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24/06/2010 | FRANCE | N°340214

France | France, Conseil d'État, 8ème sous-section jugeant seule, 24 juin 2010, 340214


Vu la décision en date du 24 juin 2010 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur le pourvoi n° 303590 de M. A, par lequel celui-ci se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles en date du 9 janvier 2007, a annulé cet arrêt rejetant la requête de M. A tendant à l'annulation de l'article 2 du jugement en date du 20 janvier 2005 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté le surplus de ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au

titre des années 1988 à 1991 et du rappel de taxe sur la val...

Vu la décision en date du 24 juin 2010 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur le pourvoi n° 303590 de M. A, par lequel celui-ci se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles en date du 9 janvier 2007, a annulé cet arrêt rejetant la requête de M. A tendant à l'annulation de l'article 2 du jugement en date du 20 janvier 2005 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté le surplus de ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1988 à 1991 et du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 1989, puis a annulé l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Versailles, a évoqué la demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu restant en litige et décidé d'y statuer après que les productions de la requête, en tant qu'elles ont trait à l'impôt sur le revenu, auront été enregistrées sous un numéro distinct ;

Vu la demande présentée par M. A devant le tribunal administratif tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles M. et Mme A sont restés assujettis au titre des années 1988 à 1991 ainsi que des pénalités correspondantes ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Carine Soulay, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Laurent Olléon, Rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. A ;

Considérant que, par décision de ce jour, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur le pourvoi n° 303590 de M. A, par lequel celui-ci a demandé l'annulation de l'arrêt en date du 9 janvier 2007 de la cour administrative d'appel de Versailles, a annulé cet arrêt rejetant la requête de M. A tendant à l'annulation de l'article 2 du jugement en date du 20 janvier 2005 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté le surplus de ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles M. et Mme A ont été assujettis au titre des années 1988 à 1991 et du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 1989, puis a annulé ce jugement, a évoqué la demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et décidé d'y statuer après que les productions de la requête, en tant qu'elles ont trait à l'impôt sur le revenu, auront été enregistrées sous un numéro distinct ; que ces productions ayant été enregistrées sous un numéro distinct, il y a lieu de statuer, sous ce numéro, sur les conclusions de M. A en tant qu'elles portent sur l'impôt sur le revenu ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne les années 1988 et 1989 :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 1988 et 1989 résultant de l'imposition du produit des détournements de fonds commis par M. A, établis par le jugement du tribunal de grande instance d'Evry en date du 9 janvier 1992, ont procédé d'un contrôle sur pièces sur la base des renseignements transmis par l'autorité judiciaire, en application des dispositions de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, et non de l'examen de la situation fiscale personnelle dont M. A a fait l'objet ; que, dès lors, le requérant ne peut utilement soutenir qu'un avis de vérification et une mise en demeure d'avoir à produire une déclaration de revenus catégorielle aurait dû lui être adressés et qu'il a été privé du débat contradictoire exigé par les dispositions du livre des procédures fiscales et de la charte du contribuable vérifié ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 86 de la loi de finances pour 1998 du 30 décembre 1997, repris à l'article L. 47 C du livre des procédures fiscales : Lorsque, au cours d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle, sont découvertes des activités occultes ou mises en évidence des conditions d'exercice non déclarées de l'activité d'un contribuable, l'administration n'est pas tenue d'engager une vérification de comptabilité pour régulariser la situation fiscale du contribuable au regard de cette activité ; qu'aux termes du II du même article : Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, les rappels notifiés selon les règles prévues au I avant le 1er janvier 1998 sont réputés réguliers en tant qu'ils seraient contestés par le moyen tiré du défaut d'engagement d'une vérification de comptabilité; que ces dispositions font ainsi, en tout état de cause, désormais obstacle à ce que M. A soutienne utilement que l'imposition du produit des activités occultes ainsi révélées ne pouvaient intervenir qu'à la suite de l'engagement régulier d'une vérification de comptabilité ;

Mais considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. A n'a pas été mis à même d'avoir un débat contradictoire avec le vérificateur sur les discordances relevées par celui-ci, avant la demande d'éclaircissement qui lui a été adressée le 16 septembre 1992 ; que, par suite, M. A est fondé à soutenir que la procédure d'imposition était irrégulière et à demander la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu pour l'année 1989, année au titre de laquelle des redressements ont été opérés à la suite de cette demande d'éclaircissement, en tant qu'elles procèdent de ces redressements ;

En ce qui concerne la vérification de comptabilité :

Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient M. A, le service de vérification de la brigade de Palaiseau (Essonne), qui avait procédé à l'examen de sa situation fiscale personnelle, était compétent pour entreprendre la vérification de comptabilité de son activité professionnelle située dans le département des Hauts-de-Seine, en vertu des dispositions du II de l'article 376 de l'annexe II au code général des impôts, alors applicables ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'administration, qui est en droit, à l'occasion de la vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble d'un contribuable, de demander à celui-ci de lui remettre les relevés de ses comptes et de prendre connaissance de ces derniers, y compris lorsqu'il apparaît qu'ils retracent à la fois des opérations privées et des opérations professionnelles et présentent ainsi, en partie, le caractère de documents comptables, n'est tenue de respecter les garanties dont les vérifications de comptabilité sont assorties par la loi, et notamment par les dispositions précitées des articles L. 13 et L. 47 du livre des procédures fiscales, que dans le cas et à partir du moment où elle décide d'utiliser les données recueillies au cours de l'examen de ces comptes mixtes pour contrôler et, le cas échéant, pour redresser les bénéfices retirés par leur titulaire de son activité professionnelle ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par lettre du 31 janvier 1992, l'administration a informé M. A qu'il engageait l'examen de sa situation fiscale personnelle pour les années 1990 et 1991 ; que, dans le cadre de ce contrôle, le requérant a, le 12 mars 1992, remis au vérificateur, à sa demande, les relevés de ses comptes bancaires, dont ceux du compte n° 5275 B, ouvert au Crédit Lyonnais, sans mentionner que ce compte présentait un caractère mixte ; que, par un avis du 5 mai 1992, l'administration a informé M. A de son intention de procéder, à compter du 22 mai, à la vérification de comptabilité de ses activités professionnelles, pour les années 1990 et 1991 ; que les opérations se sont déroulées sur place du 25 mai au 10 juillet 1992 ; que, le 23 juillet, l'administration a restitué au contribuable les relevés bancaires, notamment ceux qui présentaient un caractère mixte ; que le vérificateur n'a pu constater que le compte n° 5275 B ouvert au Crédit Lyonnais avait enregistré des recettes correspondant à l'activité professionnelle vérifiée que dans la réponse faite par celui-ci, le 20 novembre 1992, à la demande d'éclaircissement et de justifications qui lui a été adressée, le 20 octobre 1992, dans le cadre de l'examen de sa situation fiscale personnelle ; que le vérificateur n'a ainsi eu connaissance de l'origine professionnelle des sommes inscrites au crédit de ce compte mixte qu'après l'achèvement des opérations de vérification de comptabilité ; qu'il n'est pas établi que les relevés de ce compte mixte auraient été utilisés dans le cadre de la vérification de comptabilité ; que, dès lors, M. A n'est pas fondé à soutenir que celle-ci serait entachée d'un emport irrégulier de documents comptables et que les documents auraient dû lui être restitués avant l'envoi de l'avis de vérification de comptabilité du 5 mai 1992 ;

Considérant, en troisième lieu, que M. A n'établit pas que, lors de cette vérification qui s'est tenue au siège de l'entreprise, le vérificateur se serait refusé à un débat oral et contradictoire ;

En ce qui concerne la notification de redressement :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la notification de redressement en date du 27 novembre 1992 mentionne que M. A a été condamné pénalement pour avoir détourné diverses sommes et donne le détail des factures fictives qui ont servi à établir les redressements ; que, dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'il n'a pas été informé de l'origine et de la teneur des renseignements recueillis par l'administration auprès de l'autorité judiciaire, en application de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, et qu'il a été privé de la possibilité d'en demander communication ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales applicable pour la déclaration des revenus de l'année 1988 : Peuvent être évalués d'office : ... 2° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus non commerciaux ou des revenus assimilés, quel que soit leur régime d'imposition, lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 97 ou à l'article 101 du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal. ... les dispositions de l'article L. 68 sont applicables dans les cas d'évaluation d'office prévus aux 1° et 2° ;

Considérant qu'à l'issue de l'examen de situation fiscale personnelle dont M. A a fait l'objet au titre des années 1989 à 1991 ainsi que du contrôle sur pièces de son dossier au titre de l'année 1988, l'administration, se fondant sur les éléments révélés par la procédure judiciaire au terme de laquelle il a été reconnu coupable de détournements de fonds, lui a notifié, selon la procédure contradictoire, des redressements dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ; que, dès lors que l'administration n'a pas évalué d'office ces bénéfices non commerciaux en application des dispositions précitées de l'article L. 73 du même livre, elle n'était pas tenue de mettre en demeure l'intéressé de souscrire une déclaration distincte les concernant ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que la notification de redressement du 27 novembre 1992 serait, en ce qui concerne ce chef de redressement, irrégulière, faute d'avoir été précédée de l'envoi d'une mise en demeure d'avoir à régulariser sa situation ;

Sur le bien-fondé des impositions sur le revenu :

En ce qui concerne la détermination des bases imposables au titre des bénéfice non commerciaux de l'année 1989 :

Considérant qu'aux termes de l'article 92 du code général des impôts : 1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices ( ...) de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus. ;

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que les détournements de fonds pratiqués par M. A auraient, comme il le soutient, cessé le 31 décembre 1989, date de son licenciement ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que les restitutions auxquelles il a été condamné par le jugement du tribunal correctionnel d'Evry devraient être regardées comme des créances acquises de l'année 1989 ;

En ce qui concerne la qualification des revenus retirés de l'exercice de la profession exercée par M. A en 1990 et 1991 :

Considérant que si M. A soutient que l'activité professionnelle qu'il a exercée en 1990 et 1991 doit être qualifiée d'activité d'agent d'affaires et ses résultats imposés comme bénéfices industriels et commerciaux et non comme bénéfices non commerciaux, il ne résulte pas de l'instruction que l'activité d'accompagnement dans leurs démarches administratives des professionnels dont il aménageait les locaux ait été prépondérante au regard de son activité d'architecte-décorateur ; que, par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur les pénalités pour mauvaise foi :

Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts dans sa rédaction applicable au présent litige : 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 p. 100 si la mauvaise foi de l'intéressé est établie (...) ;

Considérant, en premier lieu, que les faits sanctionnés par la condamnation pénale infligée par le tribunal de grande instance d'Evry sont distincts de ceux qui fondent la majoration de 40% prévue par les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts précité ; que, dès lors, M. A n'est pas fondé à soutenir qu'il devrait être déchargé de cette majoration au motif qu'il aurait déjà été condamné pour les mêmes faits ;

Considérant, en second lieu, qu'en relevant, outre le montant des redressements, la gravité des infractions, notamment des détournements de fonds, l'administration a suffisamment établi la mauvaise foi du contribuable ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est fondé à demander la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1989 qu'en tant qu'elles procèdent des redressements opérés à la suite de la demande d'éclaircissement qui lui a été adressée le 16 septembre 1992 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme que demande M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : M. A est déchargé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, en droits et pénalités, auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1989, en tant qu'elles procèdent des redressements consécutifs à la demande d'éclaircissement du 16 septembre 1992.

Article 2 : Le surplus de la demande de M. A devant le tribunal administratif de Versailles est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.


Synthèse
Formation : 8ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 340214
Date de la décision : 24/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 24 jui. 2010, n° 340214
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Bachelier
Rapporteur ?: M. Jérôme Michel
Rapporteur public ?: M. Olléon Laurent
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:340214.20100624
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