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27/06/2011 | FRANCE | N°334696

France | France, Conseil d'État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 27 juin 2011, 334696


Vu l'ordonnance du 11 décembre 2009, enregistrée le 16 décembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Limoges a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par M. Ludovic A ;

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés le 16 décembre 2009 et le 10 juin 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Ludovic A, demeurant au lieudit ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
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Vu l'ordonnance du 11 décembre 2009, enregistrée le 16 décembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Limoges a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par M. Ludovic A ;

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés le 16 décembre 2009 et le 10 juin 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Ludovic A, demeurant au lieudit ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) de condamner l'Etat à lui verser des indemnités de 10 000 et 35 000 euros, assorties des intérêts au taux légal et des intérêts des intérêts, en réparation du préjudice moral et du préjudice matériel qu'il estime avoir subis du fait de la durée excessive de la procédure contentieuse qu'il avait engagée devant le juge administratif contre la décision du 19 juillet 2001 de la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel (COTOREP) de l'Indre l'orientant vers une recherche directe d'emploi pour une durée de cinq ans ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à la SCP Boré et Salve de Bruneton au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Louis Dutheillet de Lamothe, Auditeur,

- les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de M. A,

Sur la responsabilité :

Considérant qu'il résulte des principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des juridictions administratives que les justiciables ont droit à ce que les requêtes soient jugées dans un délai raisonnable ; que si la méconnaissance de cette obligation est sans incidence sur la validité de la décision juridictionnelle prise à l'issue de la procédure, les justiciables doivent néanmoins pouvoir en faire assurer le respect ; qu'il en résulte que, lorsque leur droit à un délai raisonnable de jugement a été méconnu, ils peuvent obtenir la réparation de l'ensemble des préjudices tant matériels que moraux, directs et certains, causés par ce fonctionnement défectueux du service de la justice et se rapportant à la période excédant le délai raisonnable ; que le caractère raisonnable du délai doit, pour une affaire, s'apprécier de manière globale - compte-tenu notamment de l'exercice des voies de recours - et concrète en prenant en compte sa complexité, les conditions de déroulement de la procédure, de même que le comportement des parties tout au long de celle-ci, et aussi, dans la mesure où le juge a connaissance de tels éléments, l'intérêt qu'il peut y avoir pour l'une ou l'autre, compte-tenu de sa situation particulière, des circonstances propres au litige et, le cas échéant, de sa nature même, à ce qu'il soit tranché rapidement ; que lorsque la durée globale de jugement n'a pas dépassé le délai raisonnable, la responsabilité de l'Etat est néanmoins susceptible d'être engagée si la durée de l'une des instances a, par elle même, revêtu une durée excessive ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A a introduit une requête auprès de la commission départementale des travailleurs handicapés de l'Indre contre la décision du 19 juillet 2001 de la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel (COTOREP) l'orientant vers une recherche directe d'emploi pour une durée de cinq ans ; que la commission départementale des travailleurs handicapés a rejeté cette requête par une décision du 9 janvier 2002 ; que, saisi d'un pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat a cassé cette décision le 28 avril 2004 et renvoyé l'affaire à la commission départementale des travailleurs handicapés ; que celle-ci a rejeté une seconde fois la requête de M. A par une décision du 19 octobre 2004 contre laquelle le requérant a formé le 12 mai 2005, après avoir obtenu l'aide juridictionnelle, un nouveau pourvoi en cassation auprès du Conseil d'Etat qui, le 28 décembre 2007, a cassé cette décision et, réglant l'affaire au fond, décidé qu'il n'y avait pas lieu à statuer ;

Considérant que, si la durée totale de la procédure juridictionnelle n'a pas été excessive, en revanche la dernière instance, qui a duré deux ans et sept mois, a, eu égard à la nature particulière du litige relatif à l'accès à la formation professionnelle d'un travailleur handicapé, revêtu une durée excessive ;

Sur le préjudice :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'en l'espèce M. A a subi, du fait du délai excessif de la procédure, un préjudice moral qui, compte tenu de l'ensemble des particularités de l'espèce, doit être évalué à 2 000 euros, tous intérêts compris à la date de la présente décision ;

Considérant, en second lieu, que, si M. A soutient qu'il a subi un préjudice matériel de 35 000 euros en raison de sa perte de chance d'obtenir une formation professionnelle et, par suite, d'augmenter ses revenus professionnels, il ne résulte pas de l'instruction que le préjudice ainsi invoqué revête un caractère certain ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que M. A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de M. A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SCP Boré et Salve de Bruneton de la somme de 1 500 euros ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'Etat est condamné à verser la somme de 2 000 euros tous intérêts compris à M. A.

Article 2 : L'Etat versera à la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de M. A, la somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Ludovic A et au garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.


Synthèse
Formation : 4ème et 5ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 334696
Date de la décision : 27/06/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 27 jui. 2011, n° 334696
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Bernard Stirn
Rapporteur ?: M. Louis Dutheillet de Lamothe
Rapporteur public ?: M. Rémi Keller
Avocat(s) : SCP BORE ET SALVE DE BRUNETON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:334696.20110627
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