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23/06/2009 | FRANCE | N°327988

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 23 juin 2009, 327988


Vu la requête, enregistrée le 14 mai 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Hugues A demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner à l'État, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de lui verser à titre de provision indemnitaire la somme de 48 674,96 euros correspondant au montant des salaires dont il est privé depuis le 1er octobre 2008 ;

2°) à défaut, d'ordonner à l'État, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de lui verse

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Vu la requête, enregistrée le 14 mai 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Hugues A demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner à l'État, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de lui verser à titre de provision indemnitaire la somme de 48 674,96 euros correspondant au montant des salaires dont il est privé depuis le 1er octobre 2008 ;

2°) à défaut, d'ordonner à l'État, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de lui verser la somme de 48 288,10 euros, à titre de provision à valoir sur le montant de l'indemnité destinée à réparer le préjudice qu'il estime avoir subi du fait de la perte de salaires dont il est privé depuis le 1er octobre 2008 ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient à titre principal que, magistrat de l'ordre judiciaire, il a été placé en position de disponibilité du 1er octobre 2002 au 1er octobre 2008 ; que, à compter du 1er octobre 2008, il devait être placé en position régulière et avait le droit de percevoir son traitement ; que l'obligation qui incombe ainsi à l'État n'est pas sérieusement contestable ; qu'en vertu des dispositions des articles 68 et 71 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, l'administration a l'obligation de réintégrer un magistrat dans un emploi de son grade à l'expiration de la période de disponibilité ; que cette réintégration est immédiate et s'effectue sans condition de vacance de poste ; que le magistrat ainsi réintégré a droit à son traitement à compter du jour d'expiration de sa période de disponibilité, sans que l'absence de service fait puisse lui être opposée ; que, dans ces circonstances, la créance correspondant au montant des traitements n'est pas sérieusement contestable ; que, magistrat de l'ordre judiciaire, il a été placé en position de disponibilité jusqu'au 1er octobre 2008, date à compter de laquelle il devait être placé en position régulière et avait le droit de percevoir son traitement ; que le montant des salaires non versés pour les mois d'octobre 2008 à mai 2009 s'élève à 48 674,96 euros ;

il soutient à titre subsidiaire, que l'administration a commis une faute en ne le réintégrant pas à l'expiration de la période de disponibilité ; que le retard de l'administration dans la régularisation de sa situation administrative est fautif ; qu'il a droit à l'octroi d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de la privation de revenus depuis la date à laquelle la réintégration aurait dû intervenir ; que cette indemnité doit être calculée en prenant en compte le traitement net ainsi que l'indemnité de fonctions des magistrats de l'ordre judiciaire ; que cette créance n'est pas contestable ; qu'elle s'élève à 48 288,10 euros ;

Vu, enregistré le 15 juin 2009, le mémoire en défense présenté par le Garde des sceaux, ministre de la justice, qui conclut au rejet de la requête ; le ministre soutient que la responsabilité de l'État pour faute ne saurait être engagée ; qu'il ne conteste pas que M. A devait être réintégré à l'issue de sa période de disponibilité, le 1er octobre 2008 ; que cette réintégration ne pouvait s'effectuer que dans les conditions prévues par l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, qui prévoit notamment l'avis du Conseil supérieur de la magistrature ; que celui-ci a rendu un avis négatif sur la nomination au seul poste auquel M. A souhaitait être nommé ; que M. A s'est abstenu de formuler d'autres choix et a refusé les autres propositions de postes qui lui ont été faites ; que son comportement est seul à l'origine du retard pris dans sa réintégration ; que, en tout état de cause, le comportement de M. A est constitutif d'une faute qui exonère totalement l'État de sa responsabilité ; que ce comportement, qui manifeste une opposition du requérant à son droit à réintégration, est insusceptible de lui ouvrir le bénéfice de la jurisprudence selon laquelle le magistrat a droit à son traitement à compter du jour d'expiration de son détachement ; que les conditions ouvrant le droit à l'allocation d'une indemnité au requérant ne sont pas remplies ; à titre subsidiaire, si la responsabilité de l'État était engagée, que le requérant n'est pas fondé à demander le versement de traitements dont il allègue avoir été indûment privé ; que, si un préjudice devait être retenu, la règle du service fait s'appliquerait ;

Vu, le mémoire en réplique, enregistré le 18 juin 2009, présenté pour M. A qui reprend les conclusions de sa requête ; il reprend les mêmes moyens et soutient en outre que le comportement de M. A n'est pas fautif alors que la Chancellerie est décidée à ne pas le réintégrer ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État ;

Vu le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'Etat et à certaines modalités de mise à disposition et de cessation définitive de fonctions ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part M. A et d'autre part, le garde des Sceaux, ministre de la justice ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du vendredi 19 juin 2009 à 10h30, au cours de laquelle a été entendu Me Hazan, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat représentant le requérant ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable ; et qu'aux termes de l'article 71 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature : à l'expiration de la période de disponibilité... le magistrat est réintégré dans un emploi de son grade... Le magistrat qui refuse le poste offert dans les conditions précitées est nommé d'office à un autre poste équivalent de son grade ; s'il refuse celui-ci, il est admis à cesser ses fonctions et, s'il y a lieu, à faire valoir ses droits à la retraite ;

Considérant que parmi les règles fondamentales de son statut, figure le droit d'un magistrat à être nommé dans un emploi vacant de son grade ; que le magistrat régulièrement placé sur sa demande, en position de disponibilité n'a pas rompu le lien qui l'unit au corps judiciaire et a donc droit, à l'issue de cette disponibilité, - ainsi d'ailleurs que l'admet le garde des Sceaux - à y être réintégré et pourvu d'un emploi par des mesures conformes aux articles 71 et 72 de l'ordonnance précitée ;

Considérant que M. Hugues A, magistrat du parquet du premier grade, a été détaché auprès de la société de développement régional de Languedoc-Roussillon jusqu'en décembre 2001 ; que, nommé substitut du procureur près la cour d'appel de Poitiers par un décret du 28 juin 2002, il a été placé en disponibilité pour convenances personnelles pour trois ans à compter du 1er octobre 2002 par un décret du 7 novembre 2002, puis de nouveau placé en disponibilité pour convenances personnelles pour la même durée à compter du 1er octobre 2005 par un décret du 25 août 2005 ; que sa disponibilité venait à expiration le 1er octobre 2008 ; qu'il a formulé le 22 février 2008 le souhait d'être nommé avocat général près la cour d'appel de Montpellier à un poste qui n'était pas équivalent de son grade ; que l'administration lui a ensuite proposé des postes équivalent de son grade sans prendre aucune autre initiative, pour les postes dans les cours d'appel de Colmar, Riom ou Nevers après son refus du 12 décembre 2008 et pour le poste de vice-procureur près la cour d'appel de Montpellier après l'avis négatif du Conseil supérieur de la magistrature le 19 février 2009, qu'une nouvelle proposition de trois autres postes ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A devait se voir proposer un poste équivalent de son grade avant la fin de sa disponibilité et, après son premier refus, être nommé d'office sur un autre poste ; qu'en l'absence de service fait, il est fondé à demander à l'Etat la réparation du préjudice qu'il a réellement subi du fait des retards à le réintégrer dans un poste de son grade ; qu'il n'est pas contesté que la rémunération nette que M. A aurait perçue s'il avait été réintégré n'aurait pas été inférieure à 48 000 euros ; que M. A est fondé à se prévaloir, pour la période du 1er octobre 2008 à la date de la présente décision, d'une créance non sérieusement contestable de ce montant ; qu'il y a lieu en conséquence de condamner l'Etat à lui verser une provision égale à cette somme ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

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Article 1er : L'Etat versera à M. Hugues A une provision de 48 000 euros à valoir sur l'indemnité qui lui sera allouée pour la période du 1er octobre 2008 à sa réintégration effective.

Article 2 : La somme de 4 000 euros demandée par M. Hugues A au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative est mise à la charge de l'Etat.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Hugues A et au garde des Sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 327988
Date de la décision : 23/06/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 23 jui. 2009, n° 327988
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: M. Christian Vigouroux
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:327988.20090623
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