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26/10/2011 | FRANCE | N°329295

France | France, Conseil d'État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 26 octobre 2011, 329295


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 juin et 25 septembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. B... A..., demeurant..., ; M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision n° 4570 du 28 avril 2009 par laquelle la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des médecins, réformant la décision du 16 septembre 2008 de la section des assurances sociales du conseil régional de l'ordre des médecins de Provence-Côte-d'Azur qui lui avait infligé la sanction de l'interdiction du dr

oit de donner des soins aux assurés sociaux pendant six mois, dont de...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 juin et 25 septembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. B... A..., demeurant..., ; M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision n° 4570 du 28 avril 2009 par laquelle la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des médecins, réformant la décision du 16 septembre 2008 de la section des assurances sociales du conseil régional de l'ordre des médecins de Provence-Côte-d'Azur qui lui avait infligé la sanction de l'interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux pendant six mois, dont deux mois avec le bénéfice du sursis, a porté à quatre mois la partie assortie du sursis, décidé que la partie non assortie du sursis prendrait effet du 1er septembre 2009 à 0 h au 31 octobre 2009 à minuit, avec publication par voie d'affichage, et mis à sa charge les frais de l'instance ;

2°) de mettre à la charge du médecin-conseil, chef de service de l'échelon local de Marseille, la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 ;

Vu le décret n° 2007-146 du 1er février 2007 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christophe Eoche-Duval, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Richard, avocat de M. A... , de Me Foussard, avocat du médecin-conseil chef du service de l'échelon local de Marseille et de la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat du Conseil national de l'ordre des médecins,

- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Richard, avocat de M. A..., à Me Foussard, avocat du médecin-conseil chef du service de l'échelon local de Marseille et à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat du Conseil national de l'ordre des médecins,

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M.A..., qualifié en médecine générale, a fait l'objet d'un contrôle de son activité pendant la période du 1er avril au 30 juin 2005 ; qu'à la suite de la notification des griefs, le 2 mars 2006, l'entretien contradictoire prévu par l'article R. 315-1-2 du code de la sécurité sociale a eu lieu le 4 avril 2006 ; que, des anomalies ayant été relevées dans les prescriptions établies par ce praticien, le médecin-conseil chef du service de l'échelon local de Marseille a déposé contre lui, le 19 février 2007, une plainte devant la section des assurances sociales du conseil régional de l'ordre des médecins de Provence-Côte-d'Azur-Corse ;

Sur les moyens relatifs à la méconnaissance des droits de la défense pendant le contrôle d'activité et à la recevabilité de la plainte du médecin-conseil :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa du IV de l'article L. 315-1 du code de la sécurité sociale, issu de la loi du 13 août 2004 et relatif à l'analyse de l'activité des professionnels de santé : " (...) La procédure d'analyse de l'activité se déroule dans le respect des droits de la défense selon des conditions définies par décret " ; qu'en application de ces dispositions, le décret du 1er février 2007 a précisé les modalités de l'entretien prévu à l'article R. 315-1-2 de ce code et les suites attachées à cette procédure, par des dispositions insérées aux D. 315-1 à D. 315-3 ; qu'aux termes de l'article D. 315-2 : " Préalablement à l'entretien prévu à l'article R. 315-1-2, le service du contrôle médical communique au professionnel de santé contrôlé l'ensemble des éléments nécessaires à la préparation de cet entretien, comportant notamment la liste des faits reprochés au professionnel et l'identité des patients concernés. / Cet entretien fait l'objet d'un compte-rendu qui est adressé, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au professionnel de santé dans un délai de quinze jours. A compter de sa réception, le professionnel de santé dispose d'un délai de quinze jours pour renvoyer ce compte-rendu signé, accompagné d'éventuelles réserves. A défaut, il est réputé approuvé. " ; qu'aux termes de l'article D. 315-3 : " A l'expiration des délais prévus au second alinéa de l'article D. 315-2 ou, à défaut, à l'expiration du délai d'un mois mentionné à l'article R. 315-1-2, la caisse informe dans un délai de trois mois le professionnel de santé des suites qu'elle envisage de donner aux griefs initialement notifiés. A défaut, la caisse est réputée avoir renoncé à poursuivre le professionnel de santé contrôlé. " ;

Considérant que les dispositions par lesquelles le législateur a prévu que la procédure d'analyse de l'activité se déroule dans le respect des droits de la défense, qui sont entrées en vigueur dès le lendemain de leur publication, n'ont pas eu pour effet de faire de ce respect lors de la procédure de contrôle médical, telle que définie aux articles R. 315-1-1 et R. 315-1-2 du code de la sécurité sociale et précisée, en ce qui concerne les modalités d'organisation de l'entretien, par les dispositions des articles D. 315-1 et D. 315-2, une condition de recevabilité de la plainte devant les juridictions chargées du contrôle technique, dès lors que le respect des droits de la défense est, alors, assuré par l'application des règles de la procédure juridictionnelle ; que, si l'article D. 315-3 fixe un délai au-delà duquel la caisse, faute d'avoir informé le professionnel des suites qu'elle envisage de donner aux griefs, est réputée avoir renoncé à exercer des poursuites, l'irrecevabilité de la saisine résultant du défaut de cette formalité ne vaut toutefois, aux termes mêmes de l'article, que pour la caisse, sans affecter le droit que le médecin-conseil tient de l'article R. 145-18 du code de la sécurité sociale de saisir les sections des assurances sociales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que les conditions dans lesquelles s'est déroulé le contrôle des actes de M. A...avant le dépôt de la plainte avaient été sans influence sur la régularité de la procédure suivie devant la juridiction ordinale, la section des assurances sociales n'a pas commis d'erreur de droit au regard de l'article L. 315-1 du code de la sécurité sociale ; que ce faisant, elle n'a pas non plus méconnu les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui ne sont pas applicables à la procédure antérieure à la plainte ; que si, pour juger que les dispositions de l'article D. 315-3 du code de la sécurité sociale ne faisaient pas obstacle à la recevabilité de la plainte, la section des assurances sociales s'est fondée sur le motif erroné tiré de ce que le décret du 1er février 2007 était entré en vigueur postérieurement au dépôt de la plainte, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que ces dispositions ne s'appliquent pas à une plainte du médecin-conseil qui, en l'espèce, avait saisi la juridiction ; que, dès lors, le moyen invoqué devant les juges du fond par M. A...était, en tout état de cause, inopérant ; qu'il convient de l'écarter pour ce motif, qui doit être substitué à celui retenu par les juges du fond ;

Sur les autres moyens du pourvoi :

En ce qui concerne la procédure devant la section des assurances sociales :

Considérant que la section des assurances sociales n'a pas méconnu les exigences de l'article R. 145-19 du code de la sécurité sociale en jugeant que le fait pour M. A...d'avoir été mis à même de prendre connaissance des originaux des pièces du dossier permettait d'écarter toute atteinte au caractère contradictoire de la procédure juridictionnelle et que la circonstance que les copies communiquées n'auraient pas toutes été correctement lisibles ne l'avait pas empêché d'en prendre connaissance ; que le requérant ne saurait utilement invoquer le paragraphe 3 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui n'est pas applicable au contentieux du contrôle technique ;

En ce qui concerne la composition de la section des assurances sociales du conseil régional :

Considérant qu'en écartant le moyen tiré de la méconnaissance, par la juridiction de première instance, de l'exigence d'impartialité rappelée par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, au motif que le requérant n'avait pas allégué en appel que les assesseurs siégeant en première instance auraient eu un lien avec l'auteur de la plainte formée devant les premiers juges, la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des médecins, qui n'avait pas à relever d'office un moyen dont le bien-fondé ne ressortait pas des pièces du dossier, n'a pas commis d'erreur de droit ;

En ce qui concerne les manquements reprochés :

Considérant que, contrairement à ce que soutient le requérant, la section des assurances sociales n'a pas jugé que la prescription d'un médicament en dehors des préconisations de l'autorisation de mise sur le marché suffisait à caractériser une faute ; qu'elle a pu, sans erreur de droit, prendre en compte cet élément parmi des indices du caractère injustifié des prescriptions, susceptibles de faire ainsi courir un risque aux patients, dont elle a relevé aussi le caractère répétitif ; qu'en jugeant que, par ses prescriptions médicamenteuses de substitution aux produits opiacés, et en s'abstenant d'organiser un sevrage, M. A...avait fait courir à ses patients un risque injustifié et commis ainsi des fautes passibles d'une sanction en application de l'article L. 145-2 du code de la sécurité sociale, la section des assurances sociales, qui a suffisamment motivé sa décision, n'a ni dénaturé les pièces du dossier, ni méconnu les dispositions de l'article L. 162-2 du même code relatives au respect de la liberté d'exercice et de l'indépendance professionnelle et morale des médecins ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le pourvoi de M. A...doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à sa charge la somme de 3 000 euros à verser, au même titre, au médecin-conseil, chef de service de l'échelon local de Marseille ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. A...est rejeté.

Article 2 : M. A...versera au médecin-conseil, chef de service de l'échelon local de Marseille, la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B...A..., au médecin-conseil, chef de service de l'échelon local de Marseille et au Conseil national de l'ordre des médecins.

Copie en sera adressée pour information au conseil départemental de l'ordre des médecins des Bouches-du-Rhône.


Synthèse
Formation : 4ème et 5ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 329295
Date de la décision : 26/10/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA RÈGLE DE DROIT - PRINCIPES GÉNÉRAUX DU DROIT - RESPECT DES DROITS DE LA DÉFENSE - CONTRÔLE MÉDICAL - PROCÉDURE D'ANALYSE DE L'ACTIVITÉ DES PROFESSIONNELS DE SANTÉ DISPENSANT DES SOINS AUX ASSURÉS SOCIAUX (IV DE L'ART - L - 315-1 DU CODE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE) - INCIDENCE SUR LA RECEVABILITÉ DES PLAINTES DEVANT LES JURIDICTIONS CHARGÉES DU CONTRÔLE TECHNIQUE - ABSENCE [RJ1].

01-04-03 Les dispositions, issues de l'article 26 de la loi n° 2004-810 du 13 août 2004, en vertu desquelles la procédure d'analyse de l'activité des professionnels de santé dispensant des soins aux assurés sociaux prévue au IV de l'article L. 315-1 du code de la sécurité sociale se déroule dans le respect des droits de la défense, n'ont pas eu pour effet de faire de ce respect lors de la procédure de contrôle médical, désormais régie par les dispositions réglementaires issues du décret n° 2007-146 du 1er février 2007, une condition de recevabilité de la plainte devant les juridictions chargées du contrôle technique, dès lors que le respect des droits de la défense est, alors, assuré par l'application des règles de la procédure juridictionnelle.

SÉCURITÉ SOCIALE - RELATIONS AVEC LES PROFESSIONS ET LES ÉTABLISSEMENTS SANITAIRES - RELATIONS AVEC LES PROFESSIONS DE SANTÉ - MÉDECINS - CONTRÔLE MÉDICAL - ANALYSE DE L'ACTIVITÉ DES PROFESSIONNELS DE SANTÉ DISPENSANT DES SOINS AUX ASSURÉS SOCIAUX (IV DE L'ART - L - 315-1 DU CODE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE) - RECEVABILITÉ DE LA PLAINTE DEVANT LES JURIDICTIONS CHARGÉES DU CONTRÔLE TECHNIQUE - CONDITIONS - 1) RESPECT DES DROITS DE LA DÉFENSE LORS DE LA PROCÉDURE D'ANALYSE (ART - 26 DE LA LOI DU 13 AOÛT 2004) - EXCLUSION [RJ1] - 2) RESPECT DU DÉLAI D'INFORMATION DU PROFESSIONNEL (ART - D - 315-3 DU MÊME CODE) - INCLUSION EN CE QUI CONCERNE LA SEULE CAISSE - ET NON LE MÉDECIN-CONSEIL.

62-02-01-01 1) Les dispositions, issues de l'article 26 de la loi n° 2004-810 du 13 août 2004, en vertu desquelles la procédure d'analyse de l'activité des professionnels de santé dispensant des soins aux assurés sociaux prévue au IV de l'article L. 315-1 du code de la sécurité sociale se déroule dans le respect des droits de la défense, n'ont pas eu pour effet de faire de ce respect lors de la procédure de contrôle médical, désormais régie par les dispositions réglementaires issues du décret n° 2007-146 du 1er février 2007, une condition de recevabilité de la plainte devant les juridictions chargées du contrôle technique, dès lors que le respect des droits de la défense est, alors, assuré par l'application des règles de la procédure juridictionnelle.,,,2) L'irrecevabilité de la saisine de la juridiction chargée du contrôle technique tenant au non-respect du délai, fixé par l'article D. 315-3 du code de la sécurité sociale, au-delà duquel la caisse, faute d'avoir informé le professionnel de santé contrôlé des suites qu'elle envisage de donner aux griefs notifiés, est réputée avoir renoncé à le poursuivre, ne vaut que pour la caisse, et n'affecte pas le droit du médecin-conseil de saisir les sections des assurances sociales.


Références :

[RJ1]

Rappr., sous l'empire des dispositions antérieures à la loi du 13 août 2004 et au décret du 1er février 2007, CE, 6 juin 2001, Caisse primaire d'assurance maladie de Vienne, n° 210885, T. pp. 1174-1198.


Publications
Proposition de citation : CE, 26 oct. 2011, n° 329295
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christophe Eoche-Duval
Rapporteur public ?: Mme Gaëlle Dumortier
Avocat(s) : SCP RICHARD ; SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD ; FOUSSARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:329295.20111026
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