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03/07/2009 | FRANCE | N°298433

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 03 juillet 2009, 298433


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 octobre 2006 et 29 janvier 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Hélène A, domiciliée ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 22 juin 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel qu'elle a interjeté du jugement du 18 décembre 2003 du tribunal administratif de Rennes rejetant sa demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels elle a été assujettie au ti

tre de l'année 1997 ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) de met...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 octobre 2006 et 29 janvier 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Hélène A, domiciliée ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 22 juin 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel qu'elle a interjeté du jugement du 18 décembre 2003 du tribunal administratif de Rennes rejetant sa demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 1997 ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Egerszegi, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de Mme NOËL,

- les conclusions de M. Edouard Geffray, Rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de Mme A ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A a acquis, le 2 mai 1980, le droit au bail d'un local situé à Saint-Malo, dans lequel elle exerçait, en tant qu'entrepreneur individuel, une activité d'antiquaire ; que par acte du 3 octobre 1988, elle a acquis la propriété de l'immeuble dans lequel était situé ce local ; qu'ayant décidé de cesser son activité, Mme A a consenti, le 3 juillet 1997, un bail commercial à la SNC Tyfo exerçant une activité de vente de produits importés, qui prévoyait le versement d'un loyer annuel de 60 000 francs et d'une indemnité de 400 000 francs qualifiée, dans le contrat, de droit d'entrée ; que l'administration fiscale a estimé que cette indemnité constituait un supplément de loyer imposable dans la catégorie des revenus fonciers et non, comme le soutenait Mme A, une plus-value professionnelle, exonérée en application des dispositions de l'article 151 septies du code général des impôts ; que Mme A se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 22 juin 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, confirmant le jugement du tribunal administratif de Rennes du 18 décembre 2003, a rejeté sa requête tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu, de contribution sociale généralisée et de contribution au remboursement de la dette sociale qui lui ont été assignés au titre de l'année 1997, en conséquence du redressement effectué par l'administration ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant qu'un contribuable qui a acquis un droit au bail afin d'exploiter une entreprise individuelle dans un local, est en droit, s'il acquiert ensuite la propriété de ce local et décide de conserver ce bien dans son patrimoine privé, de maintenir à l'actif de son entreprise le droit au bail précédemment acquis ; que, par suite, en jugeant que Mme A n'avait pu céder en 1997 à la société Tyfo le droit au bail acquis en 1980, au motif que ce droit au bail se serait éteint en 1988 par confusion des droits locatifs et de propriété sur la tête de la même personne, alors même que l'intéressée avait inscrit le droit au bail à l'actif de son entreprise individuelle et maintenu dans son patrimoine privé l'immeuble dont elle était devenu propriétaire en 1988, la cour a commis une erreur de droit ; que dès lors Mme NOËL est fondée à demander l'annulation de l'arrêt du 22 juin 2006 ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Considérant que le droit d'entrée perçu par le bailleur doit être en principe regardé comme un supplément de loyer ; qu'il ne peut en aller autrement que si, dans les circonstances particulières de l'espèce, il apparaît, d'une part, que le loyer n'est pas anormalement bas et, d'autre part, que le droit d'entrée constitue la contrepartie d'une dépréciation du patrimoine du bailleur ou de la cession d'un élément d'actif ; que la seule circonstance que le bail commercial se traduise, pour le preneur, par la création d'un élément d'actif nouveau, compte tenu du droit au renouvellement du bail que celui-ci acquiert, ne suffit pas pour caractériser une dépréciation du patrimoine du bailleur ou une cession d'actif de sa part ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, le contrat de bail commercial conclu par Mme A avec la société Tyfo doit être regardé comme ayant, d'une part, concédé la jouissance des locaux pris à bail contre le versement d'un loyer, et d'autre part procédé à la cession, au profit du preneur, du droit au bail inscrit à l'actif professionnel de Mme A, contre le versement du droit d'entrée litigieux ; que dès lors, l'administration fiscale, qui ne soutient pas que le droit d'entrée versé par la société Tyfo à Mme A viendrait compenser, pour tout ou partie, un loyer anormalement bas, ne pouvait imposer celui-ci comme un supplément de loyer, dans la catégorie des revenus fonciers, mais devait y voir le prix de la cession d'un élément d'actif, devant être soumis, à ce titre, au régime d'imposition des plus-values à long terme ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A est fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 18 décembre 2003, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu, de contribution sociale généralisée et de contribution au remboursement de la dette sociale qui lui ont été assignés au titre de l'année 1997 et à demander que soit prononcée cette décharge ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de cet article et de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme A d'une somme de 3 000 euros ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 22 juin 2006 et le jugement du tribunal administratif de Rennes du 18 décembre 2003 sont annulés.

Article 2 : Mme NOËL est déchargée des suppléments d'impôt sur le revenu, de contribution sociale généralisée et de contribution au remboursement de la dette sociale qui lui ont été assignés au titre de l'année 1997.

Article 3 : L'Etat versera à Mme A la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Hélène A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.


Synthèse
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 298433
Date de la décision : 03/07/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - RÈGLES GÉNÉRALES - QUESTIONS COMMUNES - REVENUS IMPOSABLES - BAIL COMMERCIAL - DROIT D'ENTRÉE PERÇU PAR LE BAILLEUR - PRINCIPE - SUPPLÉMENT DE LOYER - EXCEPTION - CONDITIONS.

19-04-01-01 Si le droit d'entrée perçu par le bailleur doit être en principe regardé comme un supplément de loyer, il en va autrement si dans les circonstances de l'espèce il apparaît d'une part que le loyer n'est pas anormalement bas et d'autre part que le droit d'entrée constitue la contrepartie d'une dépréciation du patrimoine du bailleur ou de la cession d'un élément d'actif.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES - REVENUS PROFESSIONNELS - QUESTIONS COMMUNES - BAIL COMMERCIAL - DROIT AU BAIL - POSSIBILITÉ DE MAINTIEN - EN CAS D'ACQUISITION DES LOCAUX PAR LE LOCATAIRE À TITRE PRIVÉ - À L'ACTIF DE SON ENTREPRISE INDIVIDUELLE - EXISTENCE [RJ1].

19-04-02 Un contribuable qui a acquis un droit au bail afin d'exploiter une entreprise individuelle dans un local est en droit s'il acquiert ensuite la propriété de ce local et décide de conserver ce bien dans son patrimoine privé, de maintenir à l'actif de son entreprise le droit au bail précédemment acquis.


Références :

[RJ1]

Cf. 8 juillet 1998, Meissonnier, n° 164657, T. pp. 843-874.


Publications
Proposition de citation : CE, 03 jui. 2009, n° 298433
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: Mme Anne Egerszegi
Rapporteur public ?: M. Geffray Edouard
Avocat(s) : SCP VIER, BARTHELEMY, MATUCHANSKY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:298433.20090703
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