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05/08/2011 | FRANCE | N°351247

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 05 août 2011, 351247


Vu la requête, enregistrée le 27 juillet 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Rachid A, élisant domicile chez M. Pierre-Jean Bourdon, 15, passage Savary à Angers (49100) ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1106867 du 21 juillet 2011 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de Maine-et-Loire d'enregistrer sa demande

d'asile, de lui assurer les moyens de subsistance au sens de la directi...

Vu la requête, enregistrée le 27 juillet 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Rachid A, élisant domicile chez M. Pierre-Jean Bourdon, 15, passage Savary à Angers (49100) ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1106867 du 21 juillet 2011 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de Maine-et-Loire d'enregistrer sa demande d'asile, de lui assurer les moyens de subsistance au sens de la directive 2003/9/CE et de lui indiquer dans un délai de 24 heures et sous astreinte de 100 euros par jour de retard le ou les centres d'accueil ou d'hébergement et de réinsertion sociale susceptibles de l'accueillir ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 800 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que le juge des référés de première instance a commis une erreur de droit dès lors qu'il n'a pas répondu, en méconnaissance de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, à l'ensemble de ses moyens ; que l'administration a porté une atteinte grave et manifestement illégale à son droit d'asile en ne lui accordant pas les conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile ; que la circonstance que la plateforme espace accueil ne soit pas en mesure d'assurer les missions que la préfecture lui a confiées ne saurait justifier la position de l'administration, à laquelle la directive 2003/9/CE impose d'allouer les ressources nécessaires pour la mise en oeuvre de ses exigences ; que le refus d'enregistrer sa demande d'asile au motif qu'il ne pouvait justifier de son adresse, est contraire aux exigences de la directive précitée ; qu'en ne lui indiquant pas les organisations assurant une assistance juridique spécifique et susceptibles de l'informer sur les conditions d'accueil, l'administration est seule responsable du défaut d'adresse ; que la transposition en droit interne de la directive 2003/9/CE ne peut être regardée comme satisfaisante ; que la condition d'urgence est remplie dès lors qu'il se trouve dans une situation de précarité matérielle et morale contraire aux stipulations des articles 2 et 3 de la convention précitée ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 1er août 2011, présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que l'administration n'a pas porté atteinte à une liberté fondamentale ; que le requérant, n'ayant pas déposé un dossier de demande d'asile ou d'autorisation de séjour, ne peut être considéré comme demandeur d'asile ; qu'ainsi M. A ne peut motiver sa requête sur le manque de moyens consacrés à l'accueil et à l'hébergement de demandeurs d'asile ; qu'il ne justifie pas avoir effectué les démarches auprès de l'association espace accueil , lui permettant d'avoir une adresse nécessaire au dépôt de la demande d'asile ; que l'urgence ne peut être justifiée par la précarité matérielle et morale de sa situation ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 3 août 2011, présenté par M. A, qui reprend les conclusions et moyens de sa requête ; il soutient, en outre, que, eu égard aux dispositions de l'article 4-2, 2ème alinéa du règlement CE n° 343/2003, le préfet aurait dû dresser un procès-verbal de sa demande d'asile orale ; qu'il résulte de l'article 13-1 de la directive 2003/9/CE, que l'accès aux conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile, constitue en l'espèce une obligation de résultat ; que la liberté des demandeurs d'asile de choisir un domicile individuel est prévue dans les dispositions de l'article 24 de la directive précitée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ;

Vu la directive 2003/9/CE du Conseil du 27 janvier 2003 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part M. A et, d'autre part, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 3 août 2011 à 15 heures, au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Gaschinard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A ;

- M. A ;

- les représentants de M. A ;

- les représentantes du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. ; qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'étranger qui, n'étant pas déjà admis à résider en France, sollicite son admission au séjour au titre de l'asile en application de l'article L. 741-1 présente à l'appui de sa demande : (...) / 4° L'indication de l'adresse où il est possible de lui faire parvenir toute correspondance pendant la durée de validité de l'autorisation provisoire de séjour délivrée sur le fondement de l'article R. 742-1. Si le choix d'une adresse se porte sur celle d'une association, celle-ci doit être agréée par arrêté préfectoral. L'agrément est accordé pour une durée de trois ans renouvelable aux associations régulièrement déclarées depuis au moins trois années dont l'objet est en rapport avec l'aide ou l'assistance aux étrangers, et justifiant d'une expérience dans les domaines de l'accueil, de la prise en charge, de la domiciliation ou de l'hébergement des demandeurs d'asile, ainsi que de leur aptitude à assurer effectivement la mission de réception et de transmission des courriers adressés aux demandeurs d'asile (...) ; qu'aux termes de l'article R. 742-1 du même code : Dans un délai de quinze jours après qu'il a satisfait aux obligations prévues à l'article R. 741-2, l'étranger est mis en possession d'une autorisation provisoire de séjour portant la mention en vue de démarches auprès de l'OFPRA, d'une validité d'un mois, pour autant qu'il ne soit pas fait application du 1° au 4° de l'article L. 741-4 sans préjudice des dispositions du premier alinéa de l'article L. 742-6.... ;

Considérant que M. A, ressortissant somalien, est entré irrégulièrement en France et a sollicité à la préfecture de Maine-et-Loire, en juin 2011, son admission au séjour au titre de l'asile ; que celle-ci l'a orienté vers l'association agréée par l'autorité préfectorale en application de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, afin que lui soit procurée une domiciliation nécessaire au dépôt de sa demande d'asile ; qu'il résulte de l'instruction et des échanges entre les parties à l'audience, que l'intéressé s'est présenté à cette association qui a indiqué être dans l'impossibilité de lui attribuer une domiciliation au motif que le dispositif d'accueil était saturé ; que le préfet du Maine-et-Loire, faute d'une telle domiciliation, a refusé d'enregistrer sa demande d'asile et n'a donc pas été conduit à mettre en oeuvre les diligences légalement requises pour l'accueil et l'hébergement des demandeurs d'asile ;

Considérant qu'il résulte ainsi de l'instruction et des échanges entre les parties lors de l'audience, que, contrairement à ce qu'a retenu le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, M. A a effectué les démarches nécessaires en vue de la domiciliation requise par l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour le dépôt de sa demande d'asile ; que le ministre a fait état, à cette audience, de la saturation des plateformes d'accueil des demandeurs d'asile et indiqué que la demande de domiciliation du requérant sera traitée au mois de septembre 2011 ; que toutefois, en l'absence d'une telle domiciliation, M. A a été privé de la possibilité de déposer une demande d'asile par le préfet de Maine-et-Loire ; que le délai anormalement long proposé à M. A pour sa seule domiciliation, faisant obstacle au dépôt de sa demande d'asile, constitue une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile ; qu'il y a lieu par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, d'annuler l'ordonnance du 21 juillet 2011 du juge des référés du tribunal administratif de Nantes et d'enjoindre au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration de faire domicilier M. A en vue de l'enregistrement de sa demande d'asile dans un délai de soixante-douze heures à compter de la notification de la présente ordonnance ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu, en l'absence de justifications, de faire droit à la demande de M. A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

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Article 1er : L'ordonnance du 21 juillet 2011 du juge des référés du tribunal administratif de Nantes est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration de faire domicilier M. A en vue de l'enregistrement de sa demande d'asile dans un délai de soixante-douze heures à compter de la notification de la présente ordonnance.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A est rejeté.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Rachid A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Copie en sera adressée au préfet de Maine-et-Loire.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 351247
Date de la décision : 05/08/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 05 aoû. 2011, n° 351247
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Rémy Schwartz

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:351247.20110805
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