainsi que des unions ou fédérations desdits organismes, font l'objet de marchés dont le mode de passation et les conditions d'exécution respectent les garanties prévues en matière de marchés de l'Etat , cet article ne s'appliquait pas au GIP - CARTE DU PROFESSIONNEL DE SANTE ; que l'arrêté du 4 octobre 2005 portant réglementation sur les marchés des organismes de sécurité sociale, pris pour l'application de l'article L. 124-4 du code de la sécurité sociale, n'a pu légalement inclure dans son champ d'application les groupements d'intérêt économique et groupements d'intérêt public lorsque ces derniers sont financés majoritairement par des organismes relevant de la sphère sécurité sociale ; que si la loi de financement de la sécurité sociale pour l'exercice 2008 a complété l'article 124-4 précité du code de la sécurité sociale pour étendre son application aux groupements d'intérêt public et aux groupements d'intérêt économique financés majoritairement par un ou plusieurs organismes mentionnés au premier alinéa , ces dispositions n'étaient pas applicables à la date de la parution au bulletin officiel des annonces des marchés publics de l'avis d'appel à la concurrence relatif au marché litigieux, soit le 11 octobre 2007 ; que la circonstance que le GIP ait entendu se soumettre volontairement à certaines dispositions du code des marchés publics est sans incidence sur la compétence du juge des référés précontractuels pour sanctionner d'éventuels manquements à ces règles ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant qu'en annulant la procédure au motif que le groupement d'intérêt public n'avait pas rempli la rubrique options du formulaire d'avis de marché résultant du règlement européen 1564/2005 du 7 septembre 2005, alors qu'aux termes de l'article 5.1. du cahier des clauses administratives particulières reproduits par l'article 4 du règlement de consultation, le groupement d'intérêt public se réservait la possibilité de conclure avec le prestataire un marché ayant pour objet des prestations similaires en application de l'article 35-II-6 du code des marchés publics, et que ce nouveau marché devait être regardé comme une option au sens de la directive 2004/17 du 31 mars 2004 portant coordination des procédures relatives aux marchés publics, sans rechercher si ce manquement du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence, eu égard à sa portée et au stade de la procédure auquel il se rapportait, avait lésé le groupement Axalto-Imprimerie Nationale ou était susceptible de le léser, le juge des référés a commis une erreur de droit ;

Considérant que l'ordonnance n'étant fondée sur aucun autre motif permettant d'en justifier la légalité, il y a lieu de l'annuler ;

Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;

Considérant en premier lieu que si le groupement Axalto-Imprimerie nationale soutient que le pouvoir adjudicateur aurait omis de renseigner les rubriques II.1.3) et II.1.4) de l'avis relatives à l'accord-cadre, alors que le marché, à bons de commandes, relevait de cette rubrique, qu'il avait de même négligé de renseigner la rubrique IV.3.8) relative aux modalités d'ouverture des offres, qu'il avait également omis de remplir la rubrique II.1.2) en ce qui concerne le lieu d'exécution des prestations et le code nomenclature d'unités territoriales statistiques (NUTS) , que la rubrique relative aux options n'avait pas été remplie alors que le marché portant sur des prestations similaires que le groupement d'intérêt public se proposait de conclure le cas échéant avec le prestataire constituait une option, que les informations relatives à la durée du marché étaient contradictoires, que le pouvoir adjudicateur a encore négligé de renseigner la rubrique IV.3.5. relative à la date à laquelle les candidats retenus seraient invités à participer aux séances de négociation, il n'apporte aucun élément de nature à faire regarder ces manquements, à les supposer établis, comme l'ayant lésé ou ayant été susceptibles de le léser ; qu'il y a lieu dès lors d'écarter ces moyens ;

Considérant en deuxième lieu que le groupement Axalto-Imprimerie Nationale soutient que le groupement d'intérêt public aurait méconnu, d'une part l'article 10 du code des marchés publics en tant qu'il fait obligation au pouvoir adjudicateur de décomposer le marché en plusieurs lots, d'autre part les articles 45 et 52 du même code en tant qu'ils contraignent la personne publique à fixer, dans l'appel d'offre, des niveaux minimaux de capacités technique, professionnelle et financière exigés des candidats ; qu'ainsi qu'il a été dit, aucun texte législatif ou réglementaire n'avait pour effet de soumettre le marché dont s'agit au code des marchés publics ; qu'il en résulte que les moyens susmentionnés sont inopérants et doivent dès lors être écartés ;

Considérant en troisième lieu qu'il résulte de l'instruction que le groupement d'intérêt public a renseigné la rubrique VI.4.3) de l'avis relative à l'autorité compétente pour fournir des informations sur les recours ; que d'une part, contrairement à ce que soutiennent les sociétés Axalto et Imprimerie nationale, la mention du greffe du tribunal administratif de Paris constituait à cet égard une information valable ; que d'autre part, l'utilisation de cette rubrique dispensait la personne publique de remplir la rubrique relative aux délais de recours, sans que la mention ultérieure, sur le courrier de notification du rejet de l'offre des requérantes, d'un délai de dix jours pour introduire un recours précontractuel, ne puisse constituer un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence qui s'imposaient au GIP ; que les sociétés requérantes n'indiquent au demeurant pas en quoi un tel manquement les aurait lésées ou était susceptible de les léser ;

Considérant en quatrième lieu qu'il résulte de l'instruction que le groupement d'intérêt public avait fait connaître dans l'avis, d'une part son intention de ne pas recourir à une procédure se déroulant en phases successives afin de réduire progressivement le nombre des solutions à discuter ou des offres à négocier, d'autre part son engagement de verser à chaque candidat ayant participé à l'ensemble des phases du dialogue une prime de 10 000 euros ; que contrairement à ce que soutient le groupement Axalto-imprimerie nationale, ces mentions n'apparaissent pas contradictoires, dès lors qu'il n'apparaît pas que le groupement d'intérêt public ait eu l'intention d'éliminer des candidats en cours de dialogue ni qu'il en ait effectivement écarté ; que le versement de la prime était destiné à récompenser les sociétés ayant fait le choix de poursuivre jusqu'à leur terme les négociations ; qu'il résulte de ce qui précède que le moyen doit être écarté ;

Considérant enfin qu'il résulte de l'instruction que les informations relatives aux unités d'oeuvre doivent être regardées comme suffisamment précises ; que le groupement d'intérêt public a en outre fourni de nombreuses précisions à l'ensemble des candidats ; que tous les candidats ont été à cet égard placés dans la même situation ; que le groupement Axalto-imprimerie nationale n'est ainsi pas fondé à soutenir que les informations relatives aux unités d'oeuvres étaient insuffisamment précises et qu'il en résultait une inégalité de traitement entre les candidats ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter la demande en référé pré-contractuel introduite par les sociétés Axalto et Imprimerie Nationale ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions susmentionnées font obstacle à ce que la somme de 6 000 euros demandée par les sociétés Axalto et Imprimerie Nationale soit mise à la charge du GROUPEMENT D'INTERET PUBLIC- CARTE DU PROFESSIONNEL DE SANTE ; qu'il y a lieu en revanche, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de chacune de ces deux sociétés une somme de 1 500 euros qui sera versée au groupement d'intérêt public au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du 17 juillet 2008 du juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Paris est annulée.

Article 2 : La demande en référé précontractuel des sociétés Axalto et Imprimerie Nationale est rejetée.

Article 3 : Les sociétés Axalto et Imprimerie Nationale verseront chacune au GROUPEMENT D'INTERET PUBLIC - CARTE DU PROFESSIONNEL DE SANTE une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au GROUPEMENT D'INTERET PUBLIC- CARTE DU PROFESSIONNEL DE SANTE, à la société Axalto et à la société Imprimerie Nationale.


Synthèse
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 319103
Date de la décision : 03/06/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 03 jui. 2009, n° 319103
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: Mme Agnès Fontana
Rapporteur public ?: M. Dacosta Bertrand
Avocat(s) : SCP BOULLOCHE ; SCP PEIGNOT, GARREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:319103.20090603
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