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24/12/2010 | FRANCE | N°345107

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 24 décembre 2010, 345107


Vu la requête, enregistrée le 17 décembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Ali B et Mme Zaina A, élisant domicile chez Maître C, ... ; M. B et Mme A demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1004114 du 25 octobre 2010 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté leur requête tendant à ce qu'il soit enjoint

au préfet des Alpes-Maritimes de leur délivrer une autorisation provisoi...

Vu la requête, enregistrée le 17 décembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Ali B et Mme Zaina A, élisant domicile chez Maître C, ... ; M. B et Mme A demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1004114 du 25 octobre 2010 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté leur requête tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour en application des articles L. 742-1 et R. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;

2°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de leur délivrer une telle autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

ils soutiennent que l'ordonnance attaquée n'a pas répondu au moyen tiré de ce que le préfet, en mettant fin à leur hébergement, avait porté une atteinte à leur droit d'asile ; que le juge des référés n'a pas répondu à leur requête au sujet de la communication de l'intégralité de leur dossier ; que l'ordonnance attaquée est entachée d'une erreur de droit ; que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Nice a considéré que la charge de la preuve établissant l'absence de fuite incombait aux requérants et qu'ils avaient pris la fuite au sens du règlement (CE) n° 343/2003 du 18 février 2003 dit règlement de Dublin ; que le refus d'admission au séjour porte, par lui-même, une atteinte suffisamment grave et immédiate à la situation du demandeur d'asile, caractérisant l'urgence ; qu'il existe un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée ; qu'en effet, en mettant fin à leur prise en charge, en considérant que leur demande d'asile n'incombait pas à la France, en portant à dix-huit mois le délai de réadmission et en refusant de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour, le préfet a porté une atteinte manifestement illégale au droit d'asile ; qu'au surplus, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Alpes-Maritimes ait informé les autorités polonaises de la prolongation du délai de réadmission à dix-huit mois, méconnaissant ainsi les prescriptions de l'article 9 du règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (CE) du Conseil n° 343/2003 du 18 février 2003; que l'absence de la fille des requérants aux convocations, à la supposer établie, ne caractérise pas une fuite de leur part ; qu'il y a lieu pour toutes ces raisons de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 décembre 2010, présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que le juge des référés du tribunal administratif de Nice a estimé à bon droit que l'admission au séjour des requérants avait pu être refusée au motif qu'ils devaient être regardés comme étant en fuite et que cette appréciation a été confirmée par le juge des référés du Conseil d'Etat par une ordonnance du 14 décembre 2010 ; qu'ainsi, les intéressés ne peuvent prétendre à une autorisation provisoire de séjour, du fait de la prolongation du délai de réadmission et ne peuvent bénéficier d'un hébergement ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003 ;

Vu le règlement (CE) n° 343/2003 du 18 février 2003, ensemble le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d'application de ce règlement du Conseil ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. B et Mme A et, d'autre part, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ;

Vu le procès-verbal de l'audience du 23 décembre 2010 à 15 heures, au cours de laquelle a été entendu :

- Me de Chaisemartin, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation, avocat de M. B et Mme A ;

Vu la note en délibéré, en date du 23 décembre 2010, présentée par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaire à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public (...) aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. ;

Considérant que le droit constitutionnel d'asile, qui a le caractère d'une liberté fondamentale, a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié ; que, s'il implique que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit en principe autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande, ce droit s'exerce dans les conditions définies par l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le 1° de cet article permet de refuser l'admission en France d'un demandeur d'asile lorsque l'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat en application des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ; que l'article 19 de ce règlement prévoit que le transfert du demandeur d'asile vers le pays de réadmission doit se faire dans les six mois à compter de l'acceptation de la demande de prise en charge et que ce délai peut être porté à dix-huit mois si l'intéressé prend la fuite ; que la notion de fuite au sens de ce texte doit s'entendre comme visant notamment le cas où un ressortissant étranger non admis au séjour se serait soustrait de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative en vue de faire obstacle à une mesure d'éloignement le concernant ; qu'aux termes enfin des dispositions du paragraphe 1 de l'article 3 de la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003 relative à l'accueil des demandeurs d'asile : La présente directive s'applique à tous les ressortissants de pays tiers et apatrides qui déposent une demande d'asile à la frontière ou sur le territoire d'un État membre tant qu'ils sont autorisés à demeurer sur le territoire en qualité de demandeurs d'asile, ainsi qu'aux membres de leur famille, s'ils sont couverts par cette demande d'asile conformément au droit national ;

Considérant que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, rejeté la requête de M. B et Mme A tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour en application des articles L. 742-1 et R. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ; que M. B et Mme A font appel de cette ordonnance ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, M. B et Mme A, de nationalité russe et d'origine daghestanaise, accompagnés de leur fille, ont sollicité l'asile le 30 décembre 2009 auprès des services de la préfecture des Alpes-Maritimes ; que le préfet de ce département a toutefois refusé de leur délivrer un document provisoire de séjour au motif que leur demande relevait de la compétence de la Pologne ; que les autorités polonaises ont donné, le 15 avril 2010, leur accord à la réadmission des intéressés ; que le préfet a pris, en conséquence, le 1er juillet 2010, une décision de réadmission de M. B et Mme A vers la Pologne ;

Considérant qu'au soutien de leur appel, M. B et Mme A font valoir qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Alpes-Maritimes ait informé les autorités polonaises de la prolongation du délai de réadmission à dix-huit mois, méconnaissant ainsi les prescriptions de l'article 9 du règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (CE) du Conseil n° 343/2003 du 18 février 2003 ; que le mémoire en défense produit devant le juge des référés du Conseil d'Etat n'a pas répondu à ce moyen ; que l'administration n'était pas représentée à l'audience ; que la note en délibéré produite à l'issue de celle-ci ne justifie pas une réouverture de l'instruction ; que, dans ces conditions, compte tenu des règles qui gouvernent la charge de la preuve devant le juge administratif, les allégations des requérants ne peuvent, en l'état de l'instruction, qu'être regardées comme établies ; qu'eu égard à l'importance du respect de l'exigence prévue par les dispositions du règlement de la Commission mentionné ci-dessus, une méconnaissance grave et manifeste des obligations qu'impose le respect du droit d'asile apparaît en conséquence ; qu'il résulte de ce qui précède que M. B et Mme A sont fondés à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'ordonner au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer, dans un délai de quarante-huit heures et au regard des motifs de la présente ordonnance, la demande d'autorisation provisoire de séjour présentée par M. B et Mme A, sans qu'il ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Considérant que M. B et Mme A ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, leur avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me de Chaisemartin, avocat de M. B et Mme A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me de Chaisemartin de la somme de 2 000 euros ;

O R D O N N E :

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Article 1er : L'ordonnance du 25 octobre du juge des référés du tribunal administratif de Nice est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de procéder au réexamen de la demande d'admission provisoire au séjour sur le territoire au titre de l'asile de M. B et Mme A au regard des motifs de la présente ordonnance dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de celle-ci.

Article 3 : L'Etat versera à Me de Chaisemartin, avocat de M. B et Mme A, une somme de 2 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête devant le Conseil d'Etat et de la demande devant le juge des référés du tribunal administratif de Nice est rejeté.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Ali B, à Mme Zaina A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 345107
Date de la décision : 24/12/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 24 déc. 2010, n° 345107
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Bernard Stirn
Avocat(s) : SCP DE CHAISEMARTIN, COURJON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:345107.20101224
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