La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/05/2011 | FRANCE | N°341118

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 09 mai 2011, 341118


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 juillet et 4 octobre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Paul A, M. Bruno A et Mme Françoise A, demeurant, ..., ainsi que pour la SOCIETE LES FILS DE MADAME GERAUD, dont le siège est à la même adresse ; M. A et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 0600678 du 3 mai 2010 par lequel le tribunal administratif de Cergy Pontoise, saisi en exécution d'un arrêt de la cour d'appel de Versailles, a rejeté leur demande tendant à ce que le tri

bunal constate la validité de l'article 26 du traité de concession des...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 juillet et 4 octobre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Paul A, M. Bruno A et Mme Françoise A, demeurant, ..., ainsi que pour la SOCIETE LES FILS DE MADAME GERAUD, dont le siège est à la même adresse ; M. A et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 0600678 du 3 mai 2010 par lequel le tribunal administratif de Cergy Pontoise, saisi en exécution d'un arrêt de la cour d'appel de Versailles, a rejeté leur demande tendant à ce que le tribunal constate la validité de l'article 26 du traité de concession des marchés publics d'approvisionnement de la commune de Persan en date du 18 septembre 1989 et a déclaré ce contrat illégal ;

2°) de constater la validité du traité de concession des marchés publics d'approvisionnement en date du 18 septembre 1989 et de son article 26 ;

3°) à titre subsidiaire, de dire que l'illégalité éventuelle de la clause de variation ne fait pas obstacle à son utilisation comme mesure de l'équilibre financier du contrat ;

4°) de mettre la somme de 3 000 euros à la charge de la commune de Persan en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des communes ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu l'ordonnance n° 58-1374 du 31 décembre 1958 ;

Vu le décret du 17 mai 1809 relatif aux octrois municipaux et de bienfaisance ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Nicolas Polge, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Le Prado, avocat de M. A et autres et de la SCP Tiffreau, Corlay, Marlange, avocat de la commune de Persan,

- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Le Prado, avocat de M. A et autres et à la SCP Tiffreau, Corlay, Marlange, avocat de la commune de Persan ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que par un arrêt du 6 janvier 2006, la cour d'appel de Versailles, saisie d'un litige opposant M. Jean-Paul A, M. Bruno A, Mme Françoise A et la SOCIETE LES FILS DE MADAME GERAUD à la commune de Persan, relatif, notamment, au préjudice subi par eux du fait de l'absence d'augmentation des droits de place perçus dans les marchés communaux entre la modification de ces droits intervenue en 1995 et la résiliation, le 1er mai 2001, du contrat signé le 18 septembre 1989, par lequel la commune leur a confié la gestion de ces marchés et la perception des droits de place, a sursis à statuer jusqu'à ce que la juridiction administrative se soit prononcée sur la question préjudicielle de la légalité, en premier lieu, de la clause de révision des droits de place figurant à l'article 26 du contrat, dans sa rédaction issue de l'avenant n° 1 du 30 septembre 1992, et, en second lieu, du contrat dans son ensemble ; que par les motifs de son arrêt, la cour d'appel de Versailles a énoncé les moyens invoqués devant elle qui lui paraissaient justifier le renvoi, tirés, en ce qui concerne l'article 26, de la conformité de ces stipulations aux dispositions de l'article L. 231-5 du code des communes qui confèrent aux droits de place le caractère de recettes fiscales de la commune, d'une part, et aux dispositions de l'ordonnance du 31 décembre 1958 portant loi de finances pour 1959 qui prohibent certaines clauses d'indexation, d'autre part, et, en ce qui concerne l'ensemble du contrat, de l'omission, préalablement à la signature du contrat, de la consultation prévue à l'article L. 376-2 du code des communes alors en vigueur ; que par le dispositif du jugement attaqué et les motifs qui en constituent le soutien nécessaire, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a déclaré illégaux le contrat dans son ensemble et, prises en elles-mêmes, les stipulations de son article 26 ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

Considérant que l'article 136 du décret du 17 mai 1809 relatif aux octrois municipaux et de bienfaisance, applicable aux droits de places perçus dans les halles et marchés, attribue spécialement compétence aux tribunaux judiciaires pour statuer sur toutes les contestations qui pourraient s'élever entre les communes et les fermiers de ces taxes indirectes, sauf renvoi préjudiciel à la juridiction administrative sur le sens et la légalité des clauses contestées des baux ; qu'il s'ensuit que, contrairement à ce que soutiennent M. A et autres, la juridiction administrative, saisie en exécution d'une décision de renvoi de l'autorité judiciaire, est compétente pour apprécier la légalité d'un contrat relatif à la perception des droits de place dans les halles, foires et marchés ; qu'il revient en revanche à la seule autorité judiciaire, lorsqu'elle est saisie par une commune et son fermier d'un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, d'apprécier si elle doit écarter le contrat et renoncer à régler le litige sur le terrain contractuel, eu égard à l'illégalité constatée, le cas échéant, par la juridiction administrative ; que, par le dispositif du jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise s'est limité à déclarer illégal le contrat ; que, si, par les motifs de ce jugement, le tribunal administratif a relevé que l'illégalité de la décision de signer le contrat entachait de nullité l'ensemble de ce contrat, il n'a pas entendu, par le seul emploi de ce terme, se prononcer sur la question, qui relève, ainsi qu'il a été dit, de la seule autorité judiciaire, de l'applicabilité du contrat au litige pendant devant la cour d'appel de Versailles compte tenu des illégalités constatées par le tribunal administratif ; qu'il en résulte que M. A et autres ne sont pas fondés à soutenir que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise aurait, par le jugement attaqué, excédé les limites de la compétence de la juridiction administrative ;

Sur la légalité du contrat dans son ensemble :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 376-2 du code des communes, alors en vigueur, dont les dispositions sont aujourd'hui codifiées au second alinéa de l'article L. 2224-18 du code général des collectivités territoriales : Le régime des droits de place et de stationnement sur les halles et les marchés est défini conformément aux dispositions d'un cahier des charges ou d'un règlement établi par l'autorité municipale après consultation des organisations professionnelles intéressées. ; qu'en application de ces dispositions, l'adoption du régime des droits de place déterminé par les articles 19 à 23 du contrat devait être précédée de la consultation des organisations professionnelles intéressées ; qu'il ressort d'une lettre d'observations adressée au maire de Persan par le sous-préfet de Pontoise après signature et transmission du contrat au contrôle de légalité, produite devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise par M. A et autres, que la commune n'avait pas procédé à cette consultation ; que cette omission, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, entache d'illégalité l'ensemble du contrat, dont les articles 19 à 23 ne sont pas divisibles ;

Sur la légalité des stipulations de l'article 26 :

Considérant qu'il résulte tant des dispositions du décret du 17 mai 1809 mentionné ci-dessus, que de celles de l'article L. 2331-3 du code général des collectivités territoriales, qui reprennent celles de l'article L. 231-5 du code des communes, relatives aux recettes fiscales facultatives de la section de fonctionnement du budget communal, que le produit des droits de place perçus dans les halles, foires et marchés présente le caractère d'une recette fiscale de la commune ; qu'ainsi qu'il a été dit, selon le second alinéa de l'article L. 2224-18 du code général des collectivités territoriales, dont les dispositions reprennent celles de l'article L. 376-2 du code des communes : Le régime des droits de place et de stationnement sur les halles et les marchés est défini conformément aux dispositions d'un cahier des charges ou d'un règlement établi par l'autorité municipale (...) ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales, identiques à ceux du premier alinéa de l'article L. 121-26 du code des communes : Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que seul le conseil municipal est compétent pour arrêter des modalités de révision de droits de nature fiscale tels que les droits de place perçus dans les halles, foires et marchés ou que la taxe d'enlèvement des ordures ménagères et la taxe de balayage, également énumérées à l'article L. 2331-3 du code général des collectivités territoriales et régies par les articles 1379, 1520 à 1523 et 1528 du code général des impôts ; que ces modalités de révision ne peuvent résulter des stipulations impératives d'un contrat passé par la commune ;

Considérant qu'aux termes de l'article 26 du contrat, dans sa rédaction issue de l'avenant n° 1 du 30 septembre 1992 : Il est convenu que le tarif journalier des perceptions prévu à l'article 19 du traité de concession du 18 septembre 1989 et les redevances déterminées à l'article 3 de l'avenant n° 1 seront révisés dans la même proportion et à la même date, au moins une fois chaque année, et subiront la même évolution que la formule de variation ci-dessous, sans toutefois en cas de baisse, revenir à des tarif et redevances inférieurs à ceux initialement fixés, sauf accord contraire entre les parties sur ce point particulier. / Pour faciliter l'application de cette clause, les conditions seront modifiées le premier jour du deuxième mois suivant la notification de son calcul, effectuée par l'entrepreneur à la ville : (...) / Par ailleurs, si la ville pour quelque motif que ce soit ne mettait pas en vigueur le tarif qui résulterait normalement de la clause de variation, elle s'obligerait à équilibrer le manque à gagner en résultant pour l'entrepreneur et à lui verser une compensation financière égale à la différence entre le total des perceptions annuelles effectivement constaté et celui qui aurait résulté de l'application de la clause de variation (...) ; que ces stipulations, qui fixent de manière impérative les modalités de révision des tarifs des droits perçus sur les usagers et des redevances dues à la commune, sont illégales en tant qu'elles s'appliquent aux droits de place prévus à l'article 19 ; qu'en effet, elles ne laissent au conseil municipal que la faculté de ne pas mettre en oeuvre la formule de révision des tarifs pour une année donnée, alors qu'ainsi qu'il a été dit, la détermination complète des tarifs des droits de nature fiscale relève de la seule compétence du conseil municipal, sans que la commune puisse s'engager par contrat en cette matière ; que M. A et autres ne sont par suite pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, pour ce motif, et sans excéder les limites des questions préjudicielles dont il était saisi, ni entacher son jugement d'une omission de statuer, déclaré illégales les stipulations de l'article 26 en tant qu'elles s'appliquent aux droits de place ;

Sur les conclusions à fin d'interprétation présentées par M. A et autres :

Considérant que l'autorité judiciaire n'a renvoyé à la juridiction administrative aucune question autre que celles auxquelles il a déjà été répondu ; que les conclusions par lesquelles M. A et autres demandent au Conseil d'Etat de se prononcer sur d'autres questions sont par suite irrecevables ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Persan, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demandent M. A et autres au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche, sur le fondement des mêmes dispositions, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A et autres le versement à la commune de Persan d'une somme globale de 3 000 euros ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A et autres est rejetée.

Article 2 : M. A et autres verseront à la commune de Persan la somme globale de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Paul A, à M. Bruno A, à Mme Françoise A, à la SOCIETE LES FILS DE MADAME GERAUD et à la commune de Persan.


Synthèse
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 341118
Date de la décision : 09/05/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Appréciation de la légalité

Publications
Proposition de citation : CE, 09 mai. 2011, n° 341118
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Philippe Martin
Rapporteur ?: M. Nicolas Polge
Rapporteur public ?: M. Bertrand Dacosta
Avocat(s) : LE PRADO ; SCP TIFFREAU, CORLAY, MARLANGE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:341118.20110509
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award