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14/12/2010 | FRANCE | N°344725

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 14 décembre 2010, 344725


Vu le recours, enregistré le 3 décembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION ; le ministre demande au juge des référés du Conseil d'Etat d'annuler l'ordonnance n° 1004396 du 12 novembre 2010 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a ordonné à l'Etat d'assurer l'hébergement de la famille B dans un délai de 24 heures suivant la notification de la

décision, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

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Vu le recours, enregistré le 3 décembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION ; le ministre demande au juge des référés du Conseil d'Etat d'annuler l'ordonnance n° 1004396 du 12 novembre 2010 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a ordonné à l'Etat d'assurer l'hébergement de la famille B dans un délai de 24 heures suivant la notification de la décision, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

il soutient que la situation de M. et Mme B et de leur enfant ne représente pas une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ; qu'en effet, il a été mis fin à la prise en charge de cette famille car elle ne s'est pas mise en mesure d'organiser son départ vers la Pologne dans le délai imparti puis ne s'est pas présentée ou incomplètement présentée aux différentes convocations ; qu'il est constant que la notion de fuite au sens du règlement du 18 février 2003, dit règlement de Dublin, doit s'entendre comme visant notamment le cas où un ressortissant étranger non admis au séjour se serait soustrait de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative en vue de faire obstacle à une mesure d'éloignement le concernant ; que la famille B devait être considérée comme en fuite au sens du règlement Dublin ; qu'en conséquence la famille B ne pouvait prétendre à la prolongation de son droit à être hébergée ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu les pièces dont il résulte que le recours a été communiqué à M. et Mme B qui n'ont pas produit d'observation ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003 ;

Vu le règlement (CE) n° 343/2003 du 18 février 2003 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION et, d'autre part, M. et Mme B ;

Vu le procès-verbal de l'audience du 8 décembre 2010 à 15 heures, au cours de laquelle ont été entendus :

- les représentants du ministre du MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION ;

- Me Balat, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. et Mme B ;

- le représentant de M. et Mme B ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale (...) ;

Considérant que le droit constitutionnel d'asile, qui a le caractère d'une liberté fondamentale, a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié ; que, s'il implique que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit en principe autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande, ce droit s'exerce dans les conditions définies par l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le 1° de cet article permet de refuser l'admission en France d'un demandeur d'asile lorsque l'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat en application des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ; que l'article 19 de ce règlement prévoit que le transfert du demandeur d'asile vers le pays de réadmission doit se faire dans les six mois à compter de l'acceptation de la demande de prise en charge et que ce délai peut être porté à dix-huit mois si l'intéressé prend la fuite ; que la notion de fuite au sens de ce texte doit s'entendre comme visant notamment le cas où un ressortissant étranger non admis au séjour se serait soustrait de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative en vue de faire obstacle à une mesure d'éloignement le concernant ; qu'aux termes enfin des dispositions du paragraphe 1 de l'article 3 de la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003 relative à l'accueil des demandeurs d'asile : La présente directive s'applique à tous les ressortissants de pays tiers et apatrides qui déposent une demande d'asile à la frontière ou sur le territoire d'un État membre tant qu'ils sont autorisés à demeurer sur le territoire en qualité de demandeurs d'asile, ainsi qu'aux membres de leur famille, s'ils sont couverts par cette demande d'asile conformément au droit national ;

Considérant que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de procurer, dès la notification de cette ordonnance, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, un hébergement à M. et Mme B et à leur enfant ; que le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION fait appel de cette ordonnance ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme B, de nationalité russe et d'origine tchétchène, ont sollicité l'asile le 30 décembre 2009 auprès des services de la préfecture des Alpes-Maritimes ; que le préfet de ce département a toutefois refusé de leur délivrer un document provisoire de séjour au motif que leur demande relevait de la compétence de la Pologne ; que les autorités polonaises ont donné, le 15 avril 2010, leur accord à la réadmission des intéressés ; que le préfet a pris, en conséquence, le 1er juillet 2010, une décision de réadmission de la famille B vers la Pologne, tout en laissant aux intéressés un délai d'un mois pour y déférer ; que M. et Mme B n'ont pas tenu compte de la notification de cette décision et se sont maintenus sur le territoire français au-delà de ce délai ; que, convoqués à plusieurs reprises, M. et Mme B ne se sont pas présentés aux autorités administratives avec leur enfant dans des conditions permettant d'assurer leur départ avec celui-ci vers la Pologne ; qu'ils ont ainsi pu, sans illégalité manifeste, être regardés comme s'étant soustraits de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative afin de faire obstacle à la mesure d'éloignement les concernant : qu'en conséquence, le préfet a pu, le 1er octobre 2010, porter à dix-huit mois le délai de réadmission sans porter d'atteinte grave et manifestement illégale aux garanties qu'implique le respect du droit d'asile ;

Considérant qu'à l'expiration du délai qui lui a été imparti pour rejoindre le pays vers lequel la réadmission a été prononcée en vertu du règlement (CE) n° 343/2003 du 18 février 2003, un demandeur d'asile ne peut être regardé comme autorisé à demeurer sur le territoire pour l'application de l'article 3 de la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003 relative à l'accueil des demandeurs d'asile ; que, par suite, en mettant fin, le 15 octobre 2010, à l'hébergement de M. et Mme B et de leur enfant, au motif que les intéressés s'étaient soustraits à l'exécution des mesures prises à son égard en application de ce règlement, le préfet n'a pas porté d'atteinte grave et manifestement illégale aux exigences qu'implique le respect du droit d'asile ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION est fondé à soutenir que c'est à tort qu'en l'absence d'une telle illégalité grave et manifeste, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a fait droit à la demande d'injonction et d'astreinte présentée par M. et Mme B sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ; que le ministre est, par suite, fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée et le rejet de la demande présentée par M. et Mme B devant le juge des référés du tribunal administratif de Nice ;

O R D O N N E :

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Article 1er : L'ordonnance du 12 novembre 2010 du juge des référés du tribunal administratif de Nice est annulée.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. et Mme B devant le juge des référés du tribunal administratif de Nice sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION et à M. et Mme Ali B.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 344725
Date de la décision : 14/12/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 14 déc. 2010, n° 344725
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Bernard Stirn

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:344725.20101214
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