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08/07/2009 | FRANCE | N°295948

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 08 juillet 2009, 295948


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 juillet et 28 novembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 18 mai 2006 par laquelle le Haut Conseil du commissariat aux comptes a prononcé à son encontre la sanction de l'interdiction temporaire pour une durée de un an ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros au titre de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 juillet et 28 novembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 18 mai 2006 par laquelle le Haut Conseil du commissariat aux comptes a prononcé à son encontre la sanction de l'interdiction temporaire pour une durée de un an ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 3 juin 2009, présentée pour M. A ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de commerce ;

Vu le décret n° 69-810 du 12 août 1969 modifié ;

Vu la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pierre Chaubon, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de M. A ;

Considérant que M. A, commissaire aux comptes, demande l'annulation de la décision du 18 mai 2006 par laquelle le Haut Conseil du commissariat aux comptes a, sur l'appel qu'il a dirigé contre la décision de la chambre régionale de discipline des commissaires aux comptes du ressort de la cour d'appel de Metz, en date du 28 janvier 2005, infirmant partiellement la décision de cette chambre, prononcé à son encontre la sanction d'interdiction temporaire pour une durée de un an ;

Sur la régularité de la décision attaquée :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-1 du code de commerce en vigueur à la date de la décision attaquée : Il est institué auprès du garde des sceaux, ministre de la justice, un Haut Conseil du commissariat aux comptes ayant pour mission : d'assurer la surveillance de la profession (...), de veiller au respect de la déontologie et de l'indépendance des commissaires aux comptes. Pour l'accomplissement de cette mission, le Haut Conseil du commissariat aux comptes est en particulier chargé : (...) d'assurer, comme instance d'appel des décisions prises par les chambres régionales mentionnées à l'article L. 822-6, la discipline des commissaires aux comptes ; qu'aux termes de l'article L. 821-3 du même code, en vigueur à la date de la décision attaquée : Le Haut Conseil du commissariat aux comptes comprend : 1° trois magistrats, dont un membre de la Cour de cassation, président, un magistrat de la Cour des comptes et un second magistrat de l'ordre judiciaire ; 2° Le président de l'Autorité des marchés financiers ou son représentant, un représentant du ministre chargé de l'économie et un professeur des universités spécialisé en matière juridique, économique ou financière ; 3° Trois personnes qualifiées dans les matières économique et financière ; (...) ; 4° Trois commissaires aux comptes, dont deux ayant une expérience du contrôle des comptes des personnes faisant appel public à l'épargne ou à la générosité publique (...) ; Les décisions sont prises à la majorité des voix. En cas de partage égal des voix, la voix du président est prépondérante (...) ; qu'en vertu de l'article 51 du règlement intérieur adopté par le haut conseil sur le fondement de l'article 1er-3 du décret du 12 août 1969 modifié relatif à l'organisation de la profession et au statut professionnel des commissaires aux comptes et relatif au Haut Conseil du commissariat aux comptes, homologué par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, du 24 février 2004, les règles relatives aux décisions rendues par le haut conseil statuant comme instance d'appel des décisions rendues par (...) les chambres régionales statuant en matière disciplinaire sont fixées par les titres Ier et IV du décret (...) du 12 août 1969 (...) ; que l'article 52 de ce règlement précise que lorsqu'il statue dans ces matières, le haut conseil se réunit spécialement à cet effet et se constitue en formation de recours. Il siège avec le secrétaire et le rapporteur nommés dans les conditions prévues à l'article 1er - 1 du décret du 12 août 1969 précité, hors la présence du secrétaire général ; qu'il ressort des pièces du dossier et de la décision attaquée que si le rapporteur désigné et la secrétaire du haut conseil ont bien assisté à la séance au cours de laquelle l'appel de M. A a été examiné, conformément à l'article 52 du règlement intérieur précité, ils se sont retirés, en même temps que le représentant du ministère public et le requérant, pour laisser les membres du haut conseil délibérer ; que M. A ne saurait déduire de ce que le rapporteur et la secrétaire n'ont pas été présents lors du délibéré du haut conseil une irrégularité de procédure ; que, par ailleurs, eu égard à la fonction de secrétaire de séance, la circonstance que la secrétaire du haut conseil ait néanmoins apposé son paraphe au bas de chacune des pages de la décision contestée, et sa signature au bas de cette décision, n'entache pas davantage d'irrégularité la procédure et la décision du haut conseil ;

Considérant qu'en énonçant que les faits reprochés à M. A s'inscrivaient dans une stratégie, mise en place à dessein par le requérant pour lui permettre de poursuivre son activité professionnelle au delà de la limite d'âge fixée par les statuts de la société Sofico (...) et ce au moyen de décisions contraires à l'intérêt de la société, prises en usant de ses pouvoirs de dirigeant, et en estimant que de tels manquements, commis par un commissaire aux comptes qui, en tant que président de la compagnie régionale (...) se devait de respecter les règles déontologiques de la profession avec une particulière rigueur, constituaient des actes contraires à l'honneur et à la probité , le haut conseil a qualifié de manière précise, circonstanciée et concrète les actes commis par M. A et a, sans dénaturer les faits de l'espèce et sans commettre d'erreur de droit, répondu au moyen soulevé en appel par M. A et écarté, par là même, le moyen tiré de ce que les faits incriminés lui auraient permis, n'étant pas contraires à l'honneur et à la dignité, de bénéficier de la loi d'amnistie du 6 août 2002 ; que ce faisant, le haut conseil n'a entaché sa décision ni d'une omission à statuer ni d'une insuffisance de motivation ;

Considérant qu'en énonçant que la chambre régionale de discipline avait exactement caractérisé les conditions dans lesquelles M. A avait opéré le transfert de fichiers clients et obtenu des clients concernés un courrier destiné à régulariser cette opération en prétendant la justifier par la demande qu'ils lui en auraient faite, le haut conseil ne s'est pas fondé, pour prononcer la sanction contestée, sur une motivation insuffisante ne permettant pas au juge de cassation d'exercer son contrôle de légalité ;

Sur le bien fondé de la décision attaquée :

Considérant que si, en vertu de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'audience devant les chambres régionales de discipline des commissaires aux comptes est en principe publique, ce principe ne fait pas obstacle à ce que la juridiction disciplinaire, à la demande de la personne poursuivie, décide de statuer en séance non publique ; qu'il résulte de la décision rendue par la chambre régionale de discipline des commissaires aux comptes du 28 janvier 2005 que celle-ci a statué en séance non publique, à la demande de M. A ;

Mais considérant qu'aux termes de l'article 98 du décret du 12 août 1969 en vigueur à la date de la décision attaquée : La chambre entend l'auteur de la plainte, si ce dernier en fait la demande. Elle peut entendre tous autres témoins et faire procéder à toutes investigations qu'elle estime utiles (...). Le magistrat chargé du ministère public dispose des conclusions écrites et peut présenter des observations orales ; le commissaire aux comptes peut présenter des observations écrites et orales et se faire assister d'un commissaire aux comptes et d'un avocat (...) ; que lorsqu'elle décide d'entendre l'auteur de la plainte, en vertu de ces dispositions, la juridiction disciplinaire n'est pas obligée de décider, à peine d'irrégularité de la procédure, que l'audience aura un caractère public ; que ce motif, qui répond à un moyen invoqué devant les juges du fond et dont l'examen n'appelle l'appréciation d'aucune circonstance de fait, doit être substitué au motif erroné de la décision attaquée, dont il justifie le dispositif, motif tiré de ce que l'appelant n'était pas fondé à invoquer l'irrégularité de la présence aux débats devant la chambre régionale de discipline de l'auteur de la plainte, dès lors que ceux-ci ont lieu sauf décision expresse contraire en séance publique en application de l'article 6-1 de la convention européenne des droits de l'homme ;

Considérant que le moyen tiré de ce que le haut conseil ne pouvait prononcer de sanction disciplinaire à l'encontre de M. A, dès lors que l'auteur de la plainte, la société Sofico, y avait formellement renoncé, procède d'une confusion entre la plainte à l'origine de la procédure disciplinaire, et l'action publique, exercée par le représentant du ministère public, qui, seule, constitue le fondement de la poursuite ; que dès lors ce moyen ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'en statuant par adoption des motifs retenus par la chambre régionale de discipline sur la question des inversions de mandats, M. A ayant informé six des clients de la société de sa démission de celle-ci, afin de se substituer à elle en tant que commissaire aux comptes titulaire, et en relevant qu'à juste titre, la chambre régionale avait énoncé que, dans aucun des cas, M. A n'avait évoqué la possibilité, pour les clients, de désigner un autre signataire, le haut conseil n'a pas entaché sa décision d'une insuffisance de motivation ; qu'en apportant, dans sa motivation, des compléments aux motifs retenus par la chambre régionale, pour relever que si cette situation n'a pas causé de préjudice financier à la société Sofico tant que M. A exerçait son activité en son sein, cette pratique a eu pour effet de lui conférer personnellement les mandats de commissaires aux comptes titulaire auprès de ses clients potentiels, le haut conseil n'a pas davantage commis d'erreur de droit ; qu'ainsi, le moyen doit être écarté ;

Considérant enfin que le Haut conseil, a tenu compte des circonstances particulières de l'affaire, et notamment du contexte conflictuel dans lequel s'est inscrit le comportement du requérant, en infirmant partiellement la décision de la chambre régionale pour ramener la sanction à une année d'interdiction temporaire, tout en estimant que cette nouvelle évaluation de la peine ne retirait pas leur gravité aux fautes disciplinaires constatées ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision attaquée ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme de 3500 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Jean A, au président du Haut Conseil du commissariat aux comptes et au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.


Synthèse
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 295948
Date de la décision : 08/07/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

55-04-01 PROFESSIONS, CHARGES ET OFFICES. DISCIPLINE PROFESSIONNELLE. PROCÉDURE DEVANT LES JURIDICTIONS ORDINALES. - HAUT CONSEIL DU COMMISSARIAT AUX COMPTES RÉUNI EN FORMATION DE RECOURS - CIRCONSTANCES QUE LE RAPPORTEUR ET LE SECRÉTAIRE ONT ASSISTÉ À LA SÉANCE PUBLIQUE MAIS SE SONT ENSUITE RETIRÉS ET QUE LE SECRÉTAIRE AIT PARAPHÉ LA DÉCISION - ABSENCE D'INCIDENCE SUR LA RÉGULARITÉ DE LA PROCÉDURE.

55-04-01 L'article 52 du règlement intérieur du Haut conseil du commissariat aux comptes, adopté sur le fondement de l'article 1er-3 du décret du 12 août 1969 et homologué par arrêté du ministre de la justice, précise qu'il se réunit spécialement pour statuer en appel des décisions rendues en matière disciplinaire et qu'il siège avec le secrétaire et le rapporteur (...), hors la présence du secrétaire général. La circonstance que le rapporteur et le secrétaire ont assisté à la séance publique, mais se sont retirés, en même temps que le représentant du ministère public et le requérant, pour laisser les membres du Haut conseil délibérer ne constitue pas une irrégularité, pas davantage que le fait que le secrétaire du Haut conseil ait apposé son paraphe au bas de chacune des pages de la décision contestée, et sa signature au bas de la décision, eu égard à sa fonction.


Publications
Proposition de citation : CE, 08 jui. 2009, n° 295948
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Daël
Rapporteur ?: M. Pierre Chaubon
Rapporteur public ?: M. Guyomar Mattias
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:295948.20090708
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